Ingénieur architecte de renom, homme politique et entrepreneur économique, Pierre Goudiaby Atépa s’est penché sur la nouvelle configuration de l’Assemblée nationale, l’état de ses relations avec le leader du Pastef, Ousmane Sonko, ses soudaines accointances avec le président Macky Sall. Dans cet entretien exclusif accordé à la chaîne Itv et le journal Bés bi, l’homme à la triple casquette est également revenu sur les derniers échos de la crise casamançaise, marquée par la nouvelle rencontre entre chefs rebelles et l’Etat du Sénégal autour d’une table de négociations. Entretien avec emedia.sn
Vous vous êtes récemment affiché aux côtés du président Macky Sall au Tchad lors de sa dernière tournée sous- régionale. Il se dit que ce nouveau rapprochement est dû en grande partie à votre contentieux financier avec les nouvelles autorités tchadiennes qui bloquent une facture à milliards devant revenir à votre entreprise. Qu’en est- il réellement ?
Cela fait 30 ans que je travaille au Tchad. Quand un président comme Erdogan se déplace à l’étranger avec ses hommes d’affaires et opérateurs économiques turcs, personne ne fustige sa démarche. En ce qui me concerne, le chef de l’Etat Macky Sall est intervenu dans l’affaire qui m’oppose à l’Etat tchadien. C’était aussi sur ma demande. Et ce problème est en train d’être réglé. Cependant, le problème le plus profond de ce pays c’est la cohésion entre ses enfants. Moi qui les connaît tous pratiquement, je suis bien placé pour jouer le rôle de conseiller de Macky Sall dans sa mission de paix en tant que président en exercice de l’Union africaine.
Une telle accointance avec le président Macky Sall ne va-t-elle pas fragiliser les relations politiques que vous entretenez avec son plus farouche opposant, Ousmane Sonko ?
Tout le monde connaît mes relations avec Sonko. Je n’ai pas à le claironner. Et on échange régulièrement.
Mais il faut que ça soit clair. Moi j’ai 75 ans. Je me considère comme un doyen pour ne pas dire un sage. Mon rôle actuel est de réunir tout le monde autour d’une table. Mon souhait est de prendre la main de Sonko, la main du président Macky Sall et celles d’autres leaders politiques pour pacifier leurs relations dans l’intérêt suprême de la nation.
Mieux, si je peux convaincre le chef de l’Etat Macky Sall que pour les élections présidentielles de 2024 ; il faut amnistier Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade ; ce serait une excellente issue pour la démocratie sénégalaise. Maintenant, quand je prends l’avion présidentiel en compagnie de Macky Sall je ne le cache pas. Quand le président me donne une lettre de recommandation pour m’aider avec les chefs d’Etat parce que malheureusement où heureusement dans ce monde tout se passe avec eux ; je pense qu’il n’y a rien de mal à cela.
Quelle lecture faites-vous des résultats du scrutin législatif marqué par une percée historique de l’opposition ?
C’est du jamais vu. Il y a eu rupture. Et je crois que le président Macky Sall a compris le message des Sénégalais qui, à travers leurs suffrages, ont exprimé leur souhait de voir s’instaurer un équilibre des forces au sien de l’Assemblée nationale. C’est mon ami et on n’a pas besoins de se dire les choses pour se comprendre. Et certainement, il a compris que les Sénégalais veulent qu’il sorte par la grande porte parce qu’il a fait beaucoup de bonnes choses pour le pays.
Alors, dans cette logique de rupture et d’équilibre, quelles doivent être, selon vous, les priorités de la nouvelle Assemblée nationale ?
Je demande à la nouvelle Assemblée de revoir tous les contrats pétroliers, parce qu’ils ont été mal négociés. Je souhaite qu’on reprenne les choses en main, car on ne nous a pas tout dit. Il y a aussi ce que j’ai appelé la « route de l’acier et de l’aluminium » avec en premier lieu, la nouvelle alliance Africaine de l’aluminium et de l’acier qui va faire que le gaz que nous avons trouvé ici, nous allons l’exploiter pour transformer les matières premières d’un pays comme la Guinée.
