Quatre ans après leur précédent affrontement, l’actuel président américain et l’ancien se retrouvent de nouveau face à face, pour rejouer à fronts renversés l’élection de 2020.
Correspondant à Washington,
Les primaires sont officiellement terminées. Joe Biden et Donald Trump ont chacun remporté mardi 12 mars au soir le nombre de délégués nécessaires pour leur assurer l’investiture de leur parti à l’élection présidentielle. Quatre ans après leur précédent affrontement, Biden et Trump, les deux présidents les plus vieux de toute l’histoire des États-Unis, âgés respectivement de 81 ans et de 77 ans, et parmi les plus impopulaires, se retrouvent de nouveau face à face, pour rejouer à fronts renversés l’élection de 2020, perspective qui n’enthousiasme guère les Américains.
En remportant la primaire de Géorgie, Biden a été le premier à passer la barre des 1968 délégués requis pour l’investiture démocrate. Ce résultat a été confirmé par les votes du Mississippi, l’État de Washington, les îles Mariannes et les Démocrates vivant à l’étranger.
Son investiture était quasi-assurée depuis le début de la campagne. Comme c’est la coutume, le président sortant n’a pas vu sa candidature à sa réélection disputée au sein de son propre parti. Robert F. Kennedy Jr, rejeton de la célèbre dynastie et avocat spécialiste de l’environnement, s’est retiré de la course à l’investiture démocrate pour se présenter en tant qu’indépendant. Le représentant Dean Phillips du Minnesota et l’écrivain Marianne Williamson n’ont remporté que des résultats marginaux.
Mais l’impopularité de Biden, donné dans de nombreux sondages à plusieurs points derrière son adversaire républicain, en particulier dans les États pivots qui décideront de l’élection, inquiète les démocrates. Les considérations sur son âge préoccupent son camp. La gauche du parti critique aussi Biden pour son soutien à Israël dans sa guerre contre le Hamas à Gaza. Mais Biden est persuadé de pouvoir remporter une nouvelle fois son pari contre un adversaire très controversé.
Donald Trump mène une campagne de ressentiment, de vengeance et de rétribution qui menace l’idée même de l’Amérique. »
Joe Biden
«Malgré les défis auxquels nous étions confrontés lorsque j’ai pris mes fonctions, nous sommes en train de remonter la pente : les salaires augmentent plus vite que l’inflation, les emplois reviennent, la confiance des consommateurs a grimpé en flèche», a déclaré Biden après que sa nomination a été acquise. «Au milieu de ces progrès, nous sommes confrontés à une réalité qui nous donne à réfléchir : la liberté et la démocratie sont menacées chez nous comme elles ne l’ont jamais été depuis la guerre de Sécession. Donald Trump mène une campagne de ressentiment, de vengeance et de rétribution qui menace l’idée même de l’Amérique.»
Donald Trump, qui se présente pour la troisième fois à l’élection présidentielle, a lui aussi remporté avec une large avance l’investiture de son parti, dépassant la majorité des 1215 délégués. Malgré ou à cause des poursuites judiciaires dont il fait l’objet, le parti républicain s’est rassemblé derrière lui. Les candidats qui prétendaient lui disputer la nomination ont tous abandonné les uns après les autres dès les premières primaires, la plupart pour se rallier à lui. La dernière a été Nikki Haley, qui a renoncé après les résultats du Super Mardi, le 5 mars dernier, n’ayant mathématiquement plus aucune chance de l’emporter.
