Le système de santé du Sénégal est à l’épreuve des «épidémies» de scandales à répétition depuis quelques semaines. La sacralité de la naissance est écornée dans les services de maternité et de néonatalogie. Le mal a fini de ronger la chaîne qui tourne entre spirale de grèves, mauvaise gestion et piètre état du plateau médical. Les structures de santé sont malades et l’urgence d’une trithérapie s’impose pour stopper la gangrène et rétablir le droit à une santé de qualité pour tous.
Les langues se délient jusque-là au sujet de la mort en couche, le 5 avril dernier, de la dame Astou Sokhna au centre hospitalier régional de Louga après avoir attendu pendant près de vingt heures une césarienne qu’elle réclamait. Les rapports de la tutelle font état d’une négligence et de non-assistance à personne en danger. Tel un arbre qui cache la forêt, les avalanches de réactions aux allures d’une véritable délation chargent le corps médical du Sénégal en général et le service d’accueil en particulier de manque de courtoisie à l’égard des patients. L’ampleur et la tournure prise par cette affaire requièrent qu’on s’y attarde quelque peu surtout pour les soins de maternité et de néonatalogie. Sur la toile comme sur le reste des supports médiatiques et dans les grand ’places, le débat fait rage et chacun y va de sa mésaventure. Qui pour avoir reçu des propos désagréables, qui pour avoir subi un acte de violence et d’autres tout simplement négligés jusqu’à ce que l’irréparable s’accomplisse hélas !
La sacralité de la naissance est connue, seule voie de salut qui nous ouvre les yeux ici-bas et immanquablement le retour se fera tôt ou tard. Mais les livres saints nous rappellent sans cesse que seuls nos actes détermineront la qualité de notre accueil à l’au-delà. Le potentiel de risque chez une femme en couche exige une attention bien rigoureuse dans les services de maternité. Mais faudrait-il et fondamentalement que les prestataires soient préalablement formés non seulement à la pratique des soins mais surtout aux principes directeurs de l’éthique et de la déontologie qui ont fini de grandir notre pays dans le concert des nations. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’un patient bien accueilli est à moitié soulagé ? Dès lors l’on peut aisément assimiler la bienveillance d’un prestataire sanitaire à un remède naturel applicable même chez un malade en fin de vie.
Il y a un an, le 24 avril 2021, un scandale avait plongé la pédiatrie de Linguère avec les six bébés morts calcinés dans leur table chauffante. Ici aussi, le rapport d’enquête faisait état de « négligence criminelle » car le feu a commencé à se propager lentement dans la salle pendant dix minutes au moins sans que personne ne s’en rende compte, indique le rapport. La semaine dernière à l’hôpital régional El Hadji Ibrahima Niasse, un bébé a été déclaré mort par un agent de service de pédiatrie puis déposé à la morgue et dans un carton avant que l’on se rende compte que le nourrisson était encore en vie. Le parquet a ouvert une enquête suite à une plainte du père de l’enfant.
Si des organisations de la société civile se sont spontanément levées pour dire ça suffit, l’élan de solidarité des professionnels de la santé n’a pas fait défaut pour s’en laver à grande eau. De son côté, le syndicat des médecins du Sénégal est aussi monté au créneau pour dénoncer de mauvaises conditions de travail, un acharnement de la tutelle, un plateau médical dérisoire et un système en soi malade de sa gestion. En tout état de cause, le constat d’un profond malaise est établi et d’innocentes populations continuent de mourir de la maladie chronique qui affecte les structures de santé. Il faut assurément une trithérapie pour soigner nos hôpitaux : la gestion des ressources humaines pour assouvir la clameur populaire et mettre fin à la spirale de grèves, la formation du personnel à toutes les échelles et l’amélioration du plateau médical.
La raison a fini d’interpeller la conscience sur des faits de société et au centre des décisions, se trouve l’Etat astreint à en tirer les enseignements précieux afin de garantir un service public de qualité à tous. C’est un impératif aux yeux des droits humains si l’on sait tous que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit.
PAR MOUSSA DRAME
source: sudQuotidien