Un imposant ballon espion chinois qui survole des sites militaires stratégiques américains… Ce n’est pas le début d’une dystopie, mais les conclusions du Pentagone, qui surveille le gros objet volant depuis plusieurs jours.
- Les Etats-Unis traquent depuis plusieurs jours un gros ballon volant chinois. ce ballon a déjà survolé plusieurs Etats et est soupçonné d’espionner des sites militaires sensibles.
- Face aux accusations américaines, Pékin a expliqué procéder à des vérifications et a appelé « à ne pas monter en épingle » cet incident, alors que Washington a envisagé d’abattre l’appareil
- 20 Minutes fait le point sur ce drôle de ballon et les accusations d’espionnage qui l’accompagnent, alors que ce regain de tensions diplomatiques entre les deux superpuissances tombe mal. Antony Blinken doit effectivement se déplacer en Chine dans deux jours, une première depuis 2018 pour un secrétaire d’Etat américain.
Edit du 3 février 2023 à 16h47 : Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a décidé de reporter son déplacement prévu ce week-end à Pékin après la découverte d’un ballon espion chinois dans l’espace aérien américain. Malgré le report, les Etats Unis se disent néanmoins « confiants dans leur capacité à maintenir le dialogue avec Pékin. Quant à la Chine, elle a déclaré ce vendredi en début de soirée « regretter » la violation « involontaire » de l’espace aérien américain.
On a connu plus discret comme mouchard. Jeudi, le Pentagone a indiqué qu’un ballon espion chinois, gros comme « trois bus », survolait à « très haute altitude » le territoire des Etats-Unis et les sites militaires sensibles. Cet engin volant est-il dangereux ? Comment la Chine répond-elle aux accusations américaines ? L’épisode peut-il remettre en cause une visite du secrétaire d’Etat américain en Chine, prévue ce week-end ? 20 Minutes fait le point sur cette affaire.
C’est quoi ce ballon aperçu au-dessus du Montana ?
« Il y a un truc dans le ciel. Et je n’ai aucune idée de ce que c’est. C’est stationnaire, depuis environ trente-cinq minutes (…). Ce n’est pas la lune ». En levant les yeux au ciel, Chase Doak, habitant de Billings, la plus grosse ville du Montana, a aperçu une grosse boule blanche ce mercredi. « J’ai d’abord cru à un ovni », a confié le data analyste à notre journaliste aux Etats-Unis ,Philippe Berry. Que l’ancien photojournaliste se rassure, il n’a pas été victime d’une hallucination. Jeudi, en fin d’après-midi, le Pentagone a livré l’explication à tout le pays (et au monde).
La grosse sphère grosse comme « trois bus » est un ballon espion chinois, qui a déjà survolé plusieurs Etats américains (l’Alaska et le Montana) à une altitude bien supérieure à celle des avions de ligne et est entré sur le territoire depuis « environ deux jours ». Le ballon aurait déjà survolé les îles Aléoutiennes dans le nord de l’océan Pacifique, puis aurait traversé l’espace aérien canadien jusqu’aux États-Unis, où il a volé au-dessus de l’Etat du Montana, selon des médias américains citant des responsables de la défense.
« Clairement, ce ballon est destiné à la surveillance et sa trajectoire actuelle l’amène au-dessus de sites sensibles » notamment des bases aériennes et des silos de missiles stratégiques, a indiqué un responsable américain. « Nous n’avons aucun doute sur le fait qu’il s’agit d’un ballon de la RPC », a renchéri plus tard un haut responsable du Pentagone ayant requis l’anonymat, utilisant l’acronyme pour la République populaire de Chine.
Que ce ballon peut-il bien espionner ?
L’engin volant non identifié a survolé un certain nombre de sites sensibles, selon le responsable du Pentagone : « clairement, il est passé au-dessus de ces sites pour y recueillir de l’information ». Et le Montana abrite notamment des silos de missiles nucléaires… Reste que l’on se demande aujourd’hui ce que peut bien apporter à la Chine un tel ballon espion, largement utilisé pendant la Première Guerre mondiale, alors qu’il existe de super satellites bien plus fiables.
Les ballons constitueraient toutefois un moyen bon marché d’obtenir des informations. « A l’avenir, nous aurons des ballons au-dessus de nos têtes pendant plusieurs mois d’affilée, ce qui pourrait compromettre nos activités à moindre coût que dans l’espace », estime ainsi ce vendredi le général Frédéric Parisot, vice-chef de l’armée de l’air française.
