Quelques semaines après leurs confrontations tendues avec des éléments de la Gendarmerie, au cœur d’un litige foncier, entrainant beaucoup de blessés, de dégâts matériels et de nombreuses arrestations, les populations du village de Ngor se sont adressées à la presse, samedi 6 mai 2023, pour «éclairer» la lanterne de l’opinion sur la genèse de ce conflit.
«La Gendarmerie qui s’est installée à Ngor, avait requis un site auprès de la mairie de Ngor. Et, à l’époque, cette dernière n’avait que le Centre culturel à nous proposer puisqu’il s’agit d’une installation temporaire. Ainsi, la Gendarmerie s’installa dans une partie du Centre socioculturel. Et, ce qui était une question provisoire, allait devenir un long compagnonnage de dix-sept (17) ans.»
C’est Ousseynou Bèye, alias Baye Bass, membre du comité scientifique de Ngor Débout, qui retrace ainsi l’origine du conflit foncier qui oppose les populations de ce village, de la commune du même nom de Dakar, à la Gendarmerie nationale
Toutefois, renseigne-t-il, avec les changements climatiques et les nombreuses constructions dans la zone de la station, «la brigade de Gendarmerie, tout comme la mairie et les maisons environnantes sont confrontées à des problèmes de d’inondations en période d’hivernage», a-t-il souligné.
C’est ainsi que, expliquera Baye Bass, «le 1er mars 2023, la Gendarmerie a pris, sur elle, la décision de quitter Ngor, disant qu’elle ne peut plus rester dans cette zone et qu’on doit lui trouver un autre site».
Mais, a-t-il poursuivi, «le jeudi 2 mars, le lendemain du départ constaté des gendarmes, nos autorités administratives, coutumières et religieuses, en délégation conduite par le maire de Ngor, sont allées rencontrer le Général Moussa Fall, pour lui faire part de la nécessité pour Ngor d’avoir une brigade, face à la poussée du banditisme et de la délinquance juvénile…»
Ainsi, «à la fin de l’audience, nos autorités sont sorties réconfortées, puisque le Général Fall les a assurés que ses hommes partent à Ouakam, certes, mais ils seront également présents (à Ngor, ndlr), avec des patrouilles régulières. Et, mieux ils vont installer une brigade mobile au niveau du parking de Ngor, qui sera transformée, sous peu, en brigade provisoire, également à préciser, sous forme de conteneurs ; le temps de trouver notre site adéquat pour la construction d’une brigade en bonne et due forme», a indiqué le porte-parole des populations du village de Ngor.
Par la suite, «le lundi 6 mars, le gouverneur de Dakar convoqua les différentes parties prenantes, autorités de Ngor, de même que la Gendarmerie et ses services, des services du domaine et du cadastre et également de la DSCOS, pour essayer de trouver une solution. A la sortie de cette concertation également, il a été retenu de mettre en place une commission dirigée par le sous-préfet des Almadies. Elle sera chargée d’évaluer et d’inventorier, le foncier restant à Ngor, pour trouver un site pour la Gendarmerie», a-t-il ajouté.
Cependant, a-t-il fait constater, «le dimanche 16 avril, la Gendarmerie investit le parking, en y déposant des camions de sables, des bétons, du fer, sans que les autorités administratives et coutumières soient informées. Le lundi 17 avril, à 23 heures passées, la Gendarmerie revient décharger des tonnes de ciments.»
C’est alors que «le mardi 18 avril, le maire de Ngor, accompagné des autorités coutumières, le Jaraf etc. sont allés au parking pour s’enquérir de la situation et en même temps demander pourquoi le démarrage des travaux et quelle en est l’urgence. Et pour toute réponse, ils ont été bousculés, réprimandés et finalement gazés par des tirs de grenades lacrymogènes», regrette ce membre du comité scientifique de Ngor Débout.
Selon lui, «c’est, ce sentiment de mépris et de discrimination à l’égard de la communauté ngoroise, mais aussi le fait de toucher à ce lieu symbolique qui est l’entrée de Ngor, où la mairie a prévu d’installer un lycée, ce sont ces actes qui constituent la goutte d’eau de trop, qui ont fini par exaspérer les populations et qui sont le nid de ces manifestations spontanées.» Il faut noter que depuis l’éclatement de cette affaire, les autorités administratives, coutumières et religieuses ne sont pas restées les bras croisés.
Ainsi, à en croire M. Bèye, «plusieurs rencontres ont été initiées avec le Premier ministre, le gouverneur de la région de Dakar… Toutes ces rencontres n’avaient qu’un seul but, informer, sensibiliser les autorités sur l’affaire et dérouler, en même temps, un plaidoyer pour que le parking soit restitué aux ngorois»
Et la population de Ngor de dire, à l’endroit du chef de l’Etat, «(…) Nous lui demandons d’apporter une réponse diligente à cette affaire et en même de satisfaire les demandes des populations de Ngor.»
Aussi, demande-t-elle «au chef de l’État d’ordonner l’arrêt des travaux sur le site pour ramener le climat de paix et de sérénité afin que les autorités puissent poursuivre le dialogue et les discussions. Au chef de l’État, également, lui demandons la libération de nos jeunes frères détenus, surtout ceux qui ont besoin d’un suivi médical régulier.»
Enfin, à l’endroit de ses jeunesses, le village de Ngor lance un appel à la paix et la sérénité. «Nous profitons de cette occasion pour lancer un appel solennel aux jeunes ngorois. Nous les appelons au calme et à la sérénité, mais aussi à ne répondre à aucune provocation de la Gendarmerie. Nous leur demandons aussi de rester à l’écoute de nos autorités, qui sont toujours en contact avec celles étatiques, pour trouver une solution apaisée», invite-t-on.
Il faut rappeler que l’éclatement de cette affaire a entrainé d’énormes conséquences dont l’arrestation de plusieurs jeunes, toujours en prison, la mise à feu de maisons et beaucoup de dégâts matériels.
source:leral