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Guerre en Ukraine. Le potentiel de destruction de l’aviation russe est-il volontairement limité ?

Les chasseurs et bombardiers russes sont engagés dans la guerre en Ukraine. Une supériorité aérienne sur le papier qui ne trouve pas de véritable traduction sur le terrain depuis le début du conflit à ce mardi 15 mars 2022, ce qui interroge certains de nos lecteurs.

« Pourquoi Poutine n’utilise-t-il pas davantage ses avions pour bombarder plus précisément ou en masse ? » La question nous est posée par Yvon.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la force de frappe de l’aviation russe semble peu utilisée par Moscou. C’est en tout cas l’impression que l’on peut avoir alors que sa supériorité théorique sur l’adversaire ukrainienne est écrasante.

Les chiffres montrent en effet un déséquilibre impressionnant entre les forces à l’avantage de Moscou : 132 bombardiers à zéro, 832 chasseurs à 86, 358 avions de transports contre 63, selon les chiffres de Janes, centre de recherche britannique spécialisé dans la guerre.

Le reste est à l’avenant, à l’exception des drones. L’Ukraine en possède 66 contre 25 seulement pour les Russes. Kiev ne fait donc pas le poids.

Lire aussi : Guerre en Ukraine. Quel rapport de force entre armée russe et armée ukrainienne ?

« La Russie n’a pas conquis le contrôle du ciel »

Mais ce déséquilibre ne se traduit pas autant qu’attendu par les experts occidentaux. « Si la Russie dispose de l’avantage des chiffres, elle n’a pas conquis le contrôle du ciel jusqu’à empêcher l’aviation ukrainienne d’opérer et d’infliger des dégâts à l’effort de guerre russe, analysait au début du conflit, Gareth Jennings, expert en aviation militaire chez Janes interrogé par l’Agence France Presse. Son aviation ne peut se concentrer sur le seul soutien de ses troupes au sol […], hautement exposées aux attaques aériennes. Pour le moment au moins, elle essaye de neutraliser les défenses antiaériennes ukrainiennes au sol et dans l’air ».

« L’aviation russe opère malgré tout massivement »

Depuis, les troupes russes ont continué leur progression sur le sol ukrainien. Mais oui avec un engagement encore limité des forces aériennes. Philippe Chapleau, spécialiste des questions de défense à Ouest-France, avance deux raisons : « Le mauvais temps sur une grande partie du pays a limité ces derniers jours l’engagement de l’aviation russe. Et puis persiste aussi la menace sol-air, les Ukrainiens étant bien équipés en missiles antiaériens ».

L’armée russe a donc concrètement le choix entre frapper d’assez haut, au risque de provoquer un carnage civil, ou de s’approcher de ses cibles et de s’exposer à l’ennemi. Philippe Chapleau tempère toutefois l’impression générale : « L’aviation russe opère malgré tout massivement : hélicos et avions de transport, avions ISR et bien sûr chasseurs bombardiers ».

« Les chasseurs russes pourraient se déchaîner rapidement »

Les Occidentaux s’attendaient à un déferlement de quelque 300 chasseurs positionnés à proximité des principales zones de contact. « La sous-efficacité des forces aériennes russes fait partie des éléments surprenants du conflit », s’étonnait ainsi au début du mois l’ancien colonel français Michel Goya, sur Twitter.

Plus récemment, pour justifier son refus de fournir un appui aérien à l’Ukraine, Washington s’est entre autre appuyé sur le constat que les destructions sont beaucoup moins dues à des avions de chasse qu’à des tirs de missiles de croisière et à des tirs d’artillerie, notamment de roquettes.

La France peut-elle se passer du gaz russe ?

Justin Bronk, expert de l’aviation militaire, évoque aussi dans cet article (en anglais) du centre de réflexion britannique RUSI, de son côté les stocks affaiblis de certaines munitions à haute précision utilisées abondement en Syrie, la crainte de faire des victimes russes au sol, le faible nombre d’heures d’exercice des pilotes russes. Mais l’expert prévient malgré tout : « La flotte de chasseurs russes conserve ses capacités de destruction, elle pourrait se déchaîner rapidement contre des cibles aériennes et au sol dans les prochains jours, écrit le spécialiste. Quand on analyse la destruction semée par le Kremlin sur des régions d’Ukraine, c’est essentiellement dû à des missilesà des roquettes, à des tirs d’artillerie . Les avions ne sont pas les mieux placés pour éliminer ces armes. »