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(29 décembre 1925-29 décembre 2021) L’ISLAM ET LA NEGRITUDE vu par le Savant Serigne Cheikh Ahmed Tidiane SY Al Makhtoum

Si la reconnaissance s’identifie souvent avec la connaissance profonde des choses, force nous est de rendre hommage à ceux qui ont la redoutable mission de présider aux destinées de notre continent, à ceux là mêmes qui inspirés par un souffle vertueux, œuvrent inlassablement pour le bien de tous. N’est ce pas-là, la raison, une raison majeure qui nous encourage, qui nous a toujours encouragés à apporter notre contribution. Une contribution modeste peut être, mais qui n’en demeure pas moins sincère et essentiellement militante. Contribution qui, d’ailleurs a pour point de départ les liens unissant dans un impact idéo religieux et l’Islam et la Négritude. Pourquoi l’Islam ? Pourquoi la Négritude ?

L’on ne peut parler d’un événement historique sans au préalable faire référence en ce qui constitue son avènement, c’est-à-dire une révolte juvénile, une révolte dont l’écho devient de plus en plus retentissant dans l’enceinte même où prennent formes et vigueurs les éléments, tous les éléments vérifies de l’histoire contemporaine. Il s’agit avant tout de rendre à César ce qui appartient à César et de dire ce que la Négritude doit à ses apôtres. Cela signifie que cette humeur maussade contenue dans un cri de révolte à la mise sur pied d’un système qui comme tout autre système va avoir et ses partisans et ses détracteurs, entre ceux-ci et ceux là il y a l’image des grands amants modernes, image qui, paradoxalement nous est présentée par la voix de l’ancêtre.
Il était une fois, c’est l’ancêtre qui parle, il était une fois un adolescent, parce que déçu à la suite d’une cruelle désillusion, prenait la résolution de ne plus se comporter comme un simple instrument de servitude. Un adolescent dont l’amertume ne pouvait avoir d’égal que la franchise et parfois même l’asservité d’un langage. Il s’appelait pour l’honneur et le bonheur de sa race, AIME CESAIRE.
Il était une fois encore un garçon nommé LEON GONTRAN DAMAS qui, rendu soupçonneux par les artifices de sa nouvelle condition, se proposait de dresser l’inventaire d’un choix ou d’une existence.
Il était une fois, enfin, un étudiant noir, installé dans la magie d’un verbe lui permettant d’opposer à toute intransigeance paternaliste, un enthousiasme désarmant ; enthousiasme qui, déjà, semblait porter un nom plus que familier, celui de LEOPOLD SEDAR SENGHOR.

Ainsi, le rôle joué par le Sénégal dans le vaste mouvement de la Négritude grâce à son illustre Président, ne saurait laisser indifférent aucun homme de bonne foi. Est-il besoin de rappeler ici le témoignage d’un chercheur moderne du Moyen Orient Sahid Haqli qui, au nom de la civilisation arabo-musulmane dit ceci : « face à la lutte des peuples, Senghor dispose d’une arme nouvelle, une arme qui est un don du ciel ». Une voix dont le contenant et le contenu sont marqués d’un même centre de gravité. Cette voix qui affirme que « la liberté n’est pas seulement l’art de savoir manier une machine de guerre qu’elle soit offensive ou défensive.
La liberté, c’est surtout cette générosité qui en atténue les chocs et les vacarmes ». C’est ce que les Senghor ont toujours tenté de mettre en évidence en rendant ainsi hommage quelques siècles après à la prodigieuse rencontre sur le chemin des croisades du vaillant Saint Louis et du magnanime Salahoudine Al Ayoubi . Il n’y a que les grands qui savent servir avec grandeur. Cela n’a rien à voir avec les parchemins, cela n’a rien à voir avec les titres universitaires. Il s’agit d’un message apporté à la suite d’une anomalie.
L’histoire accepte tout sauf ce genre d’anomalie dont l’astuce principale consiste justement à dénaturer ce qu’il y a de plus naturel dans la démarche des hommes. Afin que le nègre cesse de faire figure de parent pauvre et que le colonisateur prenne un autre nom que celui de renégat, il fallait cette tentative de réhabilitation et ce geste de bonne volonté qui, en commun accord avec les exigences historiques, devaient fournir à l’un et à l’autre une matière à réflexion.
Sûrement, un tel geste et une telle tentative sont très souvent de nature à susciter tant d’enthousiasme, mais aussi tant d’incompréhension, ce qui dans toute entreprise humaine est un signe de vitalité et même de « Baraka ».

En s’adressant au Prophète de l’Islam, Cheikh Ahmed Tidiany dit ceci : « Ton chemin nous mène parfois à la cité du scandale, là où mon énergie devient débilite, où ma force devient source de calamité ». C’est une façon de parler. C’est une déformation en matière de rhétorique, une entorse analytique qui tient plus précisément à la mysticité. Mais quelqu’un l’a affirmé quelque part, je ne sais qui, je ne sais où : il n’y a que les grands amants de l’histoire qui réussissent dans ce genre d’entreprise. Un grand penseur de l’Islam l’a chanté : « ta passion m’a habité, alors que j’ignorais tout de l’existence d’une passion. Elle a trouvé une âme vierge. Que pouvait-elle faire sinon d’y étendre son empire ? »b[« Atâny hawâha qabla an a’rif al hawâ wa sâ dafa qalban qaliyan fa tamakana ».
Et cela nous conduit directement avec un recul de quelques années au premier festival des arts nègres. Un festival dont le rayonnement à travers le monde n’est plus à démontrer. André Malraux n’a-t-il pas raison de se déclarer surpris devant l’ampleur du choix, devant la solennité de l’engagement. Et il dit : « pour la première fois, un chef d’état prend entre ses mains périssables le destin spirituel d’un continent ».
Seul Malraux était capable de donner à l’événement cette dimension exceptionnelle. Et un ami français me pose tout de suite la question traditionnelle, une question tant attendue :-Quel est le mérite de Senghor et des sénégalais dans tout cela ?
Un autre ami sénégalais répond à ma place :
-le mérite de Senghor, c’est d’avoir tenté l’expérience…

Mame Serigne Cheikh Ahmed Tidiane SY Al Maktoum