Malgré le cessez-le-feu conclu sous l’égide des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite, l’armée et les Forces de soutien rapide poursuivent leurs combats dans la capitale, Khartoum, ainsi que dans la région du Darfour.
Cette prolongation va-t-elle être suivie d’effets ? Quelques heures avant l’expiration, jeudi à minuit (23 heures en France métropolitaine), d’un cessez-le-feu de trois jours qui n’a quasi pas été respecté, l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR) ont annoncé avoir approuvé l’extension de la trêve pour soixante-douze heures à la « suite d’une initiative de l’Arabie saoudite et des Etats-Unis ».
Dans un communiqué commun diffusé à Washington, les membres du « Quad » sur le Soudan (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Royaume-Uni et Etats-Unis), ainsi que l’Union africaine et l’ONU, ont jugé « bienvenue » cette prolongation et appelé à « sa pleine mise en œuvre » et « à un accès humanitaire sans entrave ». Ce cessez-le-feu, commencé mardi, a permis l’évacuation de milliers d’étrangers et de Soudanais mais n’a pas empêché Khartoum, la capitale, d’être pilonnée en continu.
« On a trop peur de sortir »
Jeudi, les combats étaient particulièrement violents dans Khartoum. « J’entends des bombardements intenses à l’extérieur de chez moi », a rapporté jeudi soir à l’Agence France-Presse (AFP) un habitant de la capitale.
Les violences déchirent depuis le début du conflit d’autres régions, notamment le Darfour occidental. Pillages, meurtres et incendies de maisons ont lieu à Al-Geneina, chef-lieu de cette région frontalière du Tchad et théâtre, dans les années 2000, d’une guerre particulièrement sanglante. Quelque 50 000 enfants « souffrant de malnutrition aiguë » y sont privés d’aide alimentaire, alertent les Nations unies, qui ont dû interrompre leurs activités après la mort de cinq humanitaires.
« Hôpitaux, bâtiments publics et centres de soin ont été sévèrement endommagés et il y a des pillages à chaque coin de rue, confie à l’AFP un habitant d’Al-Geneina. « On est bloqués chez nous, on a trop peur de sortir donc on ne connaît pas l’ampleur exacte des destructions. » Peu d’informations filtrent mais des médecins prodémocratie ont déjà annoncé la mort d’un de leurs confrères dans ces violences.
L’ONU fait état depuis plusieurs jours « d’attaques contre les civils, de pillages et d’incendies de maisons », alors que « des armes sont distribuées » à des civils. « La violence, l’interruption du fonctionnement de nombreux hôpitaux et dispensaires, l’accès limité à l’eau potable, les pénuries alimentaires et le déplacement forcé des populations » constituent « les plus grands risques pour la santé au Soudan », alerte, de son côté, l’Organisation mondiale pour la santé.
Exode vers les pays frontaliers
Les combats ont provoqué un exode dans ce pays de 45 millions d’habitants, l’un des plus pauvres au monde. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont déjà arrivées dans les pays frontaliers, notamment en Egypte, au nord, et en Ethiopie, à l’est, selon l’ONU. Et quelque 270 000 personnes pourraient fuir au Tchad et au Soudan du Sud. Le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a appelé les pays voisins et la communauté internationale à aider les personnes fuyant les combats, exhortant les belligérants à « convenir immédiatement d’un cessez-le-feu permanent pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire aux Soudanais dans le besoin ».
Ces derniers jours, plusieurs pays ont organisé des évacuations. Plus de 200 Irakiens ont atterri jeudi à Bagdad, évacués à bord de deux avions envoyés par le gouvernement irakien. Mercredi, la marine française a encore évacué près de 400 personnes de différentes nationalités, alors que la Chine a dépêché des navires et a déjà secouru 1 300 de ses ressortissants et des citoyens de cinq autres pays, a annoncé jeudi le ministère des affaires étrangères chinois.
Un nouveau navire saoudien est arrivé en soirée dans la ville portuaire de Djedda, dans l’ouest du royaume, portant à 2 744 le nombre de personnes évacuées par Riyad. Le Canada a annoncé avoir procédé à l’évacuation de 118 ressortissants canadiens et d’autres pays.
Pénurie d’eau et de nourriture
Ceux restés au Soudan dans les zones de combat doivent composer avec les pénuries de nourriture, d’eau et d’électricité, ainsi que les coupures d’Internet et des lignes téléphoniques. Le coordinateur humanitaire par intérim des Nations unies au Soudan, Abou Dieng, s’est dit « extrêmement inquiet quant à l’approvisionnement en nourriture », appelant à « agir collectivement ».
Jusqu’ici, quatorze hôpitaux ont été bombardés, selon le syndicat des médecins, et dix-neuf autres ont été abandonnés de force à cause de tirs, de manque de matériel et de personnel ou parce que des combattants y avaient pris leurs quartiers. Dans le chaos général, des centaines de détenus se sont évadés de trois prisons, en particulier l’établissement de haute sécurité de Kober, qui accueillait le premier cercle de l’ancien dictateur Omar Al-Bachir, poursuivi par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour.