Le président sierra-léonais Julius Maada Bio a affirmé dimanche soir que le calme avait été rétabli après une journée d’affrontements armés à Freetown qu’il a présentés comme une tentative de déstabilisation de l’État et dont la plupart des responsables ont été arrêtés selon lui.
«Le calme est rétabli» après ce qu’il a décrit comme une «tentative visant à saper la paix et la stabilité à laquelle nous travaillons si durement», a dit Julius Maada Bio sur la télévision d’État au terme d’une journée qui a vu des inconnus tenter de forcer une armurerie militaire à Freetown, affronter les forces de sécurité en plusieurs points de la capitale et faire sortir de nombreux détenus de prison.
Les autorités ont décrété un couvre-feu dans tout le pays jusqu’à nouvel ordre. Des checkpoints gardés par des forces de sécurité importantes ont été maintenus en place. Aucun bilan humain officiel des violences n’a été communiqué. «La plupart des leaders ont été arrêtés» et ils devront rendre des comptes, a dit Julius Maada Bio lors d’une courte intervention, sans plus de précisions à leur sujet.
Les vols suspendus
Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent quelques hommes en uniforme visiblement en état d’arrestation à l’arrière ou auprès d’un pick-up militaire. Les réseaux sociaux ont cité, photos à l’appui, un ancien membre de la garde rapprochée de l’ex-président Ernest Bai Koroma (2007-2018) comme un des participants à l’opération tués par les forces de sécurité.
L’aviation civile a demandé aux compagnies aériennes de reprogrammer leurs vols après la levée du couvre-feu, tout en assurant que l’espace aérien restait ouvert.
Les événements ont réveillé le spectre d’une nouvelle tentative de coup d’État dans une Afrique de l’Ouest qui, depuis 2020, en a connu au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Guinée voisine de la Sierra Leone. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a parlé dans un communiqué de tentative de faire main basse sur des armes de l’armurerie, mais aussi de «troubler la paix et l’ordre constitutionnel», langage communément employé pour les coups de force politiques. La représentation locale de l’Union européenne s’est dite «inquiète» et a appelé à «respecter l’ordre constitutionnel».
La Sierra Leone, pays anglophone, a traversé une crise politique à la suite d’élections présidentielle et générales contestées en juin 2023. L’un des pays les plus pauvres du monde, elle est aussi confrontée à de grandes difficultés économiques.
Freetown s’est réveillée avant le lever du jour au son des détonations. «J’ai été réveillée vers 04H30 (locales et GMT) par un fort bruit de mitrailleuse et de bombes venant du côté de la caserne de Wilberforce», a dit à l’AFP Susan Kargbo, une témoin jointe par téléphone. «J’étais sous le choc, en panique (…) C’était comme en temps de guerre. Je n’ai pas pu aller à l’église à cause du couvre-feu», a-t-elle dit.
Le gouvernement a indiqué que des individus avaient tenté de prendre d’assaut l’armurerie de la caserne de Wilberforce, une des principales du pays, mais avaient été repoussés.
Un couvre-feu a été instauré dans tout le pays, laissant les rues de Freetown presque désertes, comme le montrent des vidéos aériennes tournées par l’AFP.
«Tolérance zéro»
Les assaillants ont attaqué et forcé les portes de la prison centrale et de différents établissements pénitentiaires, permettant à des groupes d’hommes et de femmes de s’échapper, de maigres effets à la main pour certains.
Le gouvernement a démenti l’une des nombreuses rumeurs circulant dans la ville sous tension, à savoir une tentative de prise de contrôle de la télévision nationale, un classique des coups d’État. La télévision d’État a diffusé un message du gouvernement assurant que la situation était sous contrôle, puis l’allocution du président.
«Nous condamnons dans les termes les plus vigoureux la tentative de saisie forcée pendant la nuit de la caserne et de l’armurerie Wilberforce», a dit l’ambassade des États-Unis dans un message sur les réseaux sociaux. La Cedeao a exprimé son soutien au gouvernement en place, et appelé à l’arrestation des responsables des évènements. «La Cedeao réitère son principe de tolérance zéro pour les changements anticonstitutionnels de gouvernement», a-t-elle dit.
Julius Maada, élu une première fois en 2018, a été réélu en juin dès le premier tour, avec 56,17 % des voix selon les résultats publiés par la commission électorale, mais contestés par l’opposition.