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IRAN : La mort de Mahsa Amini vendredi 16 septembre 2022, détenue pour « tenue indécente », a mis le feu aux poudres en Iran, sur fond de répression continue des femmes et de leurs droits

Demonstrators gather around a burning barricade during a protest for Mahsa Amini, a woman who died after being arrested by the Islamic republic's "morality police", in Tehran on September 19, 2022. Fresh protests broke out on September 19 in Iran over the death of a young woman who had been arrested by the "morality police" that enforces a strict dress code, local media reported. Public anger has grown since authorities on Friday announced the death of Mahsa Amini, 22, in a hospital after three days in a coma, following her arrest by Tehran's morality police during a visit to the capital on September 13. (Photo by AFP)

Une jeune femme de 22 ans est morte en détention en Iran, vendredi 16 septembre 2022. Mahsa Amini était détenue pour « tenue indécente ».

Depuis,les réactions sont vives dans le pays et la police des mœurs réprime tant bien que mal les contestations. L’Onu et plusieurs ONG de droits humains se disent inquiètes.

Les manifestations s’étendent dans le pays

En Iran, se couvrir les cheveux est obligatoire en public. La police des mœurs interdit en outre aux femmes de porter des manteaux courts au-dessus du genou, des pantalons serrés et des jeans troués ainsi que des tenues de couleurs vives, entre autres.

Le décès de la jeune femme a suscité une vague de colère dans le pays. Les manifestations se sont étendues pour la cinquième nuit consécutive, a rapporté ce mercredi 21 septembre 2022, l’agence officielle Irna.

Des manifestants sont sortis dans les rues d’une quinzaine de villes d’Iran, bloquant la circulation, incendiant des poubelles et des véhicules de police, lançant des pierres sur les forces de sécurité et scandant des slogans hostiles au pouvoir.

La police a utilisé des gaz lacrymogènes et procédé à des arrestations pour disperser la foule, a précisé l’agence.

Des hommes et des femmes, dont beaucoup avaient ôté leur foulard, se sont rassemblés à Téhéran et dans d’autres grandes villes du pays, notamment à Mashhad (nord-est), Tabriz (nord-ouest), Rasht (nord), Ispahan (centre) et Kish (sud), ajoute l’agence.

Des manifestants lors d’une protestation en soutien à Mahsa Amini, le 19 septembre 2020, à Téhéran, en Iran | AFP

Ces derniers jours, les heurts les plus violents se sont déroulés dans la province du Kurdistan.

Selon plusieurs ONG, jusqu’à quatre manifestants ont été tués et des dizaines d’autres blessés dans le pays. Des vidéos postées sur les réseaux sociaux, dans lesquelles on entend des tirs à balles réelles, ont montré des affrontements violents, en particulier dans la ville de Divandareh, entre des manifestants et les forces de sécurité.

Comme ici celle d’un journaliste de la BBC :

Selon l’organisation de défense des droits humains kurde Hengaw, 221 personnes ont été blessées et 250 ont été arrêtées dans la seule région du Kurdistan.

Le gouverneur de la province du Kurdistan Ismail Zarei Koosha a parlé de trois morts « suspectes » et de « complot fomenté par l’ennemi », affirmant que l’une des victimes avait été tuée par un type d’arme non utilisé par les forces iraniennes de sécurité, selon Fars.

Onu et ONG « inquiètes » de la violence des répressions

Les Nations unies et des ONG ont exprimé mardi leurs inquiétudes face à « la réaction violente » des autorités iraniennes visant les manifestants qui protestent contre la mort d’une jeune femme après son arrestation par la police des mœurs.

Dans un communiqué, l’ONG Human Rights Watch, basée à New York, a rapporté que des vidéos circulant sur les réseaux sociaux et des témoignages « indiquent que les autorités ont recours à des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants et ont apparemment utilisé la force létale dans la province du Kurdistan ».

Cela « renforce la nature systématique des abus des droits humains et de l’impunité de ce gouvernement », a dénoncé Tara Sepehri Far, chercheuse à HRW, dans le communiqué.

