L’armée sud-coréenne a publié des images d’une partie d’un objet tombé en mer Jaune peu après son lancement par Pyongyang mercredi, en raison d’une défaillance de la fusée qui le transportait. Le tir a provoqué une alerte au missile au Japon et un ordre d’évacuation à Séoul.
Pyongyang ne voyait sûrement pas les choses se dérouler de cette façon. La Corée du Nord a annoncé, mercredi 31 mai, avoir tenté de lancer un « satellite de reconnaissance militaire » qui a finalement terminé sa course en mer, au large de la Corée du Sud.
« La nouvelle fusée de transport de satellites Chollima-1 s’est abîmée dans la mer de l’Ouest », le nom coréen de la mer Jaune, a précisé l’agence d’Etat KCNA, citant l’Administration nationale du développement aérospatial de Corée du Nord, et expliquant que le projectile avait « perdu son élan en raison d’un démarrage anormal du moteur à deux étages, après la séparation du premier étage pendant un vol normal ».
Cet échec est dû « au manque de fiabilité et de stabilité du système de moteur de type nouveau appliqué à la fusée porteuse Chollima-1 et au caractère instable du carburant utilisé », a-t-elle ajouté. L’administration a fait savoir « qu’elle enquêterait de manière approfondie sur les graves défauts révélés lors du lancement du satellite, qu’elle prendrait des mesures scientifiques et technologiques urgentes pour les surmonter et qu’elle effectuerait le deuxième lancement dès que possible en procédant à divers essais partiels », a poursuivi KCNA.
Le projectile a « rapidement disparu des radars avant d’atteindre son point de chute attendu », selon l’armée sud-coréenne. Cette dernière a publié des images des débris du satellite et de son lanceur qu’elle a annoncé avoir repêché en mer Jaune, à 200 kilomètres de l’île d’Eocheong, loin au large de la côte occidentale de la péninsule. Ces images montrent une grande structure métallique en forme de cylindre avec quelques tuyaux et des fils à son extrémité.
Confusion
Le tir nord-coréen, survenu tôt mercredi, a semé la confusion au Japon et à Séoul. Les sirènes ont retenti, assorties d’une alerte d’« urgence critique » envoyée par la mairie de la capitale sud-coréenne à 6 h 41 locales (23 h 41, mardi soir à Paris) accompagnée d’une sonnerie tonitruante sur tous les téléphones mobiles de la ville. L’alerte, qui exhortait les habitants à se préparer pour une évacuation en faisant passer les « enfants et les personnes âgées d’abord », a ensuite été annulée, le ministère de l’intérieur invoquant une erreur. Selon l’armée sud-coréenne citée par Yonhap, la fusée n’a jamais menacé la zone métropolitaine de Séoul.
Une alerte au missile avait également été émise dans le département japonais d’Okinawa (Sud), appelant la population à se mettre à l’abri. Elle a également été levée par le gouvernement, trente minutes plus tard.
Les Etats-Unis ont condamné ce lancement qui utilise « la technologie des missiles balistiques » et « risque de déstabiliser la situation sécuritaire dans la région et au-delà », a estimé Adam Hodge, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain. « Nous ne fermons pas la porte à la diplomatie, mais Pyongyang doit immédiatement cesser ses provocations et opter pour le dialogue », a précisé Adam Hodge, appelant « tous les pays » à condamner ce lancement.
La Corée du Nord avait annoncé, mardi, qu’elle allait mettre en orbite un satellite espion afin de « faire face aux actions militaires dangereuses des Etats-Unis et de leurs vassaux ». Bien qu’il ne communique pas à l’avance sur ses essais de missiles, le régime informe généralement sur ses programmes spatiaux présentés comme pacifiques, et avait prévenu que ce lancement interviendrait entre le 31 mai et le 11 juin.
Essai dissimulé
Le Japon soupçonnait, lui, cet essai d’être un tir de missile déguisé, ordonnant d’abattre tout projectile dont la chute sur son territoire serait confirmée. Tokyo a condamné « fermement » mercredi le tir et dénoncé une violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Sitôt annoncé par Pyongyang, le projet de lancement de satellite avait été immédiatement condamné par Tokyo et Séoul, qui ont invoqué eux aussi les sanctions des Nations unies. Ces sanctions interdisent à la Corée du Nord de lancer des missiles balistiques, qui reposent sur la même technologie que les lanceurs spatiaux. « Si la Corée du Nord procède effectivement à ce lancement, elle devra en payer le prix et supporter la souffrance qu’elle mérite », avait lancé le ministère des affaires étrangères sud-coréen.
En 2012 et 2016, la Corée du Nord avait réalisé des tests de missiles balistiques en les qualifiant de lancements de satellites. Les deux projectiles avaient survolé la région d’Okinawa.
Selon des spécialistes, la Corée du Nord ne dispose d’aucun satellite en fonctionnement, bien qu’elle en ait envoyé cinq vers l’espace. Trois lancements ont échoué. Quant aux deux autres appareils, qui ont vraisemblablement été mis en orbite, aucun organisme indépendant n’a jamais capté leurs signaux, laissant penser à un dysfonctionnement. Critiquant les récentes manœuvres militaires entre Washington et Séoul, un haut responsable nord-coréen avait déclaré mardi que son pays ressentait « le besoin de développer ses moyens de reconnaissance et d’information ainsi que d’améliorer diverses armes défensives et offensives ».
Depuis une escalade des tensions en 2019 avec sa voisine, la Corée du Nord a accéléré son développement militaire et s’est déclaré puissance nucléaire « irréversible » par le biais de son leader, Kim Jong-un. Ce dernier a appelé à l’augmentation « exponentielle » de l’arsenal nord-coréen, y compris en armes nucléaires tactiques.