Le Liban est sans président depuis sept mois, mais aucun des deux candidats en lice ce mercredi n’aurait le nombre de voix suffisant.
Le parlement libanais se réunit ce mercredi 14 juin pour tenter d’élire un président, sans grand espoir, aucun des deux candidats en lice, un ancien ministre soutenu par le puissant Hezbollah pro-iranien et son adversaire, un économiste, ne disposant des voix suffisantes.
Le Liban, en plein effondrement économique, est sans président depuis plus de sept mois. Le pays est dirigé par un gouvernement démissionnaire depuis la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre 2022.
«Très improbable»
Les divergences entre les deux camps se sont récemment aggravées. Plusieurs blocs parlementaires ont annoncé appuyer la candidature d’un responsable du Fonds monétaire international (FMI), Jihad Azour, face à l’ancien ministre Sleimane Frangié, soutenu par le Hezbollah chiite. «Il est très improbable que cette session aboutisse à l’élection d’un président. Tout comme les précédentes, elle sera un moyen pour les forces politiques de mesurer leur poids électoral», explique à l’AFP l’analyste Karim Bitar.
«Si Jihad Azour parvient à obtenir plus de 60 voix, cela constituerait», selon lui, «le plus grand revers de fortune pour le Hezbollah», qui domine la vie politique du Liban et dispose d’un puissant bras armé. Pour Karim Bitar, «ce serait la première fois qu’on verrait une opposition (…) dépassant les clivages communautaires à l’hégémonie du Hezbollah», et cela conduirait à «redéfinir l’équilibre du pouvoir au Liban».
Le Parlement, où aucun des deux camps ne détient une claire majorité, a déjà tenu 11 sessions sans succès. Tout candidat a besoin de 86 voix sur un total de 128 députés, soit une majorité des deux tiers, pour être élu au premier tour, ce que ni Jihad Azour ni son adversaire ne peuvent réunir. Au deuxième tour, 65 voix, soit la majorité absolue, sont suffisantes. Mais les députés du Hezbollah et de ses alliés devraient empêcher la tenue d’un deuxième tour en sortant de la salle pour empêcher le quorum, comme lors des sessions précédentes.
«Confrontation» et «défi»
Jihad Azour, qui a suspendu sa mission au FMI pour mener sa campagne, a affirmé ce lundi qu’il voulait «contribuer à une solution et ne pas être un facteur de crise». Ancien ministre des Finances (2005-2008), il a assuré que sa candidature ne constituait «un défi pour personne», en réponse au Hezbollah qui l’a qualifié de candidat «de confrontation» et de «défi». Un premier candidat soutenu par les adversaires du Hezbollah, le député Michel Moawad, avait déjà été qualifié de tel par la formation chiite, avant de se retirer la semaine dernière au profit de Jihad Azour.
Sleimane Frangié, dont le grand-père a été président du Liban, a promis dimanche d’être «le président de tous les Libanais», malgré son alliance avec le Hezbollah et l’amitié qui le lie au président syrien Bachar al-Assad. En vertu du système confessionnel de partage du pouvoir, la présidence du Liban est réservée à un chrétien maronite.
Le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, a estimé ce lundi que ceux qui soutiennent Jihad Azour «ne veulent pas le faire parvenir à la présidence, mais l’utilisent pour barrer la route» à Sleimane Frangié. Face à ce blocage et «en l’absence d’une pression internationale importante», le plus probable est que le pays entre dans une «période de vacance prolongée» qui pourrait durer plusieurs mois, estime Karim Bitar. Lors de la dernière élection présidentielle, le camp du Hezbollah avait paralysé l’action du Parlement pendant plus de deux ans pour imposer l’élection de Michel Aoun, son allié, en 2016. Par le passé, les députés attendaient souvent des directives de leurs différents «parrains» étrangers avant de voter.
Seul pays à s’impliquer réellement dans ce dossier, la France, ancienne puissance mandataire, doit dépêcher à Beyrouth l’ancien ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, nommé «envoyé personnel pour le Liban» du président Emmanuel Macron. Paris a appelé ce mardi les responsables libanais à «prendre au sérieux» la session parlementaire et «en faire l’occasion d’une sortie de crise». Pour Karim Bitar, l’impasse pourrait mener à «des négociations qui aboutiraient à une solution autour d’un troisième homme, et une élection décidée d’avance, comme la plupart des autres scrutins dans l’histoire du Liban».