L’entrepreneur Elon Musk vient de racheter Twitter ce 26 avril, pour un peu plus de 43 milliards d’euros. Entre débats sur la liberté d’expression, fortune en centaines de milliards, projets pharaoniques dans l’espace et condamnation pour discriminations d’une de ses entreprises, la figure du nouveau propriétaire du réseau social reste controversée. Portrait.
« J’espère que même mes pires critiques resteront sur Twitter, car c’est ce que signifie la liberté d’expression », affirmait Elon Musk, le jour de son rachat polémique du réseau social. Comme chacune de ses interventions sur le site, son intervention a attiré des millions de likes, et des milliers d’invectives. L’entrepreneur reste l’une des personnalités les plus suivies – et critiquées – de Twitter.
L’homme le plus riche du monde
Avant le rachat de la plateforme qui compte quelques centaines de millions d’utilisateurs réguliers, c’est surtout en tant que dirigeant de Tesla qu’Elon Musk est connu. Depuis 2008, le milliardaire originaire d’Afrique du Sud est à la tête de cette entreprise, premier constructeur de véhicules électriques au monde. L’homme d’affaires a construit son discours mêlant environnement et marché.
La mission que se donne Tesla est « d’accélérer la transition mondiale vers un schéma énergétique durable », aime t-il répéter. Tesla est surtout un énorme succès financier, battant des records de profit.
À cinquante ans, Elon Musk est désormais l’homme le plus riche du monde, devant Jezz Bezos. Sa fortune est estimée à 219 milliards de dollars par Forbes, gonflée par les importantes valorisations boursières récentes de Tesla. L’entreprise se distingue surtout par l’enthousiasme des marchés, davantage que par le volume de véhicules vendus, contrairement aux grands constructeurs automobiles traditionnels.
La valorisation de Testla dépassait en 2021 les 780 milliards de dollars pour un chiffre d’affaire de 50 milliards de dollars, chiffre relativement modeste face aux autres géants du secteur.
Mais les projets de l’homme d’affaires ne s’arrêtent pas aux voitures électriques. Comme le notait le groupe de media brithannique National Word, « contrairement à la plupart des autres milliardaires, Elon Musk a constitué l’essentiel de sa fortune en fondant et en investissant dans plusieurs entreprises lucratives plutôt que de connaître un seul grand succès, comme Jeff Bezos avec Amazon ou Mark Zuckerberg avec Facebook. »
Coloniser Mars : un projet titanesque
Ses ambitions sont ainsi extra-planétaires. Fondateur de la société SpaceX en 2002, l’entrepreneur vise en effet la colonisation spatiale, avec Mars en ligne de mire. C’est l’un des projets fous pour lesquels il est le plus célèbre aujourd’hui.
En mars dernier, il a toutefois promis 2029 comme date de réalisation du projet. Elon Musk avait même affirmé qu’il voulait mourir sur la planète rouge, participant lui-même au voyage.
Plus largement, Elon Musk promet l’essor du tourisme spatial, à destination des ultrariches. Les premiers voyages de SpaceX ont été organisés en septembre 2021. Coût du billet : plusieurs dizaines de millions de dollars.
Pour les détracteurs du milliardaire, c’est bien l’un des éléments qui posent problème. Gaspillage énergétique, inégalités indécentes, pollution, danger… La compétition menée sur ce terrain, en particulier avec le patron d’Amazon Jeff Bezoz, est vivement critiquée.
« Révolutionner l’humanité »
Au contraire, Elon Musk prétend révolutionner l’humanité, voire la sauver, à travers ses projets futuristes. D’après lui, elle court à sa perte, menacée par le réchauffement climatique ou d’autres catastrophes, et la conquête spatiale pourrait incarner l’un de ses espoirs de rédemption.
Et le capital qu’il a amassé, notamment grâce à Tesla, lui permet d’investir dans ce type d’aventures personnelles. C’est le cas par exemple de la start-up Neuralink, qu’il a cofondée en 2016, et qui vise à relier directement l’esprit humain à l’ordinateur. Il s’agit notamment de créer des composants électroniques pouvant être intégrés au cerveau.
