Ce 27 Décembre 2021 est mis en opération le Train Express Régional (TER) qui vient moderniser les transports collectifs au Sénégal et contribuer à mettre fin aux problèmes de mobilité dans la grande métropole de Dakar.
Lancé il y a 5 ans, l’infrastructure dont l’État du Sénégal en est le propriétaire, a coûté 780 milliards de FCFA. Ce qui représente un investissement considérable qui exige de nous, de tout Sénégalais une appropriation judicieuse en vue de sa pérennité; mais aussi de réflexion sur certains enjeux que soulèvent le développement des transports collectifs durables comme le TER et le BRT.
DE LA NECESSITÉ DU TER ET DES TRANSPORTS COLLECTIFS
Les systèmes de transport de nos villes répondent actuellement à une mobilité de plus en plus intense, avec la prépondérance du recours à la voiture individuelle. Il est démontré que ces systèmes de transport basés sur l’usage de véhicules motorisés individuels sont à l’origine de charges environnementales excessives avec notamment l’augmentation des émissions et concentrations de gaz à effet de serre, mais à l’origine aussi de problèmes de mobilité et d’accessibilité dans les zones urbaines ; ce qui menace la compétitivité économique de nos pays et leur confère un caractère non durable (congestions, insécurité routière, pollution atmosphérique, occupation de plus d’espace etc…)
Avec près de 25% de la population du pays sur une superficie retreinte (0,3% du territoire), la Ville de Dakar étouffe avec des besoins en mobilité estimés à 124000 passagers en heure de pointe du matin (source BOAD), et un système de transport désastreux, vieillissant et insuffisant avec des conséquences économiques et sécuritaires multiples ; les pertes liées aux problèmes de mobilité sont estimées à près de 100 milliards de nos francs par an.
« Un système de transport n’est durable que si le nombre de déplacements motorisés, la distance parcourue lors d’un déplacement motorisé et la consommation de ressources pour les déplacements motorisés sont minimisés » (Marti et al., 2000) ; ce qui caractérise essentiellement les transports collectifs, comme le TER et le futur BRT. Ces deux projets réduiront considérablement les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux objectifs déclinés par le Sénégal de réduction de ceux-ci de 5 à 9% à l’horizon 2035 et ainsi permettre de lutter contre le réchauffement climatique avec ses impacts négatifs comme la fréquence et la violence accrues des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les vagues de chaleur, les inondations et l’élévation du niveau entre autres.
APPROPRIATION DES INFRASTRUCTURES, PÉRENNITÉ ET ENJEUX
Avec l’opérationnalisation du TER et prochainement du BRT, ainsi que la création de pôles urbains comme celui de Diamniadio, le Sénégal vient ainsi de rendre effectif une politique intégrant urbanisation et transports, permettant de favoriser une mobilité durable dans nos villes.
Comme souligné plus haut, la ‘’mise en rails’’ du TER a nécessité la mobilisation de ressources considérables non seulement en matière d’infrastructure et d’équipements, mais aussi dans la mise en œuvre de systèmes de transferts de compétences ainsi que des efforts substantiels pour favoriser nos entreprises et la main d’œuvre locales. Aussi devrions-nous nous approprier l’ouvrage pour sa pérennité?
ENJEU 1 : ENTRETIEN ET PERRÉNITÉ DES INSTRASTRUCTURES
Les gestionnaires du TER ont d’ailleurs édicté un certain nombre de recommandations en matière d’hygiène et de sécurité que tout patriote devra respecter; dont la limitation de bagages, l’interdiction d’armes et le conditionnement de nourriture à bord entres autres. Il sera très important de rajouter à ces recommandations l’exigence de respect de la capacité des rames, quand on connait la propension de l’« homo senegalensis » à la surcharge ! Des campagnes de sensibilisation seront certainement nécessaires en vue de la pérennisation des infrastructures du TER et de tout autre ouvrage du pays, d’ailleurs.
Il est par ailleurs très important que tout Sénégalais, de quelque bord politique qu’il appartienne, considère d’abord n’importe quelle infrastructure sur le territoire comme un bien commun et user de celle-ci de manière convenable.
ENJEU 2 : INTÉGRATION MODALE
Les gestionnaires
Il sera très important de maintenir et d’améliorer l’état et la fonctionnalité des systèmes de transports pour une meilleure complémentarité des modes de transport. Les transferts modaux avec les réseaux de bus existants et le futur BRT devront être optimisés. L’intégration modale (ferroviaire – route) devra être continuellement améliorée et devra même nécessité la mise en place d’une unité en charge de la problématique et des programmes de soutien. La survie de compagnies de transports comme Dakar Dem Dikk (déjà mal en point) et autres dépend de la réussite de l’intégration modale.
ENJEU 3 : SÉCURITÉ
Les gestionnaires
L’affluence et le développement du TER est aussi tributaire de la confiance des usagers surtout en matière de sécurité. D’emblée, un tel système de transport est sécuritaire; mais une attention particulière est à prêter au niveau des passerelles et aux emprises, notamment avec les risques d’électrocution (caténaire) et d’accidents liés à la divagation d’animaux etc…Le risque terroriste est également à considérer pour ces types de transports collectifs de masse.
La mise en place de système de gestion de sécurité (SGS) adapté aux différents environnements sera nécessaire, de même que la formation continue et la sensibilisation aussi bien des usagers que des travailleurs.
ENJEU 4 : ENERGIE
Les gestionnaires
L’affluence
Les rames du TER sont réputées Bi-mode; c’est-à-dire qu’elles sont dotées d’un moteur diesel et d’équipements nécessaires à une circulation en mode électrique. Elles peuvent donc circuler aussi bien sous diésel (hydrocarbure) que sur lignes équipées de caténaire (électrique). L’enjeu sera de s’assurer en tout temps de la disponibilité de la source d’énergie, et surtout celle électrique pour garder l’étiquette de transport écologique et durable. Il faut rappeler que l’Energie est encore une problématique chez nous ou beaucoup de zones restent à être électrifiées. L’exploitation future du pétrole et gaz sénégalais donne de l’espoir malgré la menace de l’arrêt de tout financement des énergies fossiles après l’appel de l’Agence Internationale de l’Energie.
ENJEU 5 : EXTENSION RESEAU ET REHABILITATION DU FERROVIAIRE
Les gestionnaires
L’affluence
Les rames du TER sont réputées Bi-mode; c’est-à-dire qu’elles sont dotées d’un moteur diesel
La 2e phase du TER actuellement entamée concernera son extension jusqu’à AIBD – Diass. L’extension du réseau jusqu’à Thiès et Mbour est également envisagée. L’une des critiques formulées contre le TER est sa non-priorité par rapport à la réhabilitation du réseau ferroviaire du pays.
Il faut dire que le désengorgement de la capitale était une nécessité comme soulevé plus haut, mais la réhabilitation du réseau ferroviaire existant est économiquement intéressante vue le flux de transports de marchandise et personnes à l’intérieur du pays et avec les pays frontaliers. Il sera important que les autorités s’y penchent dans le cadre d’un large et ambitieux programme de développement du ferroviaire qui pourrait régler aussi le problème de l’emploi des jeunes entre autres.
Bonne Inauguration.
* Cheikh Oumar Dieng
Sherbrooke, QC