Ces raids sont le dernier épisode en date d’une brusque montée de tension au Proche-Orient depuis mercredi et l’entrée brutale de policiers israéliens sur l’Esplanade des mosquées.
L’armée israélienne a frappé des sites au Liban et à Gaza tôt ce vendredi matin, en représailles à des tirs de roquettes imputés au groupe islamiste Hamas. Les raids ont commencé peu après minuit à Gaza, au sud, et vers 4h30, heure d’Israël (3h30, heure française) au Liban, au nord. L’armée israélienne a confirmé avoir « frappé des cibles, notamment des infrastructures terroristes appartenant au Hamas dans le sud du Liban ». C’est la première fois qu’Israël confirme avoir attaqué le territoire libanais depuis avril 2022.
L’armée affirme que ses avions à réaction ont notamment touché des tunnels et des sites de fabrication d’armes du Hamas à Gaza ainsi qu’une mitrailleuse lourde utilisée pour les tirs antiaériens. Au Liban, deux sources de sécurité libanaises ont déclaré que la frappe avait touché une petite structure située sur des terres agricoles près de la zone d’où des roquettes avaient été lancées plus tôt, sans faire de victime. Un habitant du camp de réfugiés palestiniens de Rachidiyé, proche de Tyr, Abou Ahmad, a dit à l’AFP que « deux obus au moins sont tombés près du camp ». Et un correspondant de l’AFP dans cette région a indiqué qu’un obus était tombé sur le toit d’une maison dans une plantation proche du camp, faisant des dégâts matériels. Des roquettes ont été lancées en retour, enclenchant les alertes de raid aérien ont retenti dans les villes proches de la frontière.
« Nous tenons l’occupation sioniste entièrement responsable de la grave escalade et de l’agression flagrante contre la bande de Gaza et des conséquences qui en découleront pour la région », a déclaré le Hamas dans un communiqué.
« La défense israélienne est prête »
Ces frappes ont été effectuées en réponse à des tirs de roquettes depuis le Liban en direction du nord d’Israël, que les autorités israéliennes ont imputés au groupe islamiste qui contrôle Gaza sous blocus. L’armée a déclaré que 34 roquettes avaient été lancées jeudi depuis le Liban, dont 25 ont été interceptées par les systèmes de défense aérienne. « La réponse d’Israël, ce soir et plus tard, coûtera cher à nos ennemis », a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu à l’issue d’une réunion du cabinet de sécurité. « La défense israélienne est prête à faire face à toute menace, sur n’importe quel front », a dit de son côté le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant.
Ces frappes surtout marquent le dernier épisode d’une soudaine montée de tension au Proche-Orient depuis mercredi, après une accalmie – toute relative – du conflit israélo-palestinien observée depuis le début du ramadan,le 23 mars. Mercredi, la police israélienne a fait une irruption violente dans la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam, afin d’en déloger des Palestiniens qui s’y étaient barricadés. La police a été filmée en train de battre des fidèles. L’affront est d’autant plus fort qu’il s’est déroulé pendant le mois sacré du ramadan, qui coïncide cette année avec la fête juive de Pessah, provoquant l’incompréhension des Palestiniens, et la colère des groupes islamistes.
Jeudi, jour de la Pâque juive, une trentaine de roquettes ont été tirées du Liban vers Israël, blessant une personne et causant des dégâts matériels. Bien qu’Israël ait accusé le Hamas, dont le chef, Ismail Haniyeh, était justement en visite au Liban, il est probable que le Hezbollah, le puissant groupe chiite qui aide le principal ennemi d’Israël, l’Iran, à projeter sa puissance dans toute la région, a dû donner son autorisation.
« Ce n’est pas le Hezbollah qui tire , mais il est difficile de croire que le Hezbollah n’était pas au courant », a estimé Tamir Hayman, ancien chef des renseignements militaires israéliens, sur Twitter.
Jeudi, avant que les roquettes ne soient lancées, un haut responsable du Hezbollah, Hachem Safieddine, a mis en garde : toute atteinte à Al-Aqsa « enflammerait toute la région ».
La Force intérimaire des Nations unies (Finul), la mission de maintien de la paix de l’ONU déployée dans le sud du Liban, a pris contact avec les autorités israéliennes et libanaises, et a appelé « toutes les parties à cesser toutes leurs actions ». « Les deux parties ont dit qu’elles ne voulaient pas de guerre », a assuré la Finul dans un communiqué. Mais les deux ont prévenu aussi que la situation risquait de s’envenimer. Ainsi l’armée israélienne « n’autorisera pas l’organisation terroriste Hamas à opérer à partir du Liban et elle tient l’État libanais pour responsable de tout tir dirigé [vers Israël] à partir de son territoire », a réagi l’armée.
« Explosion pour explosion »
Le Hamas a dit tenir Israël pour « responsable » de l’escalade et a appelé « toutes les factions palestiniennes à l’unité pour (l’)affronter ». « A chaque explosion répondra une explosion (…) et toute attaque contre Al-Aqsa ou les fidèles [musulmans] trouvera une réponse », a renchéri le Djihad islamique.
Israël et le Liban restent techniquement en état de guerre après différents conflits. La ligne de cessez-le-feu est contrôlée par la Finul. Le ministère libanais des Affaires étrangères a assuré que le Liban voulait préserver « le calme et la stabilité » dans le Sud. Il a appelé la communauté internationale à « faire pression sur Israël pour arrêter l’escalade ».
Le département d’État américain a condamné les tirs de roquettes depuis le Liban et les frappes précédentes depuis Gaza, et a déclaré qu’Israël avait le droit de se défendre. Mais il a également exprimé son inquiétude face aux scènes qui se sont déroulées dans la mosquée Al-Aqsa.
La mosquée Al-Aqsa se trouve dans la vieille ville de Jérusalem sur l’esplanade des mosquées, ou mont du Temple pour les juifs. Elle fait face au Dôme du rocher. Le mont du Temple est le premier lieu saint du judaïsme. La vaste enceinte en pierres est bordée, près d’Al-Aqsa, par le Mur des lamentations, autre lieu sacré du judaïsme. Cette inextricabilité rend l’endroit particulièrement inflammable, dans un pays où la foi se renforce. En 2000, la venue du Premier ministre israélien Ariel Sharon sur l’esplanade avait déclenché la Seconde Intifada, qui, de 2000 à 2005, a causé la mort de près de 4 200 personnes.