Depuis son accession au pouvoir en 2012, le président de la République Macky Sall a mis en place des politiques économiques et sociales à travers le Pse. Le Professeur Meissa Babou, enseignant chercheur à l’Ucad, nous dresse un bilan des différentes réalisations du régime actuel. Selon lui, la pauvreté et le chômage massif sont la conséquence à la fois de la mauvaise stratégie de développement basée sur des investissements de prestige inopportuns entraînant un coût de la vie insupportable même pour les travailleurs.
« La course vers les grands travaux a montré ses limites pour impacter surtout socialement et économiquement les masses. Des centaines de milliards ont été utilisés au Sénégal dans des projets de transport mais aussi pour ériger des stades de dernière génération. Le TER qui est le plus gros investissement dans le domaine du transport est estimé à mille milliards de nos francs pour la première phase de seulement 35 kilomètres entre Dakar et Diamniadio.
De même, la continuité de l’autoroute à péage de l’ancien régime au-delà de la ville de Thiès à 70kms de Dakar, sur Touba, 120kms de Thiès, sur Kaolack, en passant par Mbour et sur Saint Louis, va coûter plus de 2000 milliards. On a l’impression que le Sénégal n’a qu’un problème, celui du transport au vu des milliards consommés dans ce secteur.
S’y ajoutent le BRT, des ponts dans les régions de Fatick et Kolda et des autoponts dans tout Dakar. Malgré tous ces efforts, la mobilité est encore problématique avec des embouteillages partout dans la capitale. L’annonce de la reprise du trafic ferroviaire est certainement le projet le plus intelligent et le plus structurant.
A côté du transport, les investissements sportifs viennent en 2ème position comme une préférence nationale. Trois stades dont un pour la lutte, un pour le basket et un pour le football, tous de dernière génération et donc d’un coût très élevé sont aussi préférés aux universités publiques dont les constructions peinent à finir.
« Ces milliards d’investissement ne produisent pas assez d’emplois »
Or, ces milliards d’investissement ne produisent pas assez d’emplois et augmentent de façon exponentielle le niveau d’endettement. Pendant 12 ans, aucun des leviers du PSE n’a été satisfait, malgré les différents PAP.
Pour ce qui est de la transformation structurelle de l’économie, les changements en profondeur attendus n’ont pas eu les réformes nécessaires pour d’une part attirer les investisseurs vers les secteurs productifs et d’autre part donner une nouvelle dynamique à une économie moribonde (chômage massif à 25%, croissance faible 6% en moyenne, inflation élevée à 9%, IDH de PMA) où toutes les consommations sont importées. Riz, blé, manufacture, matériaux de construction etc.
Les différents plans de développement concoctés depuis 2014 sous forme d’actions prioritaires, n’ont pas permis un décollage de l’économie encore informelle à 97%. Près de 25 000 milliards avec deux plans prioritaires ( PAP 1 et 2 ) pour une très faible croissance entre 5 et 6% qui donne la preuve d’un manque de pertinence des choix économiques et de suivis. La preuve par des investissements publics de plus de 2 500 milliards par an contribuant à hauteur de 15 à 20% du PIB, alors que le secteur primaire qui devait être la locomotive donc prioritaire ne contribue que pour 16% par manque de soutien financier conséquent.
Pis, le sous-secteur agricole n’est que de 9% de ce PIB, alors qu’il représente 62% des activités primaires. Résultat : plus de 1,3 million de tonnes de riz importés et des condiments en rupture de stocks en attente d’une offre marocaine pour nous soulager. Dans ces conditions, aucune transformation n’est envisageable dans le secteur secondaire. Malheureusement, ces deux segments de notre économie fragilisés sont les principaux pourvoyeurs d’emplois. Mais on préfère les slogans comme la DER ou » Kheuyou Ndaw Gni » pour un marketing politique que les nombreuses disparitions en mer à cause du chômage massif ont fini de vilipender.
En outre, rien des éléments constitutifs d’une valorisation du capital humain n’a bénéficié des lourds investissements. En effet, les secteurs sociaux de base qui doivent forger le capital humain sont faiblement dotés. Or comme le dit si bien le PNUD, toutes » les actions de développement doivent être centrées sur l’homme », et non seulement sur des infrastructures de soutien. Fatalement, les demandes sociales de base que Maslow qualifie de besoins physiologiques sont dans une impasse.
La nourriture, l’énergie, la location et les dépenses somptuaires rendent la vie difficile pour la majorité de nos concitoyens relativement pauvres. Les déficits enregistrés au niveau du secteur primaire comblés par les importations massives sont la preuve d’une mauvaise approche du développement.
« Les productions scolaires et sanitaires loin des niveaux requis »
De même, les productions scolaires et sanitaires sont loin des niveaux requis pour soulager les populations. En effet, les plateaux médicaux sont largement affectés par l’absence d’investissements sérieux. Les hôpitaux peinent à prendre en charge des malades qui valsent entre les différentes structures. Les plateaux toujours défectueux ne permettent pas une bonne prise en charge malgré l’ouverture de cinq nouveaux hôpitaux dont celui de Touba
.C’est pourquoi, ceux qui ont les moyens comme les élites politiques et maraboutiques se soignent et meurent à l’étranger, au Maroc, en Tunisie et en France généralement. Les structures scolaires sont largement insuffisantes pour accueillir les rares privilégiés qui continuent leur cursus. Les universités sont débordées et les centres de formation limités. Le taux d’échec est certainement la conséquence de ces situations peu commodes pour les étudiants. La politique d’orientation des élèves dans des filières de formation courte mais professionnalisante est un défaut congénital du système d’éducation hérité des colons ».
source:leral