L’Imam Khomeini, l’architecte et le grand fondateur de la Révolution islamique de 1979 en Iran, en jetant les bases d’un «nouvel ordre» international pour remplacer l’ancien ordre westphalien, a marqué une nouvelle ère qui, compte tenu des conditions temporelles et spatiales du système international bipolaire de l’époque, a débouché sur une troisième voie qui se distinguait du capitalisme et du communisme.
L’imam Khomeini a essayé d’influencer la structure du système international en réclamant un changement dans le type et le nombre des acteurs, ainsi que dans la répartition du pouvoir entre les acteurs internationaux, en insistant sur le rôle de nouveaux acteurs sur la scène des relations internationales, notamment les civilisations, les mouvements de libération et les élites intellectuelles et religieuses, et en renforçant le rôle du MNA par rapport aux deux blocs de puissance Est et Ouest, avec le slogan «ni Est ni Ouest». Il a également accordé de l’importance au système régionale en s’appuyant sur la culture indépendante des peuples Musulmans contre la culture coloniale pour pouvoir influencer le système international de bas en haut afin de mobiliser ainsi les opprimés autour de l’axe de résistance contre le système de domination des grandes puissances. Selon lui, si l’axe de résistance islamique est renforcé, elle peut jouer un rôle majeur dans les équations régionales pour contrarier le système de domination.
L’Imam Khomeini a également élaboré le concept de la civilisation islamique basée sur la moralité, la confiance en soi, la rationalité et l’importance des cultures, des technologies et des sciences tant physiques que spirituelles.
L’Imam Khomeini a, en effet, offert une nouvelle littérature qui, dans les dernières décennies du XXe siècle, est devenue un discours dominant de l’époque débouchant sur les développements internationaux. En insufflant l’esprit de spiritualité dans un monde sans âme de l’époque, il a mis en avant la première révolution pacifique de l’histoire contemporaine.
L’imam Khomeini, par le biais de la révolution islamique d’Iran, a réussi à établir une sorte d’ordre post-Westphalien basé sur la spiritualité. La raison du succès des pensées de l’Imam Khomeini peut être recherchée dans les valeurs enracinées dans la poursuite du salut, du bonheur, du progrès et d’une vie de qualité tant morale que matérielle pour les êtres humains. La pensée de l’Imam Khomeini était principalement liée aux vertus formulées dans la théorie de l’homme parfait élaborée dans le mysticisme islamique et conformément à la tradition du Prophète Muhammad (PSL) en tant qu’exemple d’un homme parfait. Ces vertus et valeurs apparues dans la pensée de l’Imam Khomeini ont favorisé l’établissement de la République islamique. Pour l’Imam Khomeini, la politique était l’arène de l’épanouissement des vertus humaines, ainsi que le champ de réalisation des droits de l’homme et de ses devoirs dans la sphère de la vie tant individuelle que collective, de telle sorte qu’une sorte d’équilibre entre les droits et les responsabilités dans un système harmonieux de pensée et dans une modélisation pratique se réalise.
Ainsi, le succès de la pensée de l’Imam Khomeini réside dans le fait qu’il a pu fournir un modèle pratique de comportement pour les êtres humains. Par conséquent, le secret du succès de la pensée de l’Imam Khomeini relève de l’originalité des valeurs et des vertus islamiques et humaines, du lien étroit entre la pensée et l’action et de la possibilité de sa modélisation appliquée.
