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«Il y a une perte de valeurs au Sénégal à tous les niveaux…notamment en politique », Ibou Sané, professeur en sociologie politique à l’UGB sur la crise des valeurs

« Il y a deux types de système éducatif : à savoir ce que nous appelons l’éducation familiale et l’éducation scolaire. Toutefois, les deux vont ensemble.  L’école ne fait que compléter ce que la famille devrait faire en premier lieu : l’éducation de base, c’est celle-là qui nous manque énormément au Sénégal. C’est ce qui fait que de plus en plus, les gens sont dans les réseaux en y passant tout leur temps à dénigrer les gens et à insulter. Autrement dit, nous sommes dans une société où l’anomie est en train de prendre de plus en plus une très grande place. Et cette anomie n’est rien d’autre que la perte de repères. Et au-delà de la perte des repères, c’est des valeurs de la société traditionnelle que nous sommes aussi en train de bafouer.  C’est que ce qui fait que les institutions traditionnelles, comme par exemple en Casamance l’initiation chez les Diolas avec le « boukoute » et le « Kankourang » chez les Mandings, tout cela est par terre. Est-ce lié à la crise qui continue à servir un peu partout à travers le monde ? Est-ce lié à une négligence des parents ou est-ce lié à la modernité qui fait qu’on a tendance à régler nos traditions ? Je pense que l’un dans l’autre, nous devrons faire beaucoup attention pour que nous ne perdions pas les valeurs de la société traditionnelle d’une part et que nous mettions en relief les valeurs qui fondent nos sociétés d’autre part : la solidarité, l’entraide et le partage mais surtout l’éducation. Car, une société bien éduquée est une société qui travaille, une société où les gens mettent le focus sur le sens de responsabilité qui consiste à bien travailler. D’ailleurs, le président Wade avait bien vu lorsqu’il disait en 2000, «il faut travailler, beaucoup travailler, encore travailler, toujours travailler ». Malheureusement, nous travaillons très peu et les gens se réfugient dans les réseaux sociaux parce que tout simplement les parents ont démissionné. L’école ne peut pas tout régler. La première instance de socialisation, c’est la famille. C’est là où on doit mettre tout le poids pour que la société prenne en charge tous ces problèmes qui sont en train de nous échapper. »

«Il n’y a qu’au Sénégal où la politique est reléguée à un jeu de yoyo où des gens profitent du moindre intérêt pour retourner leur veste ».

« Les gens voudraient que l’Etat porte le chapeau en oubliant que l’Etat, c’est nous. C’est nous qui avons démissionné et instauré le laxisme au point qu’aujourd’hui la rigueur qui devait être l’élément clé, cette rigueur-là a disparu dans les familles. Plus de hiérarchie dans les familles alors que le premier pilier de développement d’une bonne société, c’est la société hiérarchique. De plus en plus, ce sont des cadets qui commandent les ainés et c’est le monde à l’envers. Résultat : rien ne bouge et la loi de la jungle va encore régner parce qu’il y a une perte de valeurs au Sénégal à tous les niveaux de la société, notamment en politique. Dans les pays du nord, vous ne verrez jamais quelqu’un qui est de gauche aller sympathiser avec un militant de droit vice-versa. On est socialiste ou communiste ou encore libéral jusqu’à la mort.

Il n’y a qu’au Sénégal où la politique est reléguée à un jeu de yoyo où des gens profitent du moindre intérêt pour retourner leur veste. Ils ne s’occupent pas de l’intérêt général mais seulement de leur intérêt. Nous vivons dans une société inégalitaire et à partir de ce moment, chacun se bat pour aller chercher de quoi améliorer ses conditions de vie. Et tous les coups sont permis pour arriver à cet objectif. On voit même des pères de famille qui font un jeu de yoyo alors qu’ils ont leurs familles, femme, enfants, parents, amis et la lignée mais personne ne leur dit rien tout simplement parce que les gens préfèrent profiter des avantages du système ».

source:sudQuotidien