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Magal Kazou Rajab : Serigne Fallou Mbacké Toujours dans nos cœurs (Par Missig Tine)

Un des signes distinctifs par lesquels on identifie le croyant véritable est la résignation devant les arrêts divins, si cruels puissent-ils paraître. Ainsi, lorsque le 13 juillet 1945, Cheikh Mamadou Moustapha fut ravi à l’affection de la Communauté Mouride, ce fut avec une douleur, indicible certes mais avec une totale soumission à la volonté de Dieu que le pays tout entier vécut l’événement.

Son frère cadet (de six mois), Cheikh Mouhammadou Fadilou fut porté au Khalifat car la flamme allumée par Khadimou Rassoul ne saurait vaciller. Celui-là, dont le souvenir est perpétué par ses nombreux homonymes connus sous les prénoms de Gallas, de Fallou ou de Fadel, allait marquer son temps.

Tout en cet homme exceptionnel que nous appelons affectueusement et respectueusement Cheikh Fallou ou El Hadji Fallou, porte les stigmates d’une sainteté incontestable.

D’abord sa naissance qui eut lieu en 1888 à Darou Salam. En effet Serigne Fallou vit le jour exactement la vingt septième nuit du mois lunaire de Rajab. C’est la date anniversaire du voyage nocturne du Prophète (en compagnie de l’Ange Gabriel) dont il ramena le rituel des cinq prières, si fondamental en Islam. Le Magal du Kazu Rajab qui marque son anniversaire est un événement très connu, où se pressent des centaines de milliers de talibés fervents.

Ensuite la réaction du Cheikh quand il fut informé de cette naissance. Il aurait alors vivement exprimé sa gratitude à Dieu en concluant que si ce nouveau n’était pas apparu dans sa famille, il se serait mis à sa recherche pour aller le retrouver, où qu’il puisse être. Déjà, tout enfant, Serigne Fallou avait commencé à se signaler comme un être d’exception.

Sa mère Sokhna Awa Bousso appartient à une famille d’érudits qui a donné plusieurs imams à Touba. C’est avec une aisance surprenante que dès l’âge de huit ans, il se mit à l’apprentissage du Coran, sous la férule de Serigne Ndame Abdourahmane LO au daara dénommé Aalimun Xabiir, environ cinq kilomètres de Touba. Son oncle paternel Serigne Mame Mor Diarra lui servit de professeur dans l’étude de la Théologie. Sa formation dans les Sciences Religieuses fut complétée par le Cheikh lui-même, à son retour d’exil

Un autre fait marquant de sa personnalité est son incommensurable dévotion, sa soumission inconditionnelle au Cheikh qu’il était loin de considérer comme un père mais plutôt comme son guide spirituel, son Maître. Pour comprendre cet attachement, cette soumission quasi indescriptible, rappelons un événement qui eut lieu à Khomack (en Mauritanie).

Un matin, le Cheikh tint à son auditoire un discours qui peut se résumer ainsi : “ Je ne suis ni le père, ni le frère, ni l’oncle d’aucun d’entre vous. Je suis une créature vouée au service exclusif de Dieu. Ceux d’entre vous qui auront choisi de m’accompagner sur ce chemin que j’ai réhabilité, ceux-là sont mes fils, neveux, frères et talibés.

“Serigne Fallou et ses frères firent aussitôt acte d’allégeance et, les quatre ans que dura le séjour mauritanien, ils redoublèrent d’ardeur dans leur apprentissage religieux, selon les règles établies par le Cheikh.

Cet événement fut la source d’un poème que Serigne Fallou dédia à son Maître et dans lequel on peut notamment lire : “Notre espoir est en Toi, Toi qui nous as ouvert les portes de la félicité. Je Te vends mon rang de fils pour acquérir la gloire d’être Ton talibé. Et quand Tu m’auras donné cette gloire, je te demanderais de bien vouloir l’accepter comme don pieux.”
Lorsque le Cheikh exprima sa volonté d’ériger la Grande Mosquée, Serigne Fallou s’engagea corps et âme dans l’entreprise : les vœux, même les plus anodins du Cheikh, sont pour lui des ordres péremptoires.

Ainsi, en 1926, alors que le Cheikh mobilisait les forces de sa communauté pour la réalisation de son projet, Serigne Fallou eut le bonheur, après de longues recherches, de découvrir la carrière de Ndock, susceptible de fournir les matériaux pour la construction de l’édifice.

