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Twitter : Comment les Négationnistes du Climat s’emparent d’un Twitter « libéré » Par Elon Musk

Le réseau social américain avait réussi à chasser les publicités qui ne respectent pas la science du climat. Mais depuis que le milliardaire Elon Musk a racheté Twitter, les pires complotistes ont retrouvé un porte-voix à leurs théories anti-écologiques délirantes.

Qui a dit : Le concept de réchauffement climatique a été inventé par les Chinois dans le but de nuire à la compétitivité des entreprises américaines ? Le milliardaire Donald Trump, sur Twitter, en 2012. Il n’était pas encore le plus complotiste des présidents des États-Unis, mais pour le devenir, il semait déjà de fausses nouvelles bien polluantes sous les baskets de Barack Obama…

« Le scepticisme climatique a progressé »

Le réseau a fini par chasser la plupart des négationnistes du climat en vue sur la plateforme, dont Trump. Mais le répit a été de courte durée. Twitter a un nouveau patron depuis trois mois, le milliardaire Elon Musk. Et il ne jure que par la liberté d’expression, au sens radical du terme. Tous les semeurs de doute et autres harceleurs qui prennent le changement climatique et ses effets pour des fables ont été réintégrés. Et ils sont nombreux. Entre 2015 et 2021, le scepticisme climatique a progressé quatre fois plus vite que les contenus pro-climat, qu’ils soient militants ou scientifiques ​, selon une étude de l’Institut londonien Alan Turing, publiée dans la revue Nature Climate Change.

Le tweet de Donald Trump, en 2012.

L’Américain Steven Goddard – aussi connu sous le nom de Tony Heller – a ainsi fait son grand retour sur Twitter où il continue de qualifier le réchauffement climatique de plus grande fraude scientifique de l’histoire, malgré six rapports des experts du Giec en trente années. Son entreprise de désinformation a retrouvé immédiatement ses adeptes, dont l’auteur canadien Jordan Peterson, banni du réseau pour des insultes transphobes puis autorisé à y revenir par l’équipe Musk. Il a récemment retweeté un post d’Heller suivi du terme #ClimateScam, l’arnaque climat ​à ses 3,5 millions de followers.

Le genre de tweet de l’Américain Tony Heller, qui confond météo du jour et climat.

Ce mot-clé arrivait, mardi 3 janvier, en troisième position des recherches sur le climat sur Twitter, derrière #ClimateAction (agir pour le climat) et #ClimateEmergency (urgence climatique). Selon l’agence  de presse  américaine E & E News  qui couvre l’énergie, la politique environnementale et le changement climatique (groupe Politico), le terme anti-science repéré dès novembre arrivait en tête, dans les derniers jours de décembre. Propulsé notamment par Steven Mulloy, un agité que Trump avait placé au cœur de l’Agence américaine de l’environnement ou encore Marc Morano qui tient un blog dédié à la négation du changement climatique.

Un complot calqué sur le modèle du Covid

Pour ce dernier, régulièrement invité sur la chaîne conservatrice Fox News, les dirigeants du monde se servent du changement climatique, sur le modèle du Covid-19, pour écraser les libertés individuelles et installer une dictature mondiale. La concentration record de CO2 et de méthane dans l’atmosphère, l’élévation du niveau de la mer, la fonte des glaces de l’Arctique ne seraient que des pilules prétextes inventées ​pour forcer les Américains à abandonner les grosses voitures au diesel et les côtes de boeuf quotidiennes grillées sur le barbecue.

La version Musk de Twitter commence sérieusement à inquiéter, alors que les épisodes météorologiques catastrophiques s’enchaînent et mettent les assureurs sur la paille. Les réseaux sociaux fonctionnent comme des chambres d’écho, c’est-à-dire des caisses de résonance où les préjugés sont renforcés. Il est important que les régulateurs continuent à chercher des moyens de garantir que le contenu partagé en ligne est digne de confiance ​, prévenait au printemps dernier la chercheuse Andrea Baronchelli de la City University de Londre. C’était au moment où le patron de Tesla et de Space X signalait son envie de s’emparer de Twitter. Depuis qu’il en est propriétaire, des messages tueurs de climat ont gagné en moyenne 40 000 likes.

Des scientifiques quittent Twitter

La montée en puissance de cette sphère complotiste a un autre effet : elle commence à faire fuir les scientifiques qui, lassés de se faire insulter ou bombarder de fake news, ferment leur compte Twitter. La climatologue Américano-Canadienne Katharine Hayhoe, scientifique en chef de l’organisation Nature Conservancy, tient à jour une liste des comptes Twitter de chercheurs les plus en pointe sur le climat. Elle a fondu de 4 % depuis le rachat par Elon Musk. Tandis que l’activité des robots et des trolls, qui devait diminuer avec le payement des 8 € mensuels pour ceux qui optent pour un compte payant, a explosé, multiplié par 15 à 30 sur l’ensemble du mois de décembre, selon la chercheuse. Un fait confirmé par plusieurs observateurs de la communication sur le climat.

Elon Musk va-t-il laisser longtemps ce dévoiement de la liberté d’expression menacer l’action climatique des dirigeants ? Peut-être pas. Car les actions des voitures électriques Tesla ont chuté de 8 % mardi 3 janvier. Alors que Tesla avait dépassé les 1 000 milliards d’euros en capitalisation boursière en octobre 2021, voilà l’entreprise qui dévisse, concurrencée par des constructeurs automobiles, moins distraits. Et dire qu’il incarnait le parfait patron, choyé par son gouvernement pour ses créations d’emplois verts…