Ainsi, sur la base de la “théorie de diffusion”, on peut interpréter que la transmission de la pensée et des idéaux de l’Imam Khomeini en tant que centre de gravité et la source originaire de la diffusion, a favorisé la propagation de l’idée de la Révolution islamique à travers le monde. La révolution islamique d’Iran, en tant que source de diffusion, est devenue le foyer d’innovation et de transmission de nouveaux idéaux et valeurs, pour être reflétée dans certains pays musulmans. La question de la diffusion peut être considérée comme un modèle de système politique, c’est-à-dire celui de la démocratie religieuse. Soutenant la compatibilité entre l’islam et la modernité, l’Imam Khomeini dans son discours historique à Behesht Zahra, à Téhéran, déclarant que nous ne sommes pas contre le cinéma mais contre la corruption et la dépravation, a pratiquement montré que l’islam est compatible avec la modernité, mais que l’islam n’est pas compatible avec le modernisme, c’est-à-dire que l’Islam est compatible avec les mécanismes modernes et les nouvelles manifestations d’innovation et de créativité, liées aux nouvelles sciences et technologies qui contribuent au progrès et au développement des sociétés musulmanes. Toutefois, l’Islam n’est pas compatible avec le modernisme qui s’enracine dans l’individualisme, le positivisme, l’humanisme, le libéralisme débridé, la laïcité et le matérialisme. En fait, la Révolution islamique d’Iran soutient que pour parvenir aux objectifs prédéterminés, il est possible d’utiliser des mécanismes de mondialisation tout en contrariant le mondialisme. En effet, l’Imam Khomeini profitait bien des mécanismes mondiaux de communication de l’époque pour la diffusion de ses discours enregistrés ainsi que d’autres moyens de communication tels que la presse, la radio et la télévision, cherchant à renforcer le pouvoir des réseaux du cyberespace pour présenter des perspectives pratiques et attrayantes et promouvoir les idéaux de la Révolution islamique. L’Imam khomeini était pour l’utilisation de cyberespace à l’ère de la compression du temps et de l’espace ainsi que pour une action proportionnée à la vitesse des changements, pour une meilleure gestion des évolutions internationales. En effet, l’Imam Khomeini visait pour l’utilisation du power pour influencer les décisions, le comportement et les politiques des autres, avoir l’impact constructif sur l’opinion publique internationale, et fournir à la communauté internationale une compréhension positive des idéaux de la Révolution islamique.
Nous pouvons considérer que l’idée de l’Imam Khomeini était basée sur «l’universalité relative» à savoir la dialectique de l’enracinement dans le contexte culturel et social avec une approche universelle basée sur la justice et la participation du peuple au processus décisionnel ainsi que l’ouverture vers la multiplicité des méthodes pour une bonne gouvernance. En effet, cette théorie est basée sur l’unité des finalités pour la recherche de l’idéal unique du bien-être humain ainsi que sur la diversité cultuelle des communautés locales et la contextualité des faits sociaux, reflétant ainsi la multiplicité des moyens et des styles en fonction des contextes culturels pour parvenir aux objectifs définis.
En effet, la Révolution islamique a entrepris une sorte d’interaction critique à l’égard de la mondialisation de telle manière que, tout en interagissant de manière efficace et constructive avec le monde, elle a critiqué les conditions et les caractéristiques du système international actuel. Ainsi, la Révolution islamique, tout en mettant l’accent sur la «multi-mondialisation», estime qu’il n’y a pas de mondialisation universelle, mais des «mondialisations multiples». Cette mondialisation peut être occidentale, russe, confucéenne ou islamique. La mondialisation qu’offre l’Islam repose sur l’approche civilisatrice. La base de l’universalité de l’Islam est la pensée civilisatrice, qui dispose de plusieurs caractéristiques : premièrement, elle est fondée sur la religion, l’éthique, la rationalité et la confiance en soi. Deuxièmement, elle dispose d’une sorte d’ouverture envers d’autres civilisations. Troisièmement, elle soutient la pluralité des civilisations visant à la synergie des cultures. Quatrièmement, considérant la civilisation comme un phénomène polygonal, elle croit aux fondements scientifiques pour fertiliser la pensée avec la raison.
En fait, l’ère de l’Imam Khomeini est une nouvelle ère dans laquelle la dimensionnalité remporte sur la polarité et le «système international multiforme» prévaut sur le «système international multipolaire». De plus, la Révolution islamique croit en l’existence d’une mondialisation asymétrique dans la réalité parce que la mondialisation n’a pas les effets semblables sur les diverses sociétés d’autant plus que toute société peut être différemment affectée par la mondialisation sous différents angles culturels, sociaux, de communication, économiques et politiques. En outre, la Révolution islamique d’Iran croit en la «mondialisation d’au milieu» ou horizontale de telle sorte que les élites religieuses et les intellectuels puissent influencer horizontalement les courants internationaux et diffuser le message de justice et d’anti-domination dans les sociétés humaines. Un autre point est que la Révolution islamique croit en la mondialisation inversée; c’est-à-dire que contrairement au courant dominant de mondialisation d’en haut, la mondialisation inversée cherche à influencer les relations internationales de bas en haut, pour offrir une sorte de « modernité alternative » qui adhère aux principes et valeurs religieux tout en poursuivant l’innovation et la renaissance; c’est-à-dire que la Révolution islamique vise à présenter une pensée religieuse civilisatrice qui s’oppose à l’approche unilatérale du système de domination. Cette approche civilisatrice s’efforce de présenter une identité positive des Musulmans, par le biais de l’utilisation des moyens de communication pour promouvoir les idéaux de la Révolution islamique dans les espaces transfrontaliers.
