Les enquêteurs soupçonnent le couple Bolsonaro de s’être illégalement approprié des objets censés rejoindre le patrimoine public.
L’ex-président brésilien Jair Bolsonaro et son épouse Michelle ont choisi de garder le silence jeudi 31 août face aux policiers qui enquêtent sur le détournement présumé de bijoux offerts par des pays étrangers, un scandale qui fait les gros titres depuis des semaines. Parure de diamants, montres ou stylos de luxe : les enquêteurs soupçonnent le couple Bolsonaro de s’être illégalement approprié des objets censés rejoindre le patrimoine public.
L’ancien dirigeant d’extrême droite a été entendu au siège de la police fédérale de Brasilia pour la cinquième fois depuis qu’il a quitté le pouvoir fin décembre, après sa défaite à la présidentielle face au leader de gauche Luiz Inacio Lula da Silva. Condamné fin juin à 8 ans d’inéligibilité pour avoir disséminé de fausses informations sur les urnes électroniques avant le scrutin, Jair Bolsonaro est en effet cerné par une myriade d’affaires judiciaires.
Jeudi, l’ancien chef de l’État (2019-2022), l’ex-première dame et six de leurs proches collaborateurs ont été interrogés séparément, et de façon simultanée, l’un d’eux à partir d’un commissariat de São Paulo. Jair et Michelle Bolsonaro ont «fait usage de leur droit au silence», peut-on lire dans un communiqué de leurs avocats diffusé dans la presse locale. Ces avocats remettent en cause le fait que l’enquête soit menée sous l’égide de la Cour suprême, et non d’un tribunal de première instance, et expliquent que leurs clients ont décidé de «ne répondre que quand ils seront face à un juge compétent» pour cette affaire.
«Il ne s’agit pas de garder le silence. Je suis totalement disposée à m’exprimer dans la sphère compétente et je ne peux accepter de témoigner dans un cadre inadéquat», a déclaré l’ex-première dame dans un communiqué posté sur son compte Instagram. Les enquêteurs soupçonnent certains des proches collaborateurs convoqués jeudi d’avoir revendu certains de ces cadeaux, en particulier des montres de luxe, en vue de l’«enrichissement illicite» de l’ancien président. Ce dernier, déjà entendu sur cette affaire en avril, risque la prison pour blanchiment et appropriation illégale de biens publics. Il a toujours nié toute malversation. Selon la Cour des comptes du Brésil, seuls les cadeaux «à caractère hautement personnel ou d’une valeur monétaire minime» peuvent être conservés par le président brésilien à l’issue de son mandat.
Montre vendue puis rachetée
Le scandale des bijoux a éclaté en mars, quand le journal Estado de S. Paulo a révélé que de hauts fonctionnaires avaient tenté de faire entrer illégalement au Brésil une paure de diamants destinée à Michelle Bolsonaro et offerte par l’Arabie saoudite, sans la déclarer au préalable. Mais les enquêteurs font état d’indices montrant que de nombreux autres cadeaux d’État pourraient avoir été détournés, comme une montre de la marque Rolex revendue aux États-Unis, puis rachetée par la suite par Frederik Wassef, un avocat de la famille Bolsonaro.
Ce dernier, qui a été auditionné jeudi à São Paulo, s’est dit «victime d’une lâche campagne de désinformation» et a assuré «n’avoir jamais commis la moindre irrégularité», dans une brève déclaration face aux journalistes à l’entrée du commissariat. Un juge de la Cour suprême a autorisé il y a deux semaines la levée du secret bancaire de l’ancien chef de l’État et de son épouse pour identifier d’éventuels mouvements suspects sur leurs comptes liés à cette affaire. La semaine dernière, Michelle Bolsonaro avait évoqué le scandale avec ironie. «On parle tellement de bijoux que je vais bientôt lancer la ligne Mijoux», avait-elle lâché au cours d’un événement organisé par son parti.
L’ex-président a également été auditionné par la police fédérale fin avril, au sujet de son implication présumée dans les émeutes du 8 janvier, quand des manifestants bolsonaristes avaient saccagé les lieux de pouvoir à Brasilia une semaine après l’investiture de Lula. Au cours d’une autre audition par les policiers à Brasilia en mai, il a nié être impliqué dans la falsification présumée de certificats de vaccination contre le Covid, après une perquisition à son domicile.