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Guerre Israël -Hamas : Comment Black Lives Matter a Rejoint la Cause Palestinienne

Aux États-Unis, Black Lives Matter fait grossir les rangs des manifestations qui dénoncent les bombardements d’Israël sur la bande de Gaza et exige un cessez-le-feu, après les attaques sanglantes du Hamas le 7 octobre.

En 2020, AnnEliza Canning-Skinner, 28 ans, manifestait pour le mouvement de soutien aux Noirs américains Black Lives Matter, «une expérience de solidarité». Trois ans plus tard, elle descend dans la rue pour soutenir le peuple palestinien, illustrant une convergence de plus en plus visible des deux causes aux Etats-Unis.

Lors d’une marche il y a quelques jours à New York, la jeune femme noire se trouvait entourée de pancartes proclamant «Black Lives pour la Palestine», ou «Le silence blanc est une violence», slogan populaire dans le mouvement anti-raciste américain. «Tout est lié», résume-t-elle, établissant des ponts entre les deux causes, à l’instar de nombreux autres manifestants.

Jo Behanzin, 25 ans, met en avant le soutien international au mouvement Black Lives Matter en 2020, quand une immense vague de manifestations a secoué les États-Unis après la mort de l’Afro-Américain George Floyd, tué par un policier blanc. «Je veux rendre la pareille, comme la poursuite d’un mouvement contre la suprématie blanche et le colonialisme», explique-t-il lors d’une autre marche à New York.

«Travail idéologique»

Pour les experts de ces mouvements, ces solidarités ont des racines anciennes, mais elles ont progressé ces dernières années. «Black Lives Matter a joué un rôle extrêmement important en termes de travail idéologique pour que les gens se préoccupent de la question palestinienne», explique Derek Ide, historien à l’université du Michigan. «Il y a plus de gens dans les rues et c’est certainement une conséquence du type d’organisation que les militants noirs ont mis en place aux côtés des groupes et des organisations pro-palestiniens», ajoute-t-il.

Depuis le XIXe siècle, des penseurs nationalistes noirs se sont pourtant inspirés de la cause sioniste, y voyant une analogie avec leur propre vision d’une mère patrie. Mais avec l’émergence, au milieu du XXe siècle, du Black Power et des mouvements anti-guerre, «il est devenu beaucoup plus courant, dans les milieux militants afro-américains, de considérer les Palestiniens comme un peuple opprimé», explique Sam Klug, historien spécialiste des études afro-américaines et de la décolonisation.

«Condition commune»

La guerre des Six jours de 1967 a marqué un tournant important, selon lui. Il relève que le Comité de coordination non-violent des étudiants, l’une des principales forces organisatrices du mouvement des droits civiques aux États-Unis, avait publié un document qui «adopte une position pro-palestinienne très forte». Il «décrivait une sorte de condition commune d’oppression et d’occupation entre les Afro-Américains, les Palestiniens, et une sorte de communauté coloniale mondiale», explique l’historien.

Des décennies plus tard, la mort de Michael Brown, 18 ans, tué par la police en août 2014 à Ferguson (Missouri), déclenchait des manifestations de masse aux États-Unis, au moment où le mouvement Black Lives Matter commençait à émerger. Le même été, Israël lançait une campagne militaire de sept semaines contre Gaza. «Le fait de voir ces deux événements se produire simultanément a renforcé l’idée qu’il s’agissait de luttes communes pour de nombreux militants», explique Derek Ide.

«Nous avons assisté à une sorte d’explosion d’actions et de dialogues entre les manifestants de Ferguson et les Palestiniens de Gaza partageant des tactiques, des stratégies, des récits de répression et de résistance à l’oppression», ajoute-t-il.

«Langage visuel»

Un dialogue qui s’est poursuivi après la mort de George Floyd. Si bien que d’après Sam Klug, Black Lives Matter a fait grossir les rangs des manifestations qui dénoncent aujourd’hui les bombardements d’Israël sur la bande de Gaza et exigent un cessez-le-feu, après les attaques sanglantes du mouvement islamiste Hamas le 7 octobre en Israël. «Ce n’est certainement pas le seul facteur, mais c’est un facteur important», estime-t-il.

Plusieurs manifestants interrogés par l’AFP établissent aussi des liens entre les méthodes des forces de l’ordre en Israël et aux États-Unis. Pour Sam Klug, il y a «un langage visuel clair et partagé que les gens peuvent voir lorsque les services de sécurité israéliens brutalisent des civils palestiniens, et auquel les Américains sont devenus très familiers en voyant des policiers blancs commettre des actes de violence à l’encontre de civils afro-américains».

Ces facteurs peuvent expliquer en partie pourquoi la cause palestinienne gagne du soutien dans l’opinion américaine, en particulier chez les jeunes, dans un pays où l’appui du gouvernement à Israël est inébranlable. D’après Sam Klug, le soulèvement qui a suivi le meurtre de George Floyd a fait évoluer les discussions sur la Palestine pour de nombreux militants noirs, mais aussi plus largement «parmi les jeunes Américains» de toutes les communautés. Il souligne l’activisme croissant à gauche de groupes juifs tels que Jewish Voice for Peace et If Not Now, très visibles ces dernières semaines.