Par conséquent, l’utilisation des moyens d’information et de communication, le renforcement d’une politique active pour élaborer les normes et les valeurs, ainsi que la mise en œuvre d’une politique de levier pour influencer les couches sociales dans les sociétés musulmanes restent à l’ordre du jour afin de s’opposer, dans le cyberespace, aux stéréotypes islamophobes. Cette approche nécessite une politique globale et synthétique pour diffuser les idées universelles de la Révolution islamique par le biais de la planification, la prévoyance, la modélisation, la mise en réseau, la rationalisation et la planification de scénarios afin de restaurer l’approche civilisatrice de l’Islam.
L’Imam Khomeini niait le nihilisme spirituel de modernisme ainsi que le nihilisme épistémologique du post-modernisme. Il visait à moraliser et humaniser les sociétés humaines. Il soutenait l’idée de création de réseaux des érudits Musulmans tant dans l’espace réel que virtuel. Il prônait pour l’utilisation des médias dans le but de diffuser la culture indépendantiste grâce à la formation et à l’éducation de la jeune génération Musulmane et orienter l’opinion publique internationale. Il soutenait l’idée de rétablir un super-système des valeurs de façon à ce qu’il y ait une sorte de cohésion entre les agents de socialisation à savoir: la famille, les groupes de référence, les milieux scolaires et universitaires, les médias et la société.
En fait, l’ère de l’Imam Khomeini, repose sur l’idée de la primauté de l’indépendance culturelle sur l’indépendance politique et économique aussi bien que la liaison entre religion et gouvernance, éthique et politique, républicanisme et spiritualité, ainsi que religion et démocratie, dans le but de former le système islamique, l’État islamique, la société islamique et la civilisation islamique ainsi que promouvoir le rôle de la résistance dans les équations régionales et internationales.
Ainsi, il s’avère que l’influence des pensées politiques de l’Imam Khomeini peut être recherchée du point de vue conceptuel et théorique d’une part et du point de vue pratique et objective d’autre part. Dans le domaine conceptuel et théorique, il a élaboré le discours de la Révolution islamique avec les visées universelles et transnationales, tout en conceptualisant sa théorie critique des relations internationales, basée sur le modèle de démocratie religieuse, visant à renouveler l’identité islamique et revivifier l’islam politique dans le monde et accroitre les capacités culturelles et stratégiques du monde Musulman. Quant aux apports pratiques et objectifs de la révolution islamique, l’Imam Khomeini a déployé des efforts considérables pour accroitre l’impact stratégique de la République islamique d’Iran au niveau mondial ainsi que dans la région de l’Asie occidentale dans le cadre de l’éveil islamique pour faire valoir la dignité humaine dans le monde entier.
En fin de compte, la révolution islamique pour influencer la géométrie de la puissance mondiale nécessite l’instauration d’une image positive et la diffusion des idées attrayantes en expliquant le lien entre l’islam et la modernité ou la religion et la démocratie, une mise en réseau active en créant un réseau d’élites politiques, scientifiques et culturelles pour diffuser le message de l’Islam civilisateur dans le monde. Pour propager le message de la révolution islamique, l’Imam Khomeini entendait la présentation du modèle de la démocratie religieuse et l’application des politiques multidimensionnelles pour attirer les élites et les penseurs internationaux en s’appuyant sur la crédibilité morale et spirituelle de la révolution ainsi que sur le pouvoir de persuasion des enseignements islamiques. Ainsi, pour promouvoir le pouvoir structurel de la révolution islamique, il a essaye de renforcer la capacité d’orienter les préférences de la communauté internationale par le biais du renforcement du pouvoir productif ou du discours basé sur la confiance en soi, la rationalité et la persuasion.
Par Mohammad Reza Dehshiri
Ambassadeur de la République Islamique d’Iran au Sénégal