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Les Occidentaux frappent la Russie avec l’arme bancaire et financière

Les alliés occidentaux ont adopté samedi une nouvelle batterie de sanctions financières contre Moscou après l’invasion de l’Ukraine. Outre l’exclusion de nombreuses banques russes de la plateforme interbancaire Swift, ils comptent neutraliser la Banque centale russe et interdire les actifs financiers des oligarques.

Les alliés occidentaux ont adopté une nouvelle volée de sanctions financières contre Moscou après l’invasion de l’Ukraine.

Dans une déclaration commune, la Maison Blanche a déclaré que les leaders de la Commission européenne, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni, du Canada et des Etats-Unis étaient résolus « à continuer d’imposer des coûts à la Russie qui l’isoleront davantage du système financier international et de nos économies ».  

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L’Europe, les Etats-Unis et le Canada veulent neutraliser la Banque centrale russe

Une nouvelle mesure phare cible directement la Banque centrale russe en pour l’empêcher de « déployer ses réserves internationales d’une manière qui compromettrait l’impact de nos sanctions » indique la déclaration commune de Washington.

Autrement dit, dans une allocution vidéo après une réunion avec les dirigeants américain, français, allemand et italien, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen  a annoncé que l’UE veut « paralyser » les actifs de la Banque centrale russe, afin d’empêcher Moscou d’y recourir pour financer le conflit en Ukraine ou contrer l’impact des sanctions internationales.

L’objectif est de « geler les transactions financières » de l’institution et donc de « rendre impossible la liquidation de ses actifs », a-t-elle expliqué.

Cette mesure sera proposée par l’exécutif européen aux Etats membres en vue de renforcer les sanctions déjà adoptées vendredi par les Vingt-Sept, qui ciblent les secteurs de la finance, de l’énergie et des transports.

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Les alliés occidentaux résolus à exclure des banques russes de la plateforme Swift

Une autre mesure de sanction annoncée par les Occidentaux a été en discussion depuis longtemps mais jamais appliqué à la Russie : l’exclusion de la plateforme interbancaire Swift, rouage essentiel de la finance mondiale. Les réticences de certains pays européens et en particulier de l’Allemagne sur le contrecoup d’une telle mesure ont été levées après l’annonce par Moscou d’élargir son offensive. Mais elle sera appliquée de manière sélective.

  • Qu’est-ce que Swift?

Swift est l’un des plus importants réseaux de messagerie bancaire et financière fondée en 1973. La société, acronyme de Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication, est basée à Bruxelles.

Non coté, Swift est organisé sous forme de coopérative de banques. La société se présente comme neutre.

Elle est notamment à l’origine du code BIC, qui permet d’identifier une banque via un code unique composé de 8 à 11 caractères, prenant en compte le nom de la banque, son pays d’origine, sa localisation et l’agence ayant traité l’ordre en question.

  • A quoi sert Swift?

Mis en œuvre pour remplacer la technologie vieillissante du Télex, le groupe assure plusieurs tâches : transit des ordres de paiement entre banques, ordres de transferts de fonds de la clientèle des banques, ordres d’achat et de vente de valeurs mobilières, etc.

Le tout grâce à des messages standardisés, permettant une communication rapide, confidentielle et peu coûteuse entre établissements financiers.

La société met en avant sa fiabilité sur son site internet et revendique « plus de 11.000 organisations bancaires et de titres, infrastructures de marché et entreprises clientes dans plus de 200 pays et territoires ».

Le rôle de Swift déborde le cadre de la finance : un accord signé mi-2010 par les Etats-Unis et l’Union européenne permet officiellement aux services américains du Trésor d’accéder aux données bancaires des Européens via le réseau, au nom de la lutte antiterroriste.

« Nous nous engageons à exclure une sélection de banques russes du système de messagerie Swift », des mesures qui seront prises « dans les jours qui viennent », a ajouté la Maison Blanche.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a souligné que « cette action empêchera les banques d’effectuer la plupart de leurs transactions financières mondiales, et par conséquent, les exportations et importations russes seront bloquées », a-t-elle souligné.

Sont concernées « toutes les banques russes déjà sanctionnées par la communauté internationale, ainsi que d’autres établissements si nécessaire », a précisé samedi le porte-parole du gouvernement allemand, dont le pays préside actuellement le forum du G7.

La mesure, qui doit encore être approuvée au niveau de l’UE par les Etats membres, sera également prise par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada.

Quel impact de l’exclusion de Swift ?

Selon le site de l’association nationale Rosswift, la Russie serait le deuxième pays après les Etats-Unis en nombre d’utilisateurs avec quelque 300 banques et institutions russes membres du système.

Plus de la moitié des organismes de crédit russes sont représentés dans Swift, est-il précisé par cette source.

Moscou met cependant en place ses propres infrastructures financières, que ce soit pour les paiements (cartes « Mir », voulues comme l’équivalent de Visa et Mastercard), la notation (agence Akra) ou les transferts, via un système baptisé SPFS.

Tactiquement, « les avantages et les inconvénients peuvent se discuter », estime Guntram Wolff, directeur du centre de réflexion Bruegel interrogé par l’AFP.

Couper l’accès d’une banque au réseau Swift, c’est lui interdire de recevoir ou d’émettre des paiements via ce canal. Par ricochet, c’est aussi interdire à des établissements étrangers de commercer avec cette banque.

Or sortir un pays aussi important que la Russie pourrait accélérer le développement d’un système concurrent, avec la Chine par exemple. Le système Swift a d’autant plus d’efficacité que tout le monde y participe.

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Swift et le précédent iranien

En novembre 2019, dans le cadre des sanctions décidées par les Etats-Unis contre l’Iran, Swift a « suspendu » l’accès de certaines banques iraniennes à son réseau.

Le secrétaire au Trésor de Donald Trump à l’époque, Steven Mnuchin, avait promis de soumettre la société « à des sanctions américaines (si elle fournissait) des services de messagerie financières à certaines institutions financières iraniennes ».

Pourtant soumis au seul régulateur belge, Swift n’avait mis que quelques jours à obtempérer, jugeant dans un communiqué la mesure « regrettable » mais conforme « à l’intérêt de la stabilité et de l’intégrité du système financier mondial dans son ensemble ».

L’Iran avait déjà été déconnecté du système Swift de 2012 à 2016.

Des gens font la queue devant un distributeur automatique de la banque russe Alfa Bank à Moscou, le 27 février 2022. 

Des gens font la queue devant un distributeur automatique de la banque russe Alfa Bank à Moscou, le 27 février 2022.
(AP Photo/Victor Berzkin)

Interdiction des actifs des oligarques et fin des passeports dorés

Par ailleurs, l’UE cherche à « interdire aux oligarques russes d’utiliser leurs actifs financiers » sur les marchés européens.

« Ces mesures affaibliront de manière significative la capacité (de la Russie) à financer sa guerre et saperont sérieusement son économie. Vladimir Poutine s’est embarqué dans la voie de la destruction de l’Ukraine, mais ce faisant, il compromet l’avenir de son propre pays », a averti Ursula von der Leyen.

Dans un communiqué commun avec Washington, Paris, Berlin, Rome, Londres et Ottawa, la Commission européenne s’engage également à prendre des mesures pour « restreindre la délivrance de passeports dorés » accordant la nationalité d’un pays occidental à des Russes fortunés proches du régime.

Les Occidentaux veulent aussi lancer « la semaine prochaine » un groupe de travail transatlantique pour « s’assurer de la mise en oeuvre effective des sanctions financières » décidées par les Occidentaux « en identifiant et en gelant les actifs des personnes et entités visées ».

Selon le professeur Sam Green, directeur du Russia Institute au King’s College de Londres, si ses sanctions ne vont pas dissuader le président Poutine de poursuivre son action militaire en Ukraine, l’impact sur les élites russes comme sur la population sera d’autant plus fort que les dirigeants russes ne les ont pas préparés intellectuellement et psychologiquement.