Depuis Genève, la Haute Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme par intérim, Nada Al-Nashif, a exprimé ce mardi « son inquiétude face à la mort en détention de Mahsa Amini […] et à la réaction violente des forces de sécurité aux manifestations qui ont suivi. »,

« La mort tragique de Mahsa Amini et les allégations de torture et de mauvais traitements doivent faire l’objet d’une enquête rapide, impartiale et efficace par une autorité compétente indépendante », souligne un communiqué du Haut-Commissariat.

« Nous exhortons les pays qui ont des relations diplomatiques avec l’Iran, l’Union européenne en particulier, à stopper de nouveaux assassinats d’État en soutenant les demandes du peuple pour le respect de ses droits fondamentaux », a déclaré Human Rights Watch.

Des manifestants lors d’une protestation en soutien à Mahsa Amini, le 19 septembre 2022, à Téhéran, en Iran. | AFP

Rares réactions de la classe politique

Un parlementaire iranien, dans une prise de position inhabituelle, a critiqué la « police des mœurs » à l’origine de l’arrestation de la jeune femme.

« Gasht-e Ershad (patrouille d’orientation) n’obtient aucun résultat, sauf causer des dommages au pays, a déclaré le député Jalal Rashidi Koochi à l’agence de presse ISNALe principal problème, c’est que certaines personnes ne veulent pas voir la vérité. »

« Est-ce que les gens qui sont conduits par cette police d’orientation à ces séances d’explications reprennent conscience et se repentent quand ils en sortent ? », a interrogé le député.

Le président du Parlement, Mohammad Bagher Ghalibaf, a lui jugé ce mardi que la conduite de cette unité de police devrait faire l’objet d’une enquête : « Afin d’éviter la répétition de tels cas, les méthodes utilisées par ces patrouilles d’orientation […] devraient être revues. »

Plus radical encore, un autre parlementaire a annoncé son intention de proposer la suppression complète de cette force. « Je crois qu’en raison de l’inefficacité du Gasht-e Ershad à faire comprendre la culture du hijab, cette unité devrait être supprimée, afin que les enfants de ce pays n’aient pas peur quand ils croisent cette force », a déclaré lundi Moeenoddin Saeedi à l’agence de presse ILNA.

Visite des autorités au domicile familial

Face à la colère provoquée par cette mort, le représentant du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, dans la province du Kurdistan, Abdolreza Pourzahabi, a effectué lundi une visite de deux heures au domicile familial d’Amini, selon l’agence Tasnim.

Cet émissaire a déclaré à la famille d’Amini que « toutes les institutions prendraient des mesures pour défendre les droits qui ont été violés » et qu’il était sûr que Khamenei était « également affecté et peiné » par sa mort.

« Comme je l’ai promis à la famille de Mahsa Amini, je suivrai la question de sa mort jusqu’au résultat final », a déclaré Abdolreza Pourzahabi.

Soutiens politiques en France

Plusieurs dirigeants politiques français ont apporté leur soutien aux « femmes iraniennes qui se battent pour leur liberté ».

« Mahsa Amini avait 22 ans et voulait seulement vivre libre. Aujourd’hui, elle n’est plus. En Iran, le courage est féminin. Il est celui de toutes ces femmes qui se lèvent aujourd’hui au nom de leur liberté. Leur combat est le nôtre », a écrit la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet sur Twitter.

« Soutien aux femmes iraniennes qui se battent pour leur liberté. Bouleversée par le meurtre barbare de Mahsa Amini ! », a réagi, également sur le réseau social, la présidente (LR) de la région Ile-de-France et ex-candidate à la présidentielle Valérie Pécresse.

Le patron du PS Olivier Faure a également pris fait et cause sur Twitter « pour Mahsa Amini et pour toutes les autres femmes qui rêvent de liberté et d’égalité ».

Le président français Emmanuel Macron s’est entretenu ce mardi, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, avec le président iranien Ebrahim Raïssi.