«Je vous félicite tous d’avoir gagné les élections», a lancé l’ex-premier ministre dans une vidéo générée par l’IA. De son côté, le chef de l’armée pakistanaise a estimé que son pays devait rompre avec la politique de l’«anarchie».
Les partisans de l’ex-premier ministre Imran Khan, actuellement emprisonné, sont en bonne voie samedi pour obtenir une majorité de sièges après les législatives jeudi au Pakistan, mais ils pourraient être écartés des négociations pour la formation d’une coalition gouvernementale.
Bien que confronté à une féroce répression des autorités, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) d’Imran Khan a surpassé les attentes. Les candidats indépendants qu’il soutenait obtiennent au moins 99 sièges (dont 88 loyaux envers M. Khan), selon un décompte en date de samedi matin. Il devance la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) de Nawaz Sharif, la favorite du scrutin, créditée de 71 sièges. Le Parti du peuple pakistanais (PPP), de Bilawal Bhutto Zardari, est troisième, faisant lui aussi mieux que prévu avec 53 sièges.
Une vidéo générée par l’intelligence artificielle (IA) a été diffusée samedi matin par le parti de l’ex-premier ministre dans laquelle il est représenté en train de revendiquer la victoire. «Je vous félicite tous d’avoir gagné les élections de 2024», déclare un Imran Khan généré par l’IA dans cette vidéo, avançant que «selon des sources indépendantes, nous remportions 150 sièges de l’Assemblée nationale avant que la manipulation (de l’élection) ne débute».
Deux partisans du PTI tués
Quinze des 266 sièges en jeu lors de ces élections doivent encore être attribués. Faute de majorité absolue, les trois principaux blocs devront négocier des alliances. La PML-N apparaît la mieux placée pour y parvenir, mais toutes les options restent ouvertes. «Nous invitons les autres partis et les candidats vainqueurs à travailler avec nous», a déclaré Nawaz Sharif, 74 ans, qui a déjà exercé trois mandats de premier ministre, au quartier général de son parti à Lahore (est). Rentré au Pakistan en octobre après quatre années d’exil à Londres, il aurait le soutien de l’armée, selon les observateurs.
Le parti d’Imran Khan n’a lui pas été autorisé à figurer sur les bulletins de vote, ses candidats se présentant comme indépendants. Les partis de moindre envergure ont remporté 27 sièges au total – notamment 17 pour le mouvement Muttahida Qaumi (MQM) -, et pourraient susciter les convoitises du PTI ces prochains jours.
Si des indépendants les rejoignent, ils pourraient alors s’attribuer une part des 70 sièges réservés aux femmes et aux minorités religieuses, alloués proportionnellement en fonction des résultats précédents, auxquels le PTI ne peut prétendre faute d’autorisation à concourir sous ses couleurs.
Des émeutes post-électorales
Les candidats pro-PTI ont surtout remporté des sièges dans la province du Khyber Pakhtunkhwa (nord-ouest), son fief, où deux de ses partisans ont été tués et 24 blessés dans des émeutes vendredi soir, dans les premières violences post-électorales rapportées. Jeudi, 16 personnes ont été tuées au cours de 61 attaques recensées, selon le ministère de l’Intérieur. La veille, 28 personnes avaient péri dans deux attentats à la bombe.
Pour les électeurs d’Imran Khan, la conclusion risque d’être douce-amère. Beaucoup ont la conviction que la victoire leur a été volée, les retards dans le dépouillement n’ayant fait qu’ajouter aux multiples soupçons de manipulation. La Commission électorale a invoqué des «problèmes d’internet» pour expliquer la lenteur du processus. La coupure par les autorités des services de téléphonie et d’internet mobiles jeudi avait déjà alimenté les doutes quant à la régularité des élections.
Accusations de «fraudes pré-électorales»
La campagne avait également été marquée par des accusations de «fraudes pré-électorales», avec la mise à l’écart du populaire Imran Khan, 71 ans, condamné à trois longues peines de prison. Washington et Londres ont exprimé vendredi leurs «préoccupations» sur le déroulement des élections. Le Pakistan, qui dispose d’un arsenal nucléaire, occupe une position stratégique, entre l’Afghanistan, la Chine, l’Inde et l’Iran.
Des manifestations ont aussi eu lieu vendredi soir à Peshawar, capitale du Khyber Pakhtunkhwa, et à Quetta au Baloutchistan. «On nous a changé nos résultats», proteste Muhammad Saleem, un commerçant de 28 ans qui a bloqué avec quelque 2.000 partisans du PTI une grande artère de Peshawar.
La posture anti-establishment d’Imran Khan, ancienne star du cricket, continue de nourrir sa popularité, malgré un passage au pouvoir marqué par une détérioration économique. Il a défié de front l’armée, qui a dirigé le pays pendant des décennies et était pourtant présumée l’avoir soutenu lors de son élection en 2018. Il l’a accusée d’avoir orchestré sa chute en 2022 et lui a attribué ses ennuis judiciaires.