Par exemple, la bauxite de la Guinée sort d’un port qui est à 500 Km du port de Dakar. Nous on a 750 millions de tonnes de minerai de fer. La Sierra Léone en a12 milliards dans une seule ville. Ils ont aussi 15 milliards de tonnes de minerai de fer. Si on prend ce minerai de fer et qu’on le transforme ici avec notre gaz, nous allons faire de l’aluminium qu’on va vendre partout dans le monde.
Actuellement, avec l’imminence de la formation d’un nouveau gouvernement, c’est le poste de premier ministre qui est au centre des convoitises. Le profil idéal, selon vous ?
Lors de notre dernière rencontre, je disais au président Macky Sall que je suis candidat au poste de premier ministre (Il éclate de rires, tousse, puis bouge sur sa chaise). Bon comme je l’ai tantôt dit, je suis âgé. Ce qui peut m’emballer actuellement c’est qu’un Macky Sall ou qu’un Khalifa Sall ou qu’un Sonko m’appelle pour solliciter mon expertise. Et pourquoi pas un Barthelemy Dias, maire de Dakar, avec tout ce qui reste à faire comme travaux sur la corniche.
Pour revenir au profil du prochain premier ministre, je dirais que pour une fois, ce poste doit revenir à une personne qui est au-dessus de la mêlée. Pour cela, le président doit choisir un technocrate. Ce, dans la mesure où on va vers une transition. Le pays a besoin de quelqu’un qui prendra en compte cette situation équilibrée que nous avons afin de diriger le gouvernement dans moins de deux ans.
Cela veut- il dire pour vous que le président Macky Sall est loin de vouloir tenter une troisième candidature ?
Bon, je ne suis pas dans sa tête. Mais au fond de moi, je suis convaincu que le Macky Sall, que j’ai rencontré tout récemment, ne sera pas candidat. C’est mon intime conviction. Je peux aussi comprendre qu’il ne le dise pas maintenant pour éviter une sorte de ‘’lamb bu tass’’. Et ça il faut le lui reconnaître.
Parce que, vous savez, Macky Sall est l’un des plus intelligents de sa génération. Il ne fait rien au hasard. Et j’en suis sûr qu’au regard des dernières législatives, il a compris le message des Sénégalais. Surtout que l’avenir est devant lui. C’est pour cela, lorsqu’on s’est vu il y a trois ans, je lui ai dit qu’il ferait un excellent secrétaire général des Nations unies compte tenu des relations qu’il a à l’étranger.
En tant que cadre casamançais, comment avez-vous accueilli la nouvelle de l’accord de paix signé entre des chefs rebelles et l’Etat du Sénégal en terre bissau-guinéenne ?
Je m’en réjouis profondément. Beaucoup de Sénégalais ne le savent pas. Mais je suis le premier à avoir introduit le défunt chef rebelle l’Abbé Diamacoune Senghor au palais de la République face à Wade. C’était même devant une forte réticence de tous les combattants radicaux du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC).
Malgré tout j’ai eu le courage de l’amener au palais. Cependant, on est fatigué de cette crise (le visage renfrogné, il se met dans tous ses états). Il faut l’écrire, c’est moi qui le dit ! Aux actuels chefs rebelles, je rappelle qu’ils ne sont pas plus Casamançais que moi.
Et aucun fils de la Casamance ne leur a demandé de réclamer l’indépendance de cette région. Quand on a rasé leurs bases dernièrement, tout le monde a vu le trafic de bois et de drogue auquel ils se livraient. Maintenant, comme ils l’ont fait en Guinée-Bissau, s’ils rallient la table des négociations, j’applaudis. Surtout s’ils mettent de côté la question de l’indépendance et se plient au pouvoir régalien de l’Etat.
J’espère d’ailleurs qu’à l’image de César Atoute Badiane, Salif Sadio va rallier la cause pacifique lui aussi. Surtout qu’il a plus de 80 ans. Il doit revenir à la raison. Savoir qu’il y a un temps pour la guerre et un temps pour la paix. Alors, personnellement, je salue le courage de l’armée sénégalaise dans cette crise. C’est une armée républicaine. Il ne faut surtout pas qu’elle commette d’exactions.
source:emedia