Une balise GPS a permis de suivre, pendant un an, l’impressionnant périple d’une Sterne caugek à travers le globe.
- Des scientifiques ont suivi l’impressionnant périple à travers le globe, pendant un an, d’une Sterne caugek, une cousine de la mouette, de Sète jusqu’en Afrique.
- En moins d’un an, cet oiseau côtier aura parcouru plus de 10.000 km, avant de revenir se reproduire sur le lido de Thau, à l’arrivée des beaux jours.
- Cette étude, menée, notamment, par le Conservatoire d’espaces naturels d’Occitanie et par le Muséum d’histoire naturelle de Paris, a un formidable intérêt pour la science, mais aussi pour l’éducation aux enjeux de la biodiversité.
Non, les mouettes ne restent pas là, à tournoyer au-dessus des plages de l’Hérault, louchant sur le pique-nique des baigneurs. Certains laridés, le nom de ces oiseaux côtiers qui hurlent sur nos têtes, sont d’incroyables globe-trotteurs. C’est le cas de la Sterne caugek, un oiseau aux ailes effilés et au bec allongé, cousine de la mouette et du goéland.
L’une d’elles a été équipée par des scientifiques, au printemps 2022, d’une balise GPS, à Sète (Hérault). Un an après, le Conservatoire d’espaces naturels(CEN) d’Occitanie, à l’initiative de cette enquête de haut vol, a dévoilé l’impressionnant périple de cet oiseau.
La Sterne caugek est un oiseau (très) migrateur
Car si cette étude scientifique avait, à l’origine, pour but d’observer l’éventuel impact des éoliennes, installées au large de la Méditerranée, sur le comportement de ces oiseaux, notamment sur leur recherche de nourriture et leur reproduction, les données ont, aussi, permis de constater à quel point la Sterne caugek est un oiseau (très) migrateur. « Les lieux d’hivernage des sternes méditerranéennes sont connus grâce à quelques opérations de baguage des poussins, mais tout reste à découvrir sur la dynamique de migration de ces oiseaux », explique le CEN d’Occitanie. Mais le simple baguage des volatiles ne permet pas de connaître avec précision leur périple. « Si on parvient à retrouver ces oiseaux, on sait, simplement, qu’ils se sont déplacés d’un point à un autre, explique à 20 Minutes Olivier Scher, qui a mené ce projet au CEN d’Occitanie. On ne sait jamais ce qui se passe entre les sites où ils sont observés. » Désormais, grâce à la miniaturisation des pièces électroniques et à leur résistance aux aléas, une balise GPS a pu être posée sur un oiseau. Et ça, ça chante tout. Désormais, on ne loupe plus rien de sa migration.
Attachez vos ceintures, voici les détails de l’incroyable voyage de ce volatile marin. Après l’échec de sa nichée, le 12 juin, l’oiseau a d’abord visité quelques colonies voisines, dans le coin, en Camargue. Ce n’est que le 24 juin qu’il a entamé un tour du monde : la Sterne caugek a rejoint les côtes italiennes, visitant Pise, puis Naples, avant de rejoindre la Mer Adriatique, et les rivages du Parc national de Gargano. Le 26 août, elle a viré vers la côte napolitaine, où elle se l’est coulée douce jusqu’à la fin du mois d’octobre.
Un road trip vers le grand Sud, avant un retour à Sète
La balise GPS l’a suivie, ensuite, en France, avant un road trip vers le Sud : Gibraltar, Agadir et le Parc national de Khenifiss, au Maroc, jusqu’au 6 décembre, avant une pause à la frontière entre le Sahara occidental et la Mauritanie. C’est là que cet oiseau a passé l’hiver, au chaud, jusqu’au 25 avril. Avant de rejoindre l’Europe, en passant par le détroit de Gibraltar, le 1er mai, et, enfin, de retrouver sa patrie, son îlot de reproduction, à Sète, le 5 mai. En un an, cette Sterne caugek aura volé plus de 10.000 km. « Ce qui m’a surpris, ce sont les distances parcourues, et les allers-retours, confie Olivier Scher. On ne se rend pas compte des trajets que ces espèces sont capables de faire, dans une journée. »
Pour la science, ces détails ont un formidable intérêt. « Ce qui est intéressant, c’est que l’on connaît son trajet précis, on sait par où elle est passée, où elle a séjourné, à quelles dates, à quelle vitesse, etc. », explique à 20 Minutes Frédéric Jiguet, professeur au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, et directeur adjoint du Centre de recherches sur la biologie des populations d’oiseaux (CRBPO), qui a mené cet étonnant projet.
Un intérêt pour l’éducation aux enjeux de la biodiversité
Mais ces résultats passionnants sont, aussi, un moyen idéal pour communiquer sur les enjeux de la biodiversité. « J’ai, par exemple, utilisé ces données pour un projet pédagogique entre une classe en France et une classe au Sénégal, poursuit le professeur, spécialiste des oiseaux. Ces histoires sont importantes car elles permettent de constater à quel point nous partageons beaucoup de choses, d’un point à l’autre du globe, en matière de vie animale et de biodiversité, en général. Lorsque l’on installe des éoliennes dans le Golfe du Lion, cela n’impacte pas seulement la Sterne dans le Golfe du Lion. »
Parfois, cette espèce côtière pousse un peu plus loin, encore, ses voyages à travers le monde. « Un oiseau de la même colonie, à Sète, que l’on avait bagué, a été aperçu, cet hiver, en Afrique du Sud », confie Frédéric Jiguet. Avant de retrouver ses copains, à l’arrivée des beaux jours, sur le lido de Thau. Ici, à Sète, 3.000 à 3.500 couples, soit 80 % de la population méditerranéenne des Sternes caugek, se reproduisent, chaque année.