Le départ de l’armée française du Mali, après neuf ans d’opérations contre les groupes djihadistes, sanctionne les limites d’une stratégie adoptée par les Occidentaux dans d’autres parties du globe, en Afghanistan notamment : la primauté de la réponse militaire à un fléau notoirement plus profond.
« L’échec de la France au Mali est très similaire à d’autres échecs occidentaux dans l’anti-terrorisme », résume Colin Clarke, directeur de recherche au Soudan Center, un think-tank basé à New-York. « L’Afghanistan est probablement l’exemple le plus proche, car le retrait s’est opéré avant qu’aucun des deux pays n’atteigne ses objectifs. Dans les deux cas, c’est au détriment de la sécurité, ce qui conduira vraisemblablement à la croissance des groupes djihadistes ».
Et dans les deux cas, ce fut l’échec patent des tentatives occidentales de mettre sur pied des structures régaliennes locales légitimes et résilientes : armée, administration, gouvernement.
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Au Sahel, les actions françaises contre les djihadistes affiliés à Al-Qaïda ou au groupe État islamique (EI) ont obtenu d’évidents résultats, ne serait-ce que dans leur capacité à contenir leur propagation. Mais elles n’ont pas été suivies de la reconquête politique des territoires par les États africains, dans une zone par ailleurs bien trop grande compte-tenu des effectifs militaires déployés.
Barkhane a poussé les djihadistes dans leur retranchement, démantelé les réseaux et décapité les têtes pensantes ou opérationnelles. Mais au Mali comme en Afghanistan, Somalie ou Syrie, « les opérations de ratissage et de sécurisation, très vite considérées comme des succès militaires, cachent souvent les germes de conflits futurs encore plus complexes », constate Bakary Sambé, directeur de l’Institut Timbuktu à Dakar.
Ennemi asymétrique et protéiforme
« Le contre-terrorisme classique, certes, semble avoir les faveurs des partenaires internationaux. Cependant, il ne s’attaque qu’aux symptômes d’un mal déjà profond », ajoute Bakary Sambé. « Il s’avère impuissant face aux racines de ce mal« , précise le chercheur citant notamment « la pauvreté, le mal-développement, la mal-gouvernance, les injustices ».
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Une nouvelle fois, une armée occidentale moderne abandonne le terrain face à un ennemi protéiforme, capable de se régénérer en renouvelant ses effectifs, de promouvoir sa haine de l’Occident sur les réseaux sociaux et de proposer des solutions alternatives à une administration locale défaillante.
Les experts sont nombreux à estimer que les soldats français auraient dû quitter le territoire dès 2014, une fois l’opération Serval réussie.
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Des djihadistes inspirés par les talibans afghans
Aujourd’hui, de fait, la comparaison entre Mali et Afghanistan inspire les djihadistes eux-mêmes. La prise de pouvoir des talibans en août, dix ans après en avoir été chassés par les Américains, a consacré un modèle. « Les djihado-salafistes du Mali ont appris du mode d’emploi des talibans. Et leur victoire valide la stratégie des autres groupes de rester patients et de saper à la fois le gouvernement local et les forces armées extérieures », estime Emily Estelle analyste de l’American Entreprise Institute.
La lutte anti-terroriste cherche aujourd’hui une formule. La France a tenté de partager le fardeau avec la task-force européenne Takuba, censée accompagner l’armée malienne au combat. Hors du Mali, elle va devoir se réinventer.
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L’idée est de « dédier moins de ressources et de minimiser les risques », ajoute-t-il. Mais si elle peut neutraliser un chef, « ce n’est pas une stratégie pour gagner la guerre contre les djihadistes ».