L’Union européenne UE a exprimé vendredi sa « profonde inquiétude » face à « la détérioration des conditions de détention » du président nigérien Mohamed Bazoum, et réclamé de nouveau sa libération « immédiate et sans condition ».
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a ordonné, jeudi 10 août, à l’issue de son sommet à Abuja, au Nigeria, « l’activation immédiate » de sa force d’intervention en vue de « restaurer l’ordre constitutionnel » après le coup d’Etat du 26 juillet au Niger.
Le président du Nigeria, Bola Tinubu, a souligné qu’aucune option n’avait été écartée pour assurer un retour rapide à l’ordre constitutionnel au Niger, notamment l’usage, en dernier recours, de la force. La Cedeao a toutefois ajouté qu’elle privilégiait une résolution pacifique de la crise et qu’aucune option qui permettrait de parvenir à ce résultat n’avait été écartée.
Plus tard dans la soirée, le président ivoirien, Alassane Ouattara, a répété que les chefs d’Etat ouest-africains avaient donné leur accord pour qu’une opération militaire « démarre dans les plus brefs délais » afin de rétablir l’ordre constitutionnel au Niger. Alassane Ouattara a précisé que la Côte d’Ivoire fournirait « un bataillon » de 850 à 1 100 hommes, aux côtés du Nigeria et du Bénin notamment, et que « d’autres pays » les rejoindront.
« Les putschistes peuvent décider de partir dès demain matin et il n’y aura pas d’intervention militaire, tout dépend d’eux », a-t-il martelé, en ajoutant : « Nous sommes déterminés à réinstaller le président Bazoum dans ses fonctions. »
L’UE s’alarme d’une « détérioration des conditions de détention » du président Bazoum
L’Union européenne (UE) a exprimé vendredi sa « profonde inquiétude » face à « la détérioration des conditions de détention » du président nigérien Mohamed Bazoum, et réclamé de nouveau sa libération « immédiate et sans condition ». Le président Bazoum et sa famille « seraient, selon les dernières informations, privés de nourriture, d’électricité et de soins depuis plusieurs jours (…) [Il] a consacré sa vie à oeuvrer pour améliorer le quotidien des Nigériens, rien ne permet de justifier un tel traitement », a affirmé sur X (ex-Twitter) le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell.
La France avait apporté, jeudi soir, « son plein soutien à l’ensemble des conclusions » de la Cedeao. Paris « réitère sa ferme condamnation de la tentative de putsch en cours au Niger, ainsi que de la séquestration du président Bazoum et de sa famille », ajoutait le Quai d’Orsay dans un bref communiqué.
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, avait également déclaré dans un communiqué que « les Etats-Unis apprécient la détermination de la Cedeao à explorer toutes les options pour une résolution pacifique de la crise ».
Tous les pays d’Afrique de l’Ouest ne sont pas hostiles au nouveau pouvoir nigérien : le Mali et le Burkina Faso voisins, eux aussi dirigés par des militaires, ont affiché leur solidarité avec Niamey. Ils ont même affirmé que si le pays était attaqué par la Cedeao, ce serait « une déclaration de guerre » pour eux. Mardi, ils ont adressé des lettres conjointes aux Nations unies (ONU) et à l’Union africaine (UA) en appelant à leur « responsabilité » pour empêcher « toute intervention militaire contre le Niger dont l’ampleur des conséquences sécuritaires et humanitaires serait imprévisible ».
Depuis le placement en résidence surveillée du président Mohamed Bazoum, le 26 juillet, la junte a rejeté plusieurs tentatives de médiation et ignoré un ultimatum de la Cedeao, qui a menacé d’intervenir militairement pour restaurer la démocratie, même si cette opération est toujours présentée comme un dernier recours.
« En réaffirmant notre engagement sans relâche envers la démocratie, les droits humains et le bien-être du peuple du Niger, il est crucial de donner la priorité aux négociations diplomatiques et au dialogue qui sont les piliers de notre approche », a rappelé, jeudi, le président Tinubu.
Mardi, une délégation conjointe de la Cedeao, de l’Union africaine et des Nations unies avait tenté de se rendre à Niamey. En vain, les militaires leur barrant la route en invoquant des raisons de « sécurité ».
Inquiétude sur le sort du président du Niger
Dans ses efforts pour rétablir le président Bazoum, la Cedeao peut compter sur le soutien des puissances occidentales, en premier lieu les Etats-Unis et la France, qui avaient fait du Niger un pivot de leur dispositif dans la lutte contre les djihadistes armés qui sèment la mort dans un Sahel déstabilisé.
Dans l’après-midi, des centaines de manifestants se sont rassemblés dans la capitale nigérienne pour scander des slogans hostiles à la France, aux Etats-Unis, considérés comme des « ennemis du Niger », avant de se disperser dans la soirée. Les nouveaux maîtres de Niamey considèrent la Cedeao comme une organisation « à la solde » de la France, ancienne puissance coloniale et alliée du président Bazoum.
Mahamane Roufai Laouali, présenté comme le secrétaire général du gouvernement, a annoncé la nomination d’un cabinet composé de 21 ministres. Des militaires ont été désignés aux postes de ministres de la défense et de l’intérieur. Ali Mahamane Lamine Zeine, nommé premier ministre, détient le portefeuille des finances.
Dans le même temps, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a exprimé son inquiétude sur les conditions de détention de Mohamed Bazoum et de sa famille, retenus dans la résidence présidentielle sans eau courante ni électricité et privés d’aliments frais depuis plusieurs jours. « Le secrétaire général (…) appelle une nouvelle fois à la libération immédiate et sans condition [de Mohamed Bazoum] et à son rétablissement dans ses fonctions de chef de l’Etat », a déclaré un porte-parole de l’ONU.
« Nous avons fait savoir aux dirigeants militaires que nous les tiendrons responsables de sa sécurité et de sa santé », a, de son côté, averti Antony Blinken.