La jeune femme, qui accuse Ousmane Sonko de viols, s’est confiée à Jeune Afrique dans un article publié le 1er mars dernier, qui a suscité beaucoup de réactions. Nous vous expliquons pourquoi et comment nous avons voulu lui donner la parole.
Sa sortie médiatique est allée jusqu’à provoquer le « bannissement » par Ousmane Sonko de ceux qui lui avaient donné la parole. Dans un long entretien devant la presse sénégalaise, le 11 mars dernier, le maire de Ziguinchor a annoncé que les médias – Jeune Afrique, Le Monde et RFI – ayant recueilli le témoignage d’Adji Sarr un an après le déclenchement de l’affaire judiciaire les opposant seraient désormais interdits d’accès à ses conférences de presse. Il les a également accusés d’être en « mission commandée » pour le compte de la France afin d’enrayer sa marche vers le pouvoir mais aussi d’avoir été payés pour réaliser leurs articles.
Parce que l’article publié le 1er mars sur le site internet de JA a été largement commenté, et pas seulement par Ousmane Sonko, nous avons néanmoins choisi d’expliquer pourquoi et comment nous avons donné la parole à Adji Sarr.
Prise de contact
Cet article a été écrit suite à une rencontre avec la jeune femme, qui a déposé une plainte le 3 février 2021 contre l’opposant pour « viols » et « menaces de mort ». Face à nous, elle a donné son point de vue, évoqué son quotidien depuis son dépôt de plainte. Elle a raconté avoir été menacée de mort, vivre sous protection policière depuis plusieurs mois, et attendre avec impatience son procès.
Accusée d’être la pièce maîtresse d’un complot contre Ousmane Sonko, elle n’avait pas encore pris la parole dans les colonnes de Jeune Afrique. C’est pour avoir sa version des faits sur cette affaire et sur les évènements qui ont suivi sa plainte, embrasant le Sénégal et provoquant la mort de 14 personnes, que nous avons sollicité un entretien avec elle dès le mois de mars 2021 via son avocat, puis à intervalles réguliers au cours de cette année. Dans le même temps, depuis le mois de février 2021, la voix d’Ousmane Sonko et de son entourage a quant à elle été plusieurs fois relayée dans des articles publiés sur le site de JA.
DANS LA PIÈCE OÙ S’EST TENU L’ENTRETIEN, SEULE LA RESPONSABLE D’UNE ASSOCIATION ÉTAIT PRÉSENTE AU CÔTÉ D’ADJI SARR
Jeune Afrique a finalement sollicité directement une association de défense des droits des femmes, après avoir appris incidemment qu’elle était l’une des rares à avoir soutenu Adji Sarr. La responsable de cette association, rencontrée en janvier 2022, a permis la prise de contact avec la jeune femme. C’est elle qui s’est chargée de coordonner les rendez-vous en accord avec les services de la Brigade d’intervention de la police (BIP), sans lesquels personne ne peut rencontrer Adji Sarr, toujours menacée de mort. Cette brigade dépend du ministère de l’Intérieur qui avait donc été, selon nos informations, notifié de notre rencontre.
Après un premier entretien informel avec Adji Sarr, l’interview s’est finalement déroulée fin février 2022, à son domicile. Un officier de la BIP chargé de sa protection était présent dans l’appartement, ainsi que des membres de sa famille. Mais dans la pièce où s’est tenu l’entretien, seule la responsable de l’association était présente au côté d’Adji Sarr.
Contrairement à une rumeur qui se répand depuis nos publications respectives, Jeune Afrique a donc recueilli les propos de la jeune femme indépendamment de nos consœurs de RFI et du Monde, et n’a été informé de ses deux autres rencontres que peu de temps avant la parution de l’article.
Date anniversaire
À la demande de la responsable de cette association, qui a invoqué des raisons de sécurité, son nom n’a pas été divulgué par Jeune Afrique. C’est également cette femme qui nous a fourni les photographies d’Adji Sarr qui illustre l’interview. En temps normal, JA travaille avec des photographes professionnels qui réalisent leurs propres prises de vue. Mais la présence de nos photojournalistes a été refusée. Selon les explications données, les agents chargés de la protection d’Adji Sarr auraient refusé qu’un trop grand nombre de personnes assistent à l’entretien.
La date fixée pour la publication permettait notamment de faire paraître l’entretien un an après les émeutes qui ont éclaté lors de l’arrestation d’Ousmane Sonko, parmi d’autres articles sur le sujet. Nous sommes revenus sur l’instruction judiciaire de cette affaire, nous avons donné la parole à la famille d’une des victimes des violences du mois de mars 2021. Nous avons également régulièrement rendu compte de l’activité politique d’Ousmane Sonko, des contraintes liées à son contrôle judiciaire et de son élection récente à la mairie de Ziguinchor
Sonko sollicité
Après des mois d’hésitations par crainte « des insultes ou des représailles », Adji Sarr a finalement accepté l’entretien fin février. L’article n’a pas été publié sous le format d’une interview mais sous celui d’une rencontre, afin de rappeler certaines zones d’ombres qui entourent son récit. Mis en ligne le 1er mars 2022, il a par la suite été sponsorisé sur Facebook. Une pratique utilisée quotidiennement par Jeune Afrique, qui permet de valoriser nos publications sur le réseau social en ciblant les internautes les plus susceptibles d’être intéressés par l’article.
Plusieurs fois sollicité depuis le début de l’année, Ousmane Sonko n’a quant a lui pas donné suite à nos demandes d’interviews. Lors du dernier entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique, en novembre 2020, il critiquait le « penchant antidémocratique » de Macky Sall et se disait prêt à assumer son statut de premier opposant au chef de l’État, dût-il endosser seul ce rôle.