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VIH : Tout ce qu’il faut Savoir sur la PrEP, la Pilule Préventive « Antisida »

A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, jeudi 1er décembre; le point sur ce traitement préventif à destination des personnes séronégatives très exposées au VIH.

Malgré les indéniables batailles remportées par les acteurs de la lutte contre le VIH et le sida ces dernières décennies – en matière de prévention, de dépistage et d’accès aux traitements –, l’épidémie est encore loin d’être éradiquée.

En 2016, la France a autorisé la commercialisation d’un nouveau moyen de prévention : la PrEP. De quoi s’agit-il ? Comment fonctionne ce traitement ? A qui s’adresse-t-il ? Le Monde fait le point.

Qu’est-ce que la PrEP ?

La prophylaxie pré-exposition, abrégée PrEP (de l’anglais pre-exposure prophylaxis), est une pilule préventive « antisida » destinée aux personnes séronégatives très exposées au VIH (virus de l’immunodéficience humaine).

Toutes les études conduites  en  France et à l’étranger pour évaluer l’efficacité de cet outil de prévention montrent qu’il n’y a eu aucun cas de transmission chez les personnes qui suivaient correctement le traitement,souligne Sida info Service .

La PrEP est à distinguer du traitement post-exposition, donné en urgence à un séronégatif après une prise de risque élevée afin d’éviter la transmission du virus. Délivré par les services d’urgences des hôpitaux, il doit être débuté au plus tard quarante-huit heures après la prise de risque et dure un mois.

Comment ça marche ? En quoi consiste le traitement ?

La PrEP est un comprimé qui associe deux antirétroviraux : l’emtricitabine et le ténofovir disoproxil. Initialement, ce médicament a été commercialisé sous la marque Truvada. Il en existe désormais des versions génériques, produites par différents laboratoires.

En France, deux modalités de traitement sont possibles, explique l’association Sidaction:

  • en continu, avec la prise d’un comprimé tous les jours à la même heure (avec un décalage de deux heures maximum en cas d’oubli) ;
  • « à la demande », à prendre avant et après une pratique à risque (du « chemsex »par exemple): deux comprimés entre vingt-quatre heures et deux heures avant l’acte ; un troisième vingt-quatre heures après la première prise ; et un quatrième quarante-huit heures après la première prise. Pour des raisons pratiques et physiologiques, ce schéma n’est pas applicable aux personnes ayant un vagin (cela inclut des hommes et des femmes transgenres). « Dans le cadre d’une prise “à la demande”, la concentration en produit actif semble insuffisante au niveau vaginal. Faute d’études approfondies sur le sujet et par simplicité, les femmes cisgenres [assignées femmes à la naissance et qui s’identifient comme telles] et les trans qui ont un vagin n’ont pas accès à cette option », regrette la docteure Radia Djebbar, coordinatrice médicale à Sida Info Service.

A qui s’adresse la PrEP ?

La PrEP s’adresse en priorité aux publics fortement exposés au VIH. Il s’agit en particulier des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (les HSH, qu’ils se définissent comme gays, bisexuels ou hétérosexuels), des personnes trans ayant des relations sexuelles avec des hommes, des usagers de drogues injectables, des travailleuses du sexe, des personnes originaires d’une région à forte prévalence (Afrique subsaharienne, Guyane, etc.).

Ces catégories ne sont pas, en soi, des critères de sélection. On peut aussi ne pas appartenir à ces publics et prendre la PrEP. Par ailleurs, comme le précise Sidaction, ces personnes ne sont pas forcément concernées tout au long de leur vie sexuelle, celle-ci évoluant, chaque période n’impliquant pas obligatoirement le recours au même moyen de protection.

D’autres outils de prévention peuvent être utilisés, tels que le préservatif, le dépistage régulier ou le traitement post-exposition.

Combien de personnes prennent la PrEP en France ?

Au 30 juin 2021, le nombre total de personnes ayant commencé un traitement par PrEP en France s’élevait à 42 159, selon l’enquête Epi-Phare , un service de pharmaco-épidémiologie créé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et la Caisse nationale d’assurance-maladie. Ce nombre ne tient pas compte des personnes qui ont arrêté la PrEP.