En dehors de ses aventures spatiales, l’homme d’affaires canado-américain est en effet célèbre pour ses ambitions pharaoniques. Il a pour objectif de développer des réseaux de tunnels pour éviter les bouchons dans les grandes villes comme Las Vegas ou Los Angeles, en y faisant circuler des Teslas automatisées. l’efficacité du projet coûteux et difficile, reste à prouver.
Ségrégation raciale à Tesla
Une fortune au détriment des conditions de travail : Tesla a notamment été accusée de ségrégation raciale. Une agence d’État californienne a même porté plainte contre la société en février, évoquant « des centaines de plaintes de travailleurs ». Le constructeur avait déjà été condamné à une amende-record de 137 millions de dollars en 2021, pour avoir fermé les yeux sur des discriminations raciales dont était victime un ancien salarié. Plusieurs femmes ont aussi témoigné que le harcèlement sexuel était toléré au sein de l’entreprise.
En dehors de sa société, l’homme d’affaires est aussi critiqué pour son opposition aux syndicats ou à l’imposition des plus riches. Il avait par ailleurs minimisé la pandémie de Covid-19, tout en laissant l’une de ses usines ouvertes au début de la crise sanitaire.
« Personnalité de l’année » pour Time Magazine
La décision du Time de le choisir comme personnalité de l’année 2021, le qualifiant de « clown, génie, visionnaire, (…) showman », a donc été vilipendé dans certains médias.
Dans son portrait, le Time revient sur les origines de sa carrière. Elon Musk est né en 1971 dans un milieu aisé à Pretoria, dans l’Afrique du Sud de l’apartheid – sa famille était en partie propriétaire d’une mine d’émeraude en Zambie. À partir de 17 ans, le jeune homme est parti au Canada pour ses études, avant de se lancer assez vite dans la fondation de petites entreprises en ligne. C’est notamment X.com, partiellement à l’origine de Paypal, qui attirera les investisseurs et signera son succès. Selon le journal , « au lieu d’un ensemble d’investissements intelligents et sûrs, il n’a fait que quelques investissements spectaculairement risqués ».
Certains commentateurs jugent qu’il frise avec l’extrême-droite (alt-right), comme Roger Kay, de Endpoint Technologies Associates, interrogé par l’AFP. Elon Musk s’était notamment rapproché de l’ancien président Donald Trump, après avoir critiqué sa candidature.
En tout cas, il a fait déménager Tesla de la démocrate Californie au Texas républicain en 2021, opposé à la politique du gouverneur californien. La droite conservatrice a d’ailleurs salué son rachat de Twitter.
Des positions contradictoires face à la liberté d’expression
En dehors de ses positions politiques, sa personnalité et ses saillies sur les réseaux attirent les reproches. Sur Twitter où il compte 85 millions d’abonnés, il a par exemple récemment comparé le premier ministre canadien Justin Trudeau à Adolf Hitler.
Elon Musk est généralement considéré comme libertarien, c’est-à-dire partisan d’un libéralisme extrême et d’une intervention très restreinte de l’État, bien qu’il ne reprenne pas de lui-même le terme. Et en tant que tel, il juge la modération de Twitter trop sévère. L’inclusivité et la liberté d’expression sur la plateforme, qu’il entend préserver, seraient « extrêmement importantes pour le futur de la civilisation ».
Pourtant, certains médias rappellent que lui-même a plusieurs fois cherché à nuire à celles et ceux qui critiquent allant de la diffamation à l’annulation de commandes Tesla, en passant par des vagues de harcèlement par ses fans contre des femmes journalistes, souligne le quotidien français Le Monde.Selon Bloomberg, Tesla avait même demandé aux autorités chinoises de bloquer certains messages critiques sur les réseaux sociaux dans le pays.
En attendant, il a assuré qu’il voulait apporter plus de liberté, plus de transparence et moins de spams sur Twitter en en devenant propriétaire.