Ce gros ballon espion chinois est-il dangereux ?
Le département américain de la Défense a précisé que ce gros objet volant ne représentait pas de menace directe. « Le ballon vole actuellement à une altitude bien au-dessus du trafic aérien commercial. Il ne présente pas de menace militaire ou physique pour les personnes au sol », a détaillé Pat Ryder, porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.
Mais, parce qu’on est jamais trop prudent, les Etats-Unis ont tout de même envisagé d’abattre le ballon, à la demande du président Joe Biden. Deux avions de chasse F-22 Raptor ont décollé du Nevada et se sont approchés de l’appareil suspect mercredi, selon CBS News. L’engin n’a finalement pas été détruit, les risques de projection de débris étant trop grands pour la population, compte tenu de sa taille, « grand comme trois bus ». « Est-ce qu’il représente une menace pour l’aviation civile ? Nous estimons que ce n’est pas le cas. Est-ce qu’il représente une menace significativement accrue du point de vue du renseignement ? Notre évaluation pour le moment est que ce n’est pas le cas », a fait savoir un haut responsable de la défense. Et d’ajouter : « Nous estimons que le risque de l’abattre, même faible (…) ne valait pas la peine d’être pris. »
Existe-t-il d’autres ballons ?
Le Canada, qui surveille également la situation, a signalé ce jeudi un « deuxième incident potentiel », sans accuser explicitement la Chine. « Les Canadiens sont en sécurité et le Canada prend des mesures pour assurer la sécurité de son espace aérien, y compris la surveillance d’un deuxième incident potentiel », a affirmé le ministère de la Défense nationale du Canada dans un communiqué.
A noter que La Chine a envoyé de nombreux ballons au-dessus des États-Unis ces dernières années, a fait savoir le haut responsable du Pentagone. Cependant, a-t-il précisé, c’est la première fois qu’un ballon chinois séjourne dans l’espace aérien américain pendant une période aussi longue.
Que dit la Chine ?
« Nous sommes en train de prendre connaissance de la situation et d’opérer une vérification. Nous espérons que les deux parties puissent gérer ce dossier avec sang-froid et prudence », a affirmé ce vendredi une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning. Face aux accusations du pouvoir américain, qui a informé Pékin de la « gravité de l’incident », la porte-parole appelle à « ne pas monter les choses en épingle avant même que les faits ne soient établis », tout en affirmant que la Chine a toujours « strictement respecté le droit international ».
Quelques heures avant cette réaction, le journal Global Times, financé par le parti communiste chinois, s’est moqué dans un Tweet de cet incident. « Si des ballons provenant d’autres pays peuvent vraiment pénétrer sans encombre dans le territoire continental américain, ou même entrer dans le ciel au-dessus de certains Etats, cela ne fait que prouver que le système de défense aérienne des Etats-Unis n’est là que pour faire joli et n’est pas digne de confiance », a-t-il ironisé.
De leur côté, les autorités américaines ont affirmé que ce type d’épisode s’était déjà produit plusieurs fois ces dernières années, « y compris avant l’arrivée au pouvoir de cette administration »
La rencontre USA-Chine peut-elle être remise en cause ?
Ce nouvel incident entre la Chine et les Etats-Unis intervient à seulement deux jours d’une rencontre cruciale. Pour la première fois depuis 2018, un secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, doit se rendre en Chine dimanche et lundi, justement pour tenter d’apaiser les tensions entre les deux superpuissances. Taïwan devrait être au menu du sommet sino-américain, tout comme les activités de Pékin en Asie du Sud-Est, deux sujets brûlants entre ces nations, alors que le secrétaire d’Etat à la Défense Lloyd Austin a signé jeudi des accords aux Philippines pour renforcer la présence militaire américaine.
Le ballon espion n’a pas manqué de faire réagir les adversaires politiques de Joe Biden. Kevin McCarthy, président républicain de la chambre des représentants, a appelé le démocrate dans un tweet à ne « pas rester silencieux » face à une « action déstabilisatrice » de la Chine. Le département d’Etat a, lui, refusé de dire si l’épisode du ballon espion remettait en cause cette visite.