« Le compte n’y est pas », a lancé Gilles Pialoux, vice-président de la Société française de lutte contre le sida, lors d’un point presse. La PrEP « n’a pas assez diffusé » au-delà des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), selon le chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon, à Paris. Il a notamment souligné une proportion insuffisante de femmes ou de migrants parmi les bénéficiaires de « ce traitement qui marche extrêmement bien » et « ne s’oppose pas au préservatif ».

En France, dès le début de la prophylaxie pré-exposition, à partir de 2016, le principal public visé a été les HSH. Une raison à cela : dès le départ, cette communauté a été – et elle le reste – durement touchée par le VIH.

Alors qu’elles représentent plus d’un tiers des nouvelles contaminations, seules 2,5 % des personnes sous PrEp sont des femmes. Une proportion peu similaire chez les migrants. Cette catégorie très hétérogène inclut aussi bien des expatriés insérés socialement et économiquement que des réfugiés sans papiers. Il est donc difficile d’avoir des chiffres précis concernant cette population.

Entre juin 2018 et juin 2019, les « initiations » (premières consultations) de PrEP avaient bondi de 83 %. Elles s’étaient ensuite effondrées au printemps 2020 pendant le premier confinement dû à la pandémie de Covid-19. En conséquence, les initiations de PrEP ont augmenté de seulement 42 % entre juin 2020 et juin 2021. « Une tendance à la reprise d’une hausse des initiations s’est dessinée à partir de février 2021, et plus particulièrement au mois de juin 2021 », observe également Epi-Phare.

Comment débuter un traitement PrEP ?

Initialement, la première prescription de PrEP devait être faite par un médecin hospitalier qui prend en charge les personnes vivant avec le VIH ou dans un centre de dépistage hospitalier. Depuis le 1er juin 2021, tout médecin – notamment les généralistes – peut faire la première prescription et renouveler le traitement.

Lors du premier rendez-vous, le médecin évalue le risque de contracter le VIH et les éventuelles contre-indications à la PrEP. Il prescrit un bilan rénal et des examens de dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST), dont le VIH. Si tout va bien, la PrEP est délivrée en pharmacie (uniquement sur ordonnance) pour quatre semaines. Au bout d’un mois, le médecin refait un bilan VIH et s’assure que la PrEP est bien tolérée. Le traitement est entièrement pris en charge par la Sécurité sociale.

Un suivi trimestriel est ensuite nécessaire. Il permet d’effectuer un dépistage complet des IST et de contrôler d’éventuels effets secondaires liés à la prise du médicament. Peu d’effets indésirables ont été observés : troubles digestifs ou maux de tête lors des premières semaines et, exceptionnellement, des problèmes rénaux (réversibles à l’arrêt du traitement).

Quelles sont les limites de la PrEP ?

La PrEP – comme le traitement post-exposition – protège du VIH mais pas des autres IST : gonorrhée, condylomes (liés aux papillomavirus), chlamydia, hépatites, syphilis, etc. Elle n’empêche pas non plus les grossesses non désirées.

« La PrEP doit être accompagnée d’un suivi renforcé et individualisé en santé sexuelle : vaccinations, dépistages réguliers des IST, traitement des IST, tests de grossesse, contraceptions »,insiste l’association Aides .

Pourquoi certains médecins sont-ils réticents ? Que répondent les associations de lutte contre le VIH ?

A l’appui des bons résultats de plusieurs études, de nombreuses instances nationales et internationales recommandent la PrEP comme outil de prévention : l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS), la Haute Autorité de santé (HAS), ou encore le groupe d’experts français sur le VIH.

Pourtant, certains médecins la prescrivent du bout des lèvres ou s’y opposent, redoutant un effet de « désinhibition générale » et une hausse des comportements à risque. A l’inverse, les associations de lutte contre le VIH-sida soutiennent que les « prépeurs » adoptent, justement, une démarche responsable : conscients des risques encourus, ils choisissent de renforcer leur prévention : ils se protègent eux-mêmes ainsi que leurs partenaires.

Florence Thune, directrice générale de l’association Sidaction, insiste sur l’importance d’intégrer systématiquement la PrEP aux campagnes de lutte contre le VIH-sida :

« Ce moyen de prévention a largement prouvé son efficacité. Or, la meilleure des préventions, c’est celle que l’on choisit. Pour certains, c’est le préservatif ; pour d’autres, c’est la PrEP. La question est de savoir ce qu’on veut : être dans le jugement moralisateur ou bien que cette épidémie de VIH soit enfin sous contrôle ? »