Les partisans du leader chiite Moqtada Sadr ont commencé à se retirer mardi 30 août de la Zone Verte à Bagdad après un rappel à l’ordre de leur chef qui a fustigé leur recours aux armes contre les forces de sécurité. Depuis lundi 29 août le conflit qui a gagné d’autres régions du pays, a déjà fait presque 400 morts ou blessés entre les partisans de Sadr et d’autres forces chiites pro iraniennes. Comment expliquer une telle irruption de violences dans le pays en 48 heures ?
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Quelle est l’origine politique de ces affrontements ?
L’Irak est plongé dans l’impasse politique depuis les élections législatives d’octobre 2021 remportées par Moqtada Sadr, les barons de la politique ne parvenant pas à s’accorder sur le nom d’un nouveau Premier ministre. Donc, le pays n’a ni nouveau gouvernement ni nouveau président. La vie politique irakienne est dominée par quatre hommes : le leader chiite Moqtada Al-Sadr, le sunnite Mohammad al-Halboussi et le Kurde Massoud Barzani et le chiite l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki pro iranien.
L’Irak est un pays multi confessionnel de 39 millions d’habitants. Les Arabes (88% de la population) sont à plus de 75% chiite. Les Kurdes qui representent 10 % de la population sont sunnites. Les arabes sunnites et chrétiens sont minoritaires. Un peu plus de 1% de la population est constitué par des Assyriens et des Yézidis.
Je veux réformer le système et en finir avec la corruption.Moqtada Sadr, leader chiite.
Arrivé premier aux législatives avec 73 sièges (sur 329) mais incapable de former une majorité, il avait fait démissionner ses députés en juin, affirmant vouloir « réformer » le système et en finir avec la « corruption ».
Le Cadre de coordination est une coalition chiite qui regroupe les partisans de l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki. Cette coalition chiite est pro-iranienne. Moqtada Sadr, chiite, est lui sur une ligne plus nationaliste. Depuis fin juillet les deux pôles du chiisme politique enchaînent joutes verbales et surenchères.
Des milliers de partisans de l’influent leader politique chiite Moqtada Sadr avaient envahi ule 29 juillet le Parlement irakien qu’ils comptent occuper jusqu’à nouvel ordre, après une journée de manifestation dans un pays en pleine crise politique.
Pour sortir de la crise, Moqtada Sadr et le Cadre de coordination s’accordent sur un point: il faut de nouvelles élections. Mais si Moqtada Sadr insiste pour dissoudre le Parlement avant tout, ses rivaux veulent d’abord un gouvernement.
Ces dernières semaines, le leader chiite irakien n’a cessé de faire monter les enchères et chercher la rupture car il sait qu’il peut compter sur l’appui d’une très large frange de la communauté chiite, majoritaire en Irak.
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Pourquoi une telle montée de la violence en 48 heures ?
Il annonce son retrait de la vie politique lundi 29 août et il confirme ce retrait de la vie politique ce mardi 30 août. « Mon retrait est définitif », avait-t-il dit, refusant de répondre aux questions sur la politique. Ce retrait de la vie politique provoque la colère de milliers de ses partisans qui envahissent la Zone Verte, lieu sécurisé de la capitale irakienne où siègent les institutions gouvernementales et des ambassades occidentales.
Des combats ont ensuite éclaté entre sadristes et partisans du Cadre de coordination, une alliance rivale de Moqtada Sadr qui regroupe des factions pro-Iran dont celle du Hachd al-Chaabi. Les affrontements font plus de 400 morts ou blessés. Plus de 30 partisans de Sadr trouvent la mort tués par balles dans les combats à Bagdad.
Les partisans du leader chiite Moqtada Sadr ont commencé à se retirer mardi 30 août de la Zone Verte à Bagdad après un rappel à l’ordre de leur chef qui a fustigé leur recours aux armes contre les forces de sécurité, des combats qui ont fait 23 morts en 24 heures.
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Qui est Moqtada Sadr, ce leader chiite si influent dans la vie politique irakienne ?
Moqtada Sadr est né en 1974 à Koufa, près de la ville sainte chiite de Najaf (sud). Visage rond et barbe grisonnante, il est décrit comme facilement colérique par certains de ses proches.
Il vient d’une lignée de religieux chiites, de « sayyeds » (descendants du prophète de l’islam, Mahomet.
En 1999, le dictateur Saddam Hussein fait assassiner son père Mohammed Sadek Sadr, qui est alors considéré « chahid » (martyr, en arabe), un attribut de la plus haute importance pour les champions du chiisme militant
Après l’invasion américaine de 2003, Moqtada Sadr trouve sa cause: la « résistance » armée à l’occupant via son Armée du Mehdi.
Mais il dissout sa milice, forte de 60.000 combattants, au terme d’un conflit avec les forces du Premier ministre Nouri al-Maliki, pour la réactiver au lendemain de la mort du général iranien Qassem Soleimani, tué par les Américains à Bagdad en janvier 2020
Il n’a jamais lui-même gouverné depuis la chute de l’ancien dictateur Saddam Hussein en 2003. Mais depuis son fief de la ville sainte de Najaf (centre), son aura religieuse et politique porte dans une partie de la communauté chiite, majoritaire en Irak.
Moqtada Sadr entretient des relations en dents de scie avec l’Iran chiite qui exerce une forte influence chez son voisin irakien. C’est là-bas qu’il vit la plupart du temps, mais balance souvent d’une ligne pro-iranienne à la défense d’une position clairement nationaliste.