La victoire du Parti populaire (PP) ne lui permettra pas de former une majorité à l’assemblée, ce qui pourrait permettre au premier ministre socialiste Pedro Sánchez de se maintenir au pouvoir.
La droite d’Alberto Núñez Feijóo(Parti populaire, PP) a gagné les élections, mais perdu son pari. Malgré ses 136 députés, 47 de plus qu’en 2019, Il ne pourra pas gouverner l’Espagne. Pas, en tout cas, en s’appuyant sur une majorité PP – Vox (extrême droite), qui à eux deux se situent six députés sous la barre de la majorité absolue, de 176 sièges. C’est là une immense surprise qui dément à peu près tous les sondages, à l’exception de ceux d’un institut public dont les conclusions, systématiquement favorables au Parti socialiste (PSOE) et éloignés des résultats électoraux, avaient fini par ôter toute crédibilité.
Arrivé deuxième, le chef du gouvernement sortant, le socialiste Pedro Sanchez (PSOE), lui, a gagné l’un de ses paris les plus osés : il a fait mentir tous les pronostics et évité qu’une majorité de droite et d’extrême droite ne l’expulse du Palais de la Moncloa. «Le bloc de la régression a échoué !», a-t-il proclamé devant le siège de son parti, pendant que ses partisans scandaient «¡No pasarán!», le cri antifasciste de la guerre civile. Sauf qu’avec ses 122 députés, deux de plus qu’il y a quatre ans, il ne parvient pas à la majorité lui non plus, ni en ajoutant les 31 élus de Sumar (gauche radicale), ni en s’appuyant en complément sur les mêmes partis qui ont ont voté son investiture en 2019 et soutenu son action depuis.
Le parti qui peut faire la différence est celui de l’ex-président indépendantiste catalan, Carles Puigdemont, parti vivre en Belgique pour éviter l’action de la justice espagnole. Junts obtient sept députés. Mais cette formation est installée dans une opposition systématique à toutes les institutions espagnoles, dont le gouvernement, même celui de Sánchez qui a gracié ses camarades politiques et réformé le Code pénal en leur faveur. La tête de liste aux élections a indiqué : «Nous n’investirons pas Pedro Sánchez sans contrepartie». Ce qui est toujours mieux qu’un «non» catégorique.
«Droite» à gouverner
La soirée de dimanche a évolué au rythme du dépouillement des voix, au départ favorable à la gauche jusqu’à parvenir sur le fil à cette situation de blocage arithmétique. Devant le siège du PP, la sono diffusait des musiques festives qui contrastaient avec l’apathie des militants, bien conscients de la probable stérilité de leur victoire, avant l’apparition de leur dirigeant.
Ces enjeux ont orienté les choix des électeurs rencontrés dans les bureaux de vote. Victoria dit avoir toujours voté PSOE. Cette fois-ci encore. «J’aurais pu voter pour Sumar, mais le risque d’un gouvernement incluant l’extrême droite est trop grand». À l’inverse, José Luis a voté PP. «Gauche ou droite, ça m’est égal, je suis apolitique, clame José Luis, 62 ans. Je veux de bons gestionnaires. Aujourd’hui les socialistes ont mal gouverné, j’ai donc voté pour le PP». Interrogé sur l’hypothèse d’une alliance avec Vox, il répondait «ne pas aimer les extrêmes, mais ne pas aimer non plus les majorités absolues. L’idéal serait pour moi que le PP et le PSOE se mettent d’accord, mais ça a l’air mal parti».
C’est probablement la seule solution qui permettrait à son chef de file de transformer sa victoire en billet pour la Moncloa. Alberto Núñez Feijoo, du balcon du siège de son parti, a annoncé ses intentions à ses électeurs : «J’assume la responsabilité d’entamer un dialogue pour former un gouvernement conformément à la volonté majoritaire des Espagnols. Je demande au parti qui a perdu les élections, au Parti socialiste, de ne pas bloquer le pays. Tous les vainqueurs des élections ont gouverné le pays. Je dois essayer».
Le PP a beau revendiquer son «droit» à gouverner parce qu’il est arrivé premier, la Constitution ne reconnait d’autre garantie de gouverner que celle de recevoir l’investiture de la moitié des députés. Et Pedro Sánchez est arrivé à la tête de son parti en se faisant connaitre comme l’homme du «non» à Mariano Rajoy, qui lui aussi avait remporté les élections sans pour autant obtenir de majorité.
L’Espagne se retrouve donc devant un nouveau dilemme. Soit PP et PSOE s’entendent, comme le prétend Feijoo, soit tous les partis en dehors de la droite et de l’extrême droite soutiennent Sánchez, soit l’Espagne bloquée s’oriente vers un retour aux urnes.