LE SEXE SELON MAÏA
Ah, comme il serait commode que notre sexualité ressemble à celle des films! Il suffirait que nous nous embrassions pour terminer au lit, le Kama-sutra découlerait d’un échange de regards, sans aucune transition, sans temps mort, sans prendre le temps de se brosser les dents, encore moins de régler son alarme – dans le monde du sexe idéal, le lendemain matin n’existe pas, ni la mauvaise haleine.
Malheureusement, dans la vraie vie, notre soif de fluidité se heurte à mille contrariétés. Par exemple, quelqu’un doit prendre l’initiative. Parce que la synchronicité des désirs demande un alignement des planètes : ça peut arriver, mais pas tous les jours.
Du côté des hétérosexuels, ce sont, de manière écrasante, les hommes qui prennent l’initiative. Les raisons en sont multiples et dépendent de chaque couple, de chaque éducation sexuelle : qu’on parle d’asymétrie des libidos (l’homme aurait plus souvent envie) ou de poids culturel (la femme s’imagine qu’être force de proposition ne sied pas à une dame), de fossé des orgasmes (les hommes jouissent plus souvent, le coût effort/bénéfice joue en leur faveur) ou encore des archétypes de la virilité (un homme, ça bande, il faut que ça assure le devoir conjugal).
Pourquoi ça coince ?
Parce que nous répétons à tout bout de champ que la sexualité est un lieu d’égalité parfaite, comme si la position horizontale garantissait l’horizontalité des rapports de pouvoir (ce serait commode, je vous l’accorde). Mais si l’homme est l’unique instigateur des rapports, comment pourrait-il se sentir désiré ? Transition féministe oblige, les femmes ont le cul entre deux chaises : à commenter la plastique du dernier jeune premier, tout en oubliant de commenter les fesses de leur amoureux. A dire que les hommes sont formidables, mais à affirmer que les femmes sont « naturellement » plus belles. A réclamer leur droit au désir, sans l’affirmer sous leur toit. A vanter un idéal de réciprocité, tout en laissant le boulot émotionnel du désir (c’en est un) à l’autre – en sachant pertinemment que demander une fois ou mille fois, c’est la différence entre proposer et insister, entre complimenter et harceler.
Parce qu’en ces temps d’autonomie individuelle glorifiée, être « en demande » passe pour une position d’infériorité. Ce qui se conteste. Nous confondons demander et faire la manche, nous nous drapons dans notre fierté, mais il est humain d’avoir des besoins. Affectifs et sexuels. Si nous nous sommes mis en couple, c’est tout de même aussi, un peu, parce que nous demandons à l’autre d’être là (dans notre lit).
Lemonde