Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme évoque « au moins » 16 personnes tuées, 350 blessées et plus de 500 arrêtées lors des trois jours de manifestations qui ont suivi la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko.
L’ONU s’est dite « profondément préoccupée », mardi 13 juin, par l’évolution de la situation des droits humains au Sénégal et par l’usage d’armes à feu par les forces de l’ordre, début juin, contre des manifestants accusés par Dakar de s’être livrés à du « terrorisme ». « L’utilisation d’armes à feu par les forces de sécurité lors de manifestations constitue un sombre précédent pour le Sénégal », souligne le Haut-Commissariat aux droits de l’homme dans un communiqué.
« Nous notons que les autorités ont ouvert des enquêtes et nous leur demandons de veiller à ce que celles-ci soient rapides, indépendantes et approfondies, et qu’elles amènent toute personne trouvée responsable d’un usage de la force injustifié ou disproportionné à rendre compte de ses actes, quels que soient son statut et son affiliation politique », souligne le Haut-Commissariat.
Le Sénégal a été en proie, du 1er au 3 juin, à ses pires troubles depuis des années, après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs. L’annonce de la condamnation a déclenché des violences qui ont fait 16 morts officiellement, 23 selon Amnesty International. Pour sa part, le Haut-Commissariat évoque « au moins » 16 personnes tuées, 350 blessées et plus de 500 arrêtées lors des trois jours de manifestations.
« Nous sommes également préoccupés par la poursuite des restrictions à la liberté d’expression et de réunion pacifique à la suite des manifestations », a encore insisté le Haut-Commissariat. Il évoque en particulier le cas de Walfadjiri TV, une chaîne privée qui couvrait les manifestations en direct et qui a été suspendue le 1er juin « sans justification légale claire et n’a toujours pas été rétablie à ce jour ». L’ONU rappelle également que les restrictions à l’accès à Internet, qui avaient été justifiées par le gouvernement pour mettre fin à « la diffusion des messages haineux et subversifs », « doivent être fondées sur une loi sans ambiguïté et accessible au public ».
« Semer la terreur »
Le ministère sénégalais des affaires étrangères a répliqué dans un communiqué que les événements de début juin étaient des « actes qui n’ont absolument rien à voir avec l’exercice des droits d’expression et de manifestation ». « Nous avons plutôt assisté à des agressions extrêmement graves contre l’Etat, la République et ses institutions et la nation sénégalaise à travers des violences humaines, le saccage de biens publics et privés et des cyberattaques contre des sites stratégiques du gouvernement et des services publics vitaux », dit le communiqué.
Pour Dakar, « l’objectif [de ces violences] était, sans aucun doute, de semer la terreur et de mettre notre pays à l’arrêt ». « Face à ce terrorisme, il convient de réaffirmer l’impérieuse nécessité de protéger notre République », selon ce communiqué. Le 8 juin, le gouvernement a présenté au corps diplomatique à Dakar un livret contenant sa version des événements.
Dans un communiqué distinct, mardi, le ministère du tourisme a voulu informer « de la reprise normale des activités touristiques » dans le pays. « Le Sénégal reste une destination touristique sûre », ajoute le ministère du tourisme. La presse locale avait fait état d’annulations de séjours et de départs précipités de touristes.
Le président Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, entretient le flou sur sa volonté de briguer un troisième mandat en 2024. En l’état actuel, Ousmane Sonko, personnalité populaire dans la jeunesse et les milieux défavorisés, ne peut plus se présenter à la présidentielle. Il crie au complot destiné à l’éliminer politiquement.