La rotation de la Terre constitue la base de notre échelle de temps, mais notre planète tourne à un rythme irrégulier. Et selon une étude, le réchauffement climatique pourrait avoir une influence sur ce phénomène.
Qui a dit que le temps était une valeur universelle, figée ? Des minutes qui paraissent des heures quand on attend son train aux journées qui passent à une vitesse folle lorsqu’on est bien entouré, difficile de croire qu’une seconde vaut toujours une seconde. C’est pour s’en assurer que depuis 1967, le temps universel coordