Deux policiers tunisiens et deux pèlerins juifs, dont un Français, ont été tués, mardi soir, près de la synagogue de la Ghriba, à Djerba en Tunisie, avant que l’auteur des faits, un gendarme tunisien, ne soit abattu. Au moins neuf blessés sont à déplorer. Les investigations se poursuivent, alors que la France et les États-Unis se sont exprimés.
Deux gendarmes en fonction, et deux fidèles, dont un Français, qui participaient à un pèlerinage juif dans la synagogue de la Ghriba, sur l’île tunisienne de Djerba (est), ont été tués mardi 9 mai 2023 au soir dans une attaque menée par un gendarme qui a ensuite été abattu, a annoncé le ministère tunisien de l’Intérieur.
L’assaillant était un garde travaillant sur l’une des installations navales de Djerba, toujours selon un communiqué du ministère tunisien de l’Intérieur, qui précise que l’homme avait tiré sur l’un de ses collègues avant de se saisir de ses munitions et de se diriger vers la synagogue.
Une attaque en deux temps
Après avoir tué l’un de ses collègues par balle et s’être emparé de ses munitions, l’homme s’est rendu aux abords de la synagogue où il a ouvert le feu sur les forces de l’ordre assurant la sécurité du lieu, tuant l’un d’eux et en blessant cinq avant d’être abattu.
Deux « visiteurs » de la synagogue ont été tués par les tirs de l’assaillant, et quatre autres ont été blessés et évacués vers un hôpital, a ajouté le ministère. Cinq gendarmes ont été blessés par les tirs.
Une synagogue déjà visée par une attaque en 2002
Cette synagogue, la plus ancienne d’Afrique, avait déjà été visée en 2002 par un attentat-suicide au camion piégé qui avait fait 21 morts. Mardi soir, les tirs entendus depuis la synagogue, ont provoqué un mouvement de panique parmi les centaines de fidèles participant au pèlerinage juif annuel, selon les médias.
D’après les organisateurs, plus de 5 000 pèlerins juifs, essentiellement venus de l’étranger, ont participé cette année au pèlerinage de la Ghriba qui a repris l’année dernière après deux ans d’interruption en raison de la pandémie de Covid-19.
Organisé au 33e jour de la Pâque juive, le pèlerinage de la Ghriba est au cœur des traditions des Tunisiens de confession juive, qui ne sont plus que 1 500, majoritairement installés à Djerba, contre 100 000 avant l’indépendance en 1956.
Des pèlerins viennent aussi traditionnellement de pays européens, des États-Unis ou encore d’Israël, mais leur nombre a considérablement diminué après l’attentat de 2002.
La France condamne « avec la plus grande fermeté »
L’ambassade de France à Tunis a annoncé avoir ouvert « une cellule de crise » et mis en place un numéro d’urgence à la suite de l’attaque. « Les investigations se poursuivent pour élucider les motifs de cette agression lâche », a précisé le ministère de l’Intérieur français, se gardant à ce stade d’évoquer une attaque terroriste.
Dans un communiqué, le Quai d’Orsay « condamne avec la plus grande fermeté cet acte odieux, perpétré pendant un pèlerinage annuel juif, et qui fait douloureusement écho à l’attentat-suicide qui avait fait 21 morts dans cette même synagogue en 2002 ». La diplomatie française exprime sa « solidarité avec le peuple tunisien et les autorités tunisiennes. Notre ambassade et nos services sont mobilisés pour apporter leur soutien à la famille de notre compatriote et à nos concitoyens affectés par cette attaque. »
Sur Twitter, le porte-parole du département d’État des États-Unis, Matthew Miller ,s’est exprimé : « Les États-Unis déplorent l’attaque perpétrée en Tunisie, qui coïncide avec le pèlerinage juif annuel attirant à la synagogue de la Ghriba des fidèles du monde entier. Nous exprimons nos condoléances au peuple tunisien et saluons l’action rapide des forces de sécurité tunisiennes. »
Des responsables présents à la cérémonie d’ouverture du pèlerinage
En début de soirée, mardi 9 mai, l’ambassade des États-Unis en Tunisie a annoncé sur Twitter que des responsables, dont Joey Hood, ambassadeur des États-Unis en Tunisie, et Deborah Lipstadt, envoyée spéciale pour surveiller et combattre l’antisémitisme, ainsi que de hauts responsables tunisiens, ont assisté à la cérémonie d’ouverture du pèlerinage à la synagogue.
Dans un contexte de reprise du tourisme
L’attaque survient alors que le tourisme enregistre une forte reprise en Tunisie après un net ralentissement pendant la pandémie et des années compliquées par l’instabilité qui a suivi la révolution en 2011. Avec notamment l’essor de groupes djihadistes, bien que les autorités affirment avoir obtenu des progrès significatifs ces dernières années. Ce secteur clef pour l’économie tunisienne avait été gravement affecté après les attentats de 2015 contre le musée du Bardo à Tunis et un hôtel de Sousse, dont le bilan s’était élevé à 60 morts dont 59 touristes étrangers.
Le pays traverse également une grave crise financière qui a empiré depuis que le président Kais Saied s’est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021, faisant vaciller la démocratie née de la première révolte du Printemps arabe en 2011.