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L’économiste Meïssa Babou :« Le Sénégal dispose d’un arsenal de contrôle et de lutte contre la corruption mais cela ne suffit pas… »

Les bailleurs et autres prêteurs du Sénégal n’ont cure des détournements, pourvu qu’ils obtiennent un retour sur investissements. C’est en substance ce que soutient l’économiste Meïssa Babou qui note que c’est le contribuable qui fait les frais de la corruption.

La corruption ne décourage pas l’essentiel des bailleurs de fonds. Cequi compte pour eux, c’est que le pays soit dans la bonne gouvernance financière, qui consiste à garantir un remboursement des prêts, consentis avec des taux d’intérêt extrêmement élevés. Economiste, enseignant chercheur à l’université de Dakar, Meïssa Babou, joint au téléphone, avant-hier, soutient que si les investisseurs privés ne sont pas inquiétés, leur argent ne sera jamais détourné. «Quand on parle de détournement et de bonne gouvernance financière, il s’agit de l’argent public», précise-t-il, ajoutant que c’est donc le contribuable qui fait les frais de la corruption.

«Dans tous les cas, c’est le peuple qui trinqueLe contribuable paie et perd en qualité d’ouvrages, dans le retard des investissements, mais aussi dans l’augmentation des recettes fiscales. Si c’est un endettement colossal qu’on doit rembourser, on va annuler les subventions comme c’est le cas sur l’électricité dont le prix a augmenté. On a également augmenté le carburant alors que sur le marché international l’énergie n’était pas en hausse», illustre Meïssa Babou, qui rappelle que l’Etat cherche de l’argent pour rembourser des sommes dont le quart voire la moitié est détournée.

Par ailleurs, l’économiste souligne que la corruption et les détournements impactent aussi la croissance économique. «Si le projet est abandonné, comme c’est souvent le cas, il a forcément des retombées négatives sur le Pib qui impactent même la qualité des ouvrages, parce que, souvent, il y a du faux», prévient l’enseignant chercheur. «On vous dit qu’ils ont mis 200 milliards de francs Cfa alors qu’ils n’ont même pas mis 50 milliards de francs Cfa. Cela pèse sur le PIB dont le nominal n’est pas le réel, sans compter l’abandon de l’investissement, parce qu’on a détourné le fonds», indique l’économiste.

Le Sénégal dispose d’un arsenal de contrôle et de lutte contre la corruption. Il y a l’Armp, la Cour des comptes, l’Ofnac, l’IGE, l’IGF, etc. Mais de l’avis de l’économiste, cela ne suffit pas. Ce qu’il faut, d’après lui, c’est une loi qui donnerait à ces instances de contrôle le pouvoir de donner directement les rapports à des juges. «On peut même sauter le procureur, bras armé du ministre de la Justice, lui-même, bras armé du président de la République, qui actionne ou pas. C’est pourquoi beaucoup de dossiers sont sous le coude», soutient Meïssa Babou en considérant que nous avons simplement un problème juridique. D’après lui, il faut des dispositions qui empêchent le ministre de la Justice, le Procureur ou le président de la République d’agir en cas de contrôle.