«C’est un grand honneur pour moi de représenter le Parti républicain en tant que candidat à l’élection présidentielle», a annoncé Trump. «Notre parti est UNI et FORT, et comprend parfaitement que nous nous présentons contre le pire, le plus incompétent, le plus corrompu et le plus destructeur des présidents de l’histoire des États-Unis», a ajouté Trump. «Nous sommes à présent sous Joe Biden le véreux un pays du tiers-monde, qui utilise le système judiciaire pour s’en prendre à son adversaire politique, MOI ! Mais n’ayez crainte, nous n’échouerons pas, nous reprendrons notre grand pays d’antan, nous mettrons l’AMÉRIQUE au premier plan et nous rendrons l’AMÉRIQUE ENCORE PLUS GRANDE QUE JAMAIS. Le 5 novembre sera le jour le plus important de l’histoire de notre pays ! »
Mais Trump, qui suscite le rejet d’une partie de l’électorat conservateur, n’a pas obtenu le plébiscite qu’il décrit volontiers, malgré sa prise de contrôle quasi-totale du parti républicain. Environ un quart de l’électorat républicain a choisi de soutenir d’autres candidats aux primaires. Faisant l’objet de quatre inculpations, sa campagne se déroule en partie devant les tribunaux.
Trump et moi avons des valeurs très différentes »
Joe Biden
Les nominations officielles des deux candidats auront lieu cet été lors des conventions de chaque parti, en juillet à Milwaukee, dans le Wisconsin pour les Républicains, et en août à Chicago dans l’Illinois, pour les Démocrates.
Mais Biden et Trump n’ont pas attendu ces résultats pour commencer leur campagne. Les deux adversaires s’étaient rendus simultanément samedi dernier en Géorgie, l’un des États pivots de la précédente élection, et qui pourrait de nouveau décider du scrutin. Biden avait remporté cet état avec moins de 12.000 voix d’avance il y a quatre ans.
Le ton de la campagne a déjà été donné. Celui d’un affrontement sans merci entre deux hommes que tout oppose. Trump, qui a tenté de renverser le résultat de l’élection de 2020, n’a jamais reconnu la légitimité de l’élection de Biden. Il a semé le doute sur la fiabilité du système électoral, et en a convaincu une grande partie de l’électorat républicain.
Biden présente son prédécesseur comme une menace pour les institutions et la négation des valeurs américaines. «Trump et moi avons des valeurs très différentes», a lancé Biden samedi dernier à Atlanta, «les miennes sont fondées sur celles qui ont défini l’Amérique : décence, honnêteté, équité, égalité. Mais nous savons tous que Donald Trump voit une Amérique différente – une histoire américaine de ressentiment, de vengeance et de châtiment. Ce n’est pas moi! Ce n’est pas vous!»
J’ai vu un homme très en colère et confus. »
Donald Trump
La semaine dernière, Biden avait prononcé un violent réquisitoire contre son prédécesseur lors du traditionnel discours sur l’état de l’Union.
Trump, qui fait l’objet de poursuites pénales pour avoir tenté de renverser les résultats de l’élection de 2020 en Géorgie, a répété samedi dans un rassemblement à Rome sa thèse selon laquelle l’élection lui a été volée, malgré les dénégations des élus républicains de l’État. Trump a aussi accusé le procureur du comté de Fulton, Fani Willis, d’avoir engagé des poursuites contre lui pour des raisons politiques. Il s’est aussi moqué du bégaiement de Biden. «Est-ce que Biden va ra-ra-rassembler le pays?», a lancé Trump sarcastique en évoquant le discours sur l’état de l’Union.
«J’ai vu un homme très en colère et confus», a commenté Trump lundi dans un entretien téléphonique sur la chaîne CNBC. «C’était une performance terrible, mais je pense qu’elle était probablement suffisante pour lui permettre de franchir la barrière et devenir leur candidat… Mais c’était vraiment un discours sur la division et la haine plus qu’autre chose.»
Les élections américaines voient rarement les mêmes candidats face à face lors de plusieurs scrutins. Il faut remonter à 1956, quand Eisenhower et son adversaire démocrate Adlai Stevenson se sont de nouveau retrouvés en compétition après d’être affrontés en 1952. Le précédent scrutin ayant vu s’opposer deux anciens présidents a eu lieu en 1912, entre Theodore Roosevelt et William Taft, aucun des deux n’ayant été élu, cette élection inhabituelle à trois candidats ayant été remportée par le démocrate Woodrow Wilson.