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Voici ce que l’on sait de la bousculade qui a fait Plus de 150 morts Pendant une fête d’Halloween à Séoul

Les habitants de la capitale sud-coréenne ont vécu un réveil douloureux dimanche 30 octobre, après une nuit de cauchemar. Plus de 150 personnes sont mortes et quelque 76 autres ont été blessées dans la nuit de samedi à dimanche lors d’une bousculade dans le centre de Séoul, où des dizaines de milliers de personnes déguisées célébraient Halloween.

Des dizaines de personnes venues participer aux célébrations d’Halloween ont péri dans cette ruelle.
Des dizaines de personnes venues participer aux célébrations d’Halloween ont péri dans cette ruelle. | JUNG YEON-JE / AFP

Au moins 151 personnes pour la plupart des adolescents et des jeunes adultes ont été tuées samedi 29 octobre 2022 au cours d’une violente bousculade dans une ruelle d’un quartier animé de Séoul, pendant les célébrations de la fête d’Halloween, ont annoncé les services de secours sud-coréens. Le bilan n’est que provisoire et pourrait encore s’alourdir.
Au moins 120 morts après une bousculade lors des festivités d'Halloween à  Itaewon, en Corée du Sud | Nouvelles du monde - News 24

Que s’est-il passé ?

Quelque 100 000 personnes, selon les estimations des médias, ont convergé samedi soir vers Itaewon, quartier cosmopolite rendu célèbre en 2020 par la série télévisée coréenne « Itaewon Class », pour la première fête d’Halloween depuis le début de la pandémie de Covid-19.

Des commerçants établis dans le quartier depuis une trentaine d’années ont dit à l’AFP que la foule était d’une taille « sans précédent ».

Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ont montré la foule, très dense mais initialement calme, succomber brusquement à la panique alors que des personnes chutaient les unes sur les autres dans une ruelle étroite et en pente raide. Sur Twitter, des témoins oculaires ont raconté avoir vu les gens « tomber comme des dominos ».

« Les gens ne pouvaient pas avancer et poussaient et poussaient. C’était une colline raide donc les gens tombaient les uns sur les autres », a raconté un témoin, Jarmil taylor, 40 ans. « Les gens qui étaient à l’arrière poussaient et poussaient parce qu’ils n’avaient aucune idée de ce qui se passait à l’avant. »

L’élément déclencheur de la bousculade n’a pas encore été établi. Et dans l’attente d’une explication officielle, les rumeurs ont explosé.

Certains médias locaux ont spéculé sur la présence dans un bar d’Itaewon d’une célébrité qui aurait déclenché une ruée de curieux. D’autres rumeurs en ligne expliquant la tragédie par une fuite de gaz ou un incendie dans une discothèque ou encore une distribution de « bonbons à la drogue » dans la foule. Autant de rumeurs démenties par la police et qu’aucun témoin n’a décrit à l’AFP.

Les experts avertissent que la cause du désastre est probablement beaucoup plus prosaïque : le manque de planification et de mesures de contrôle de la foule par les autorités.

Une bousculade fait plus de 150 morts à Séoul lors d'une fête d'Halloween –  Libération

Comment sont mortes les victimes ?

La majorité des personnes décédées étaient de jeunes femmes dans la vingtaine, selon les autorités. Les victimes ont péri écrasées, piétinées ou étouffées par la foule dans la ruelle. Selon les experts, la mort dans un mouvement de foule se produit le plus souvent par suffocation.

Des images sur les réseaux sociaux ont montré des centaines de personnes entassées et immobiles dans la ruelle alors que les sauveteurs tentaient de les extraire de là.

Des critiques sont apparues sur le manque de personnel policier et la lenteur des secours, qui ont eu du mal à accéder à la ruelle pleine de monde. Un retard qui a pu s’avérer fatal pour les personnes victimes d’arrêt cardiaque, lequel provoque des lésions cérébrales irréversibles ou la mort en quelques minutes.

Où était la police ?

La police s’attendait à ce que la foule à Itaewon soit similaire à celle des précédentes éditions de la fête d’Halloween, a expliqué le ministère de l’Intérieur Lee Sang-min. Au même moment, selon lui, un « nombre considérable » d’agents des forces de l’ordre étaient mobilisés pour encadrer une grosse manifestation dans une autre partie de la ville.

Dans des documents publiés deux jours avant le drame, la police avait indiqué qu’elle comptait déployer seulement 200 agents à Itaewon.

« C’est une catastrophe provoquée par l’homme, déclenchée par un manque de conscience concernant la sécurité », a critiqué Shin Dong-min, professeur à l’Université nationale des Transports de Corée. « Les commerçants d’Itaewon et les responsables du gouvernement auraient dû se préparer davantage à la venue d’une foule massive. »

Et les secours ?

Des équipes de secouristes en effectif insuffisant ont éprouvé les pires difficultés à assister un très grand nombre de victimes en arrêt cardiaque. De simples passants ont été mis à contribution pour pratiquer des réanimations cardio-respiratoires sur des personnes inconscientes.

Une vidéo circulant sur Twitter a montré des dizaines de personnes pratiquant des massages cardiaques sur des victimes allongées sur les trottoirs et d’autres, parfois déguisées avec leurs tenues d’Halloween, évacuer des corps en les portant sur leurs dos.

« J’étais en train de marcher mais je me suis arrêtée pour pratiquer des réanimations cardio-respiratoires », a raconté Min Byung-yeon, une ancienne infirmière, à la chaîne YTN.

Une autre femme qui se trouvait à Itaewon avec son enfant pour participer à la fête a expliqué qu’on lui avait demandé de pratiquer le bouche-à-bouche à plusieurs victimes.

