Au Sénégal, le partage de mets entre personnes de différentes confessions à l’occasion des fêtes religieuses est l’une des manifestations du bon vivre ensemble. Pour perpétuer cette « tradition sénégalaise », les Chrétiens distribuent, chaque année, le Ngalakh à leurs amis et voisins musulmans. Cependant, cette année, cette particularité conservée depuis des générations risque de subir les coups de la rareté de certains produits et la hausse vertigineuse des prix sur le marché.
Ce week-end, la communauté chrétienne célèbre la fête de Pâques. Cette année, dans des quartiers de la capitale sénégalaise, la préparation du Ngalakh (plat à base de mil, pâte d’arachide, sucre et pain de singe), rime avec beaucoup de difficultés. Pour cause, la cherté des produits. Trouvée dans sa maison située à la Gueule-tapée, Madeleine qui vient juste de revenir du marché, raconte les difficultés liées à la préparation du Ngalakh cette année. « Tout est cher actuellement au marché. Avec ces prix-là, nous sommes dans l’obligation de diminuer drastiquement la quantité (de Ngalakh) par rapport aux années précédentes », lance la quinquagénaire.Dans le même quartier, à quelques encablures, se situe la maison des Thiaré. Pour cette famille chrétienne, l’idée de renoncer exceptionnellement pour cette année, à la préparation du Ngalakh n’est pas exclue. « Il est impensable que nous préparions le Ngalakh sans partager avec nos voisins musulmans, comme nous le faisons chaque année. Et comme vous le constatez, avec les prix qui ont grimpé, on ne pourra malheureusement pas préparer une grande quantité », déclare Angel, l’ainée de la famille.
Si la flambée des prix du mil, du sucre, du pain de singe ou encore de la pâte d’arachide oblige certaines familles à renoncer à la préparation du Ngalakh, ou en préparer que pour la consommation familiale, d’autres décident de perpétuer la « tradition », malgré les immenses difficultés. Au quartier Fass, nous sommes chez la famille des Gomis. Ici, tout est fin prêt pour la préparation du mets prisé. Cependant, ça n’a pas été sans difficultés pécuniaires. « Pour la pâte d’arachide, le seau de 20Kgs qu’on achetait à 13 000FCFA, coûte aujourd’hui entre 25 000FCFA et 30 000CFA. Quant au mil, le kilogramme est maintenant entre 600 et 700, alors que les années précédentes, il variait entre 300 et 350 FCFA. Financièrement c’est compliqué pour nous. Mais il faut savoir qu’au-delà d’une simple nourriture, le Ngalakh est chez nous, un symbole de la « fraternité inter-religieuse », affirme Mélanie, le sourire aux lèvres.
LE SUCRE ET LE PAIN DE SINGE SONT INTROUVABLES
En plus de la cherté des ingrédients, l’autre problème qui impacte la préparation du Ngalakh pour cette année reste la rareté de certains produits, principalement le sucre et le pain de singe. Jointe au téléphone, Louise, résidente de Yeumbeul dans la banlieue dakaroise se plaint de la situation. « Le sucre et le pain de singe sont introuvables. J’étais partie au marché pour avoir du pain de singe, mais celui que j’y ai trouvé est de très mauvaise qualité. Je suis obligée de rentrer bredouille », déclare-t-elle. Avant de continuer : « avec la situation actuelle du des prix, nombreux sont ceux qui ne pourront pas respecter la tradition cette année-ci. »
Nombreux sont ceux-là qui avaient vu cette situation venir. Interpelées à maintes reprises par les consommateurs, les autorités sénégalaises avaient récemment annoncé l’autorisation à titre exceptionnel, de la mise dans le marché, de 20 000 tonnes de sucre en poudre. Cependant, selon les consommateurs, la situation reste jusqu’ici inchangée.