Les échantillons qu’il envoya à Touba rencontrèrent l’agrément du Maître qui, à cette occasion l’exhorta à considérer, au même titre que son frère aîné Serigne Mamadou Moustapha, la construction de la Mosquée comme une mission incompressible. Lorsqu’en 1927 le Cheikh disparut, Serigne Fallou, en bon talibé reporta sur son frère aîné devenu premier khalife, toute sa dévotion et son affection. Autant il était attentif au moindre désir du Maître, autant il se mit au Service de Serigne Mouhammadou Moustapha, dans lequel il retrouvait leur père, au demeurant

C’est d’ailleurs sur le “ndigal” de Serigne Mouhammadou Moustapha, qu’il accomplit son fameux pèlerinage à La Mecque. C’était pour concrétiser un projet de Cheikh Ahmadou Bamba. En effet, le Cheikh avait un jour exprimé sa volonté de se rendre aux Lieux Saints. Il avait même désigné les compagnons avec lesquels il souhaitait faire ce pèlerinage.

Ces bienheureux étaient Mame Cheikh Anta, Serigne Mbacké Bousso, El Hadji Mayoro Fall et Serigne Moulaye Bou (un maure). Dieu en décida autrement et le Cheikh rejoignit le Paradis avant d’avoir eu le temps de mettre son projet à exécution. Alors, en 1928, Serigne Mouhammadou Moustapha chargea Serigne Fallou de concrétiser le vœu de leur père, et avec les mêmes compagnons qu’il avait prévus. Les péripéties de ce voyage furent tellement riches en événements, quasi miraculeux, que la communauté mouride n’est pas loin de croire que Serigne Fallou est en réalité une réincarnation de Serigne Touba.

En 1945, Serigne Fallou, devenu second khalife, se plongea corps et âme dans la poursuite des travaux de la Grande Mosquée. Il eut l’insigne bonheur, le 7 Juin 1963, d’en procéder à l’inauguration et d’y diriger la première prière. Son khalifat est encore évoqué de nos jours comme une période particulièrement faste pour le pays. Tous les Sénégalais, toutes confessions et toutes ethnies confondues, le considèrent comme un vrai thaumaturge, un homme qui a reçu du Créateur le pouvoir de faire des miracles

Son avènement a coïncidé avec l’éradication de l’épidémie de peste qui a décimé le pays vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale. La famine qui menaçait la population a alors pris fin et cela a marqué le début d’une ère de prospérité économique, de sécurité alimentaire et d’absence de calamités marquantes.

Ce guide charismatique a laissé le souvenir d’un homme convivial, doté d’un très grand sens de l’humain et particulièrement doué pour trouver le bon mot destiné à détendre l’atmosphère et à mettre à l’aise ses interlocuteurs.

Combien de fois a-t-il sorti d’affaire des justiciables sur le point de connaître les affres de l’incarcération, non pas pour assurer l’impunité à des malfrats mais pour donner une seconde chance à des citoyens qui, pour avoir une fois trébuché, n’en sont pas, pour autant, devenus irrécupérables pour la société ?

Sous son magistère, la ville de Touba a connu un développement très important. En effet il a fait procéder au lotissement et à l’électrification de la cité tout en améliorant les infrastructures existantes. Il a fait bitumer les routes et a installé un premier forage à Darou Marnan pour l’approvisionnement en eau.

La Grande Mosquée porte sa marque indélébile : elle lui doit les cinq majestueux minarets qui la signalent à des kilomètres à la ronde et dont la plus grande est dénommée Lamp Fall, en hommage à Cheikh Ibra Fall, le fondateur de la Confrérie des Baye Fall. Selon l’exemple de son Maître et de Serigne Mouhammadou Mousta-pha, le premier khalife, il a eu, lui aussi, à créer des villages – Daara très prospères dont nous retiendrons : Ndindy, Madinatou Salam, Alia Mbepp, Touba Bogo.

Ces daara étaient le plus souvent supervisés par des anciens talibés de Serigne Touba. Il est à noter que les revenus générés par ces exploitations ont été utilisés à financer la construction de la Mosquée ou à soulager les talibés en difficulté ou encore à entretenir les nombreux Maures que le Cheikh a ramenés de son séjour à Khomack.

Cet être d’exception nous a quittés en 1968 pour rejoindre, nous en sommes persuadés, les rangs des bienheureux Combattants de Badre.