Sur Twitter, une personne se présentant comme une infirmière a aussi rapporté que certains se contentaient de la filmer avec leurs téléphones, sans intervenir, pendant qu’elle tentait de réanimer des victimes. « Je n’ai pas pu retenir mes larmes, personne ne m’aidait, ils continuaient à filmer », a-t-elle témoigné. « La victime n’a pas survécu. Cette situation était choquante et effrayante. »

Des opérateurs comme Kakao Talk et Twitter Korea ont exhorté à cesser de partager des images choquantes de la catastrophe.

Des dizaines de milliers de personnes fêtaient Halloween

Les festivités d’Halloween se déroulaient dans le quartier d’Itaewon, situé près d’une ancienne base militaire américaine et connu pour son atmosphère cosmopolite, ses bars et ses lieux de fête en tout genre, dans un dédale d’étroites ruelles. La bousculade a eu lieu près de l’hôtel Hamilton, situé sur une avenue principale entourée de ruelles en pente raide.

Après un peu plus de deux années marquées par des règles sanitaires strictes et l’impossibilité de participer à des événements publics de grande ampleur, du fait de la pandémie de Covid-19, les Sud-Coréens souhaitaient profiter pleinement de la fête d’Halloween.

Des dizaines de milliers de personnes, nombre d’entre elles déguisées, se sont ainsi retrouvées dans le centre de Séoul pour cette célébration « des morts et des Saints ».

« On voit souvent beaucoup de monde pour Noël ou les feux d’artifice […] mais il y avait dix fois plus de monde », a déclaré un homme de 21 ans, Park Jung-hoon, à l’agence Reuters.

« L’importance de la foule attendue à Itaewon n’était pas très différente des années précédentes, donc je pense que le personnel déployé l’a été à une échelle similaire à auparavant », a déclaré le ministre de l’Intérieur Lee Sang-min. Il a précisé qu’un « nombre considérable » de policiers se trouvaient au même moment dans un autre quartier de la capitale pour encadrer une grosse manifestation.

Quelle est l’origine de la bousculade ?

Les autorités sud-coréennes ne sont pas encore parvenues à faire toute la lumière sur cette tragédie. Une vidéo partagée sur Twitter par une internaute déclarant s’être trouvée à Itaewon au moment du drame montre des centaines de personnes, pour la plupart très jeunes et en tenue de cow-boy, de pirate ou autres accoutrements, dans une rue bordée de bars. La scène, calme au départ, tourne brusquement à la confusion. Les passants sont poussés et tombent les uns sur les autres, on entend des hurlements et une femme jurer en anglais et crier : « Oh mon Dieu ! Oh mon Dieu ! »

Surprises par le mouvement de foule, de nombreuses personnes, dont beaucoup de jeunes femmes, se sont retrouvées au sol les unes sur les autres et ont été piétinées, tandis que d’autres étaient pressées contre les murs, a déclaré le chef de la caserne de pompiers de Yongsan, Choi Sung-beom.

« Mon ami m’a dit : il y a quelque chose de terrible qui se passe dehors », a raconté Jeon Ga-eul, 30 ans, qui buvait un verre dans un bar au moment du drame. « Je lui ai répondu : mais qu’est-ce que tu racontes ? Je suis sorti pour voir, et j’ai vu des gens qui faisaient des massages cardio-respiratoires. Les gens étaient les uns sur les autres. Certains perdaient connaissance progressivement, d’autres étaient manifestement morts ».

« Avant l’accident, il y avait tellement de monde qui se poussait… J’ai été pris moi aussi dans la foule. Au début je n’arrivais pas à me dégager non plus. J’ai senti qu’un accident était sur le point de se produire », poursuit Jeon Ga-eul.

« Une personne de petite taille comme moi ne pouvait même pas respirer », a déclaré une témoin oculaire à l’agence Yonhap, ajoutant qu’elle avait survécu car elle se trouvait sur un des côtés de la ruelle. « Les personnes au milieu ont le plus souffert », a-t-elle dit.

Le président sud-coréen a décrété un jour de deuil national à la suite de la tragédie. | JUNG YEON-JE / AFP

Quelles ont été les réactions ?

« Dans le centre de Séoul est survenu une tragédie et un désastre qui ne devraient pas s’être produits », a affirmé dimanche le président sud-coréen Yoon Suk-yeol.

« J’ai le cœur lourd et il m’est difficile de contenir mon chagrin », a ajouté dans une adresse télévisée le chef de l’État, qui s’est rendu dimanche matin sur le lieu du drame, vêtu du blouson vert des secours d’urgence, et a décrété le deuil national.

Une morgue improvisée a été installée dans un bâtiment proche des lieux de l’incident.

Yoon Suk-yeol a par ailleurs demandé de préparer les hôpitaux à accueillir les blessés et a décrété un jour de deuil national dimanche.

Beaucoup de blessés sont dans un état grave et reçoivent un traitement d’urgence, ont déclaré les autorités.

De nombreux dirigeants internationaux ont fait part de leur consternation. « Nous pleurons avec le peuple de la République de Corée et adressons nos meilleurs vœux de prompt rétablissement à tous ceux qui ont été blessés », a déclaré dans un communiqué le président américain Joe Biden.

« Je suis terriblement choqué et profondément attristé » par cet accident « qui a pris trop de vies précieuses, y compris celles de jeunes gens qui avaient l’avenir devant eux », a déclaré pour sa part le Premier ministre japonais Fumio Kishida.

Le président français Emmanuel Macron a exprimé « une pensée émue pour les habitants de Séoul et pour l’ensemble du peuple coréen »« C’est un triste jour pour la Corée du Sud », a tweeté le chancelier allemand Olaf Scholz.