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Guerre en Ukraine : où en sont les négociations entre Moscou et Kiev ?

Le quatrième volet des pourparlers entre l’Ukraine et la Russie s’est déroulé le mercredi 16 mars. Même si aucune proposition concrète est sur la table pour l’heure, les deux pays semblent plus à même de négocier. Mais en quoi consistent ces discussions et comment évoluent-elles ? Le point sur la situation.

Une lueur d’espoir dans les négociations entre la Russie et l’Ukraine ? Trois semaines après l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, les discussions entre les deux pays semblent prendre une nouvelle tournure. Ce mercredi 16 mars, Volodymyr Zelensky a déclaré que les pourparlers devenaient plus « réalistes », tandis que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a annoncé qu’il y avait “un certain espoir de compromis”. De quoi raviver l’espérance d’une fin de conflit qui a déjà fait plus de 700 morts chez les civils, selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés.

Comment se déroulent les négociations ?

Cette quatrième série de pourparlers se déroule par visioconférence entre les délégations russe et ukrainienne. Les deux premiers avaient eu lieu en Biélorussie, un choix loin d’être neutre car le pays, allié de la Russie, sert de base pour les militaires russes pour mener leur offensive sur Kiev. “La visioconférence permet de décrisper les Ukrainiens et de fluidifier les logistiques car c’était très compliqué pour la délégation ukrainienne de se rendre en Biélorussie en évitant les zones de combats. Cela va permettre aux négociations d’être plus rapides et efficaces”, explique Igor Delanoë, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe à Moscou.

Le 10 mars dernier, Sergueï Lavrov et son homologue ukrainien, Dmytro Kouleba, s’étaient rencontrés en Turquie. Reçus dans une station balnéaire du sud du pays, les deux représentants étaient parvenus à s’accorder sur un cessez-le-feu de 12 heures autour d’une série de couloirs humanitaires afin d’évacuer les civils.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu a présidé une réunion de ses homologues russe et ukrainien le 10 mars dernier en Turquie. 

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu a présidé une réunion de ses homologues russe et ukrainien le 10 mars dernier en Turquie.
(Service presse du ministère des Affaires étrangères russe via AP)

Que veulent les deux parties ?  

Depuis le début du conflit, l’Ukraine réclame un cessez-le-feu immédiat ainsi qu’un retrait des troupes russes. Aujourd’hui, s’ajoutent aussi des dédommagements pour les pertes subies ainsi que des garanties solides de sécurité dans l’avenir pour le pays.

On voit un assouplissement des attentes russes qui sont plus réalistes. Car Moscou partait d’une volonté de changer le régime ukrainien au débutIgor Delanoë, expert de la géopolitique russe

Du côté de la Russie, une des principales demandes est une démilitarisation de l’Ukraine. “Cela veut dire que le pays peut avoir une armée mais pas d’arsenal militaire qui pourrait mettre en danger la sécurité de la Russie, par exemple pas de missile balistique qui pourrait atteindre Moscou”, raconte Carole Grimaud Potter, professeure de géopolitique russe à l’université de Montpellier. Le président russe, Vladimir Poutine, a aussi martelé vouloir “dénazifier” le pays. “Clairement, cela fait référence à une purge des personnes à la tête de l’armée ukrainienne ainsi que des milices d’extrême droite type le régiment Azov”, dit Carole Grimaud Potter.

C’est chez les Russes qu’on voit une évolution dans leurs demandes, comme l’explique Igor Delanoë, “On voit un assouplissement des attentes, qui sont plus réalistes. Car la Russie partait d’une volonté de changer le régime ukrainien au début. Aujourd’hui, on entend même parler d’une rencontre entre Poutine et Zelensky, ce qui montre une certaine reconnaissance de la part de la Russie.” 

Mais ce n’est pas pour autant que la Russie pourrait flancher sur certaines demandes comme la reconnaissance de la Crimée ainsi que des républiques indépendantes de Donetsk et de Lugansk, selon les deux experts.

Cela  veut qu’en cas de conflit, ce pays ne peut pas prendre parti et son territoire ne doit pas être utilisé dans ce conflit par les partisFederico Santopinto, spécialiste de la défense européenne

Que signifie le statut de neutralité rejeté par les Ukraniens ?

Autre demande non-négociable pour la Russie : un statut de neutralité pour l’Ukraine, ce qui a été rejeté par la délégation ukrainienne ce mercredi. “Cela  veut qu’en cas de conflit, ce pays ne peut pas prendre parti et son territoire ne doit pas être utilisé dans ce conflit par les partis”, explique Federico Santopinto, spécialiste de la défense européenne sur TV5Monde. Mardi 15 mars, Volodymyr Zelensky a signalé que l’Ukraine devra sûrement renoncer à une intégration dans l’OTAN. “Cela été interprété par le côté russe comme l’Ukraine voulant devenir un pays neutre”, raconte Igor Delanoë. Pour Carole Grimaud Potter, le statut de neutralité est une proposition vouée à l’échec. “L’Ukraine comprend cela comme une capitulation et en plus ils veulent des garanties efficaces de sécurité, par exemple que certains pays s’engagent à la défendre en cas d’agression. Mais la Russie ne veut pas de garanties de défense contraignantes, selon l’experte.

Qu’est-ce que la « neutralité » demandée par la Russie ?

TV5MONDE

Pourquoi est-ce que la Russie semble être plus conciliante qu’avant ?

L’explication la plus plausible semble être la lente progression de l’armée russe sur le terrain. “Il y a une fatigue du côté russe et une prise de conscience que l’armée russe va vers un enlisement”, raconte Carole Grimaud Potter. “Les Russes ne sont pas dans une temporalité de conflit qui va durer sur beaucoup de mois. Ils veulent que ces opérations soient achevées le plus rapidement possible. Je pense que c’est pour cela que la délégation russe avait mis des objectifs très hauts pour arriver sur une posture de négociation plus atteignable? Je pense que les Russes vont se retirer au fur et à mesure quand un accord sera signé. J’ai vraiment du mal à imaginer qu’il y ait un plan d’occupation de l’Ukraine”, pense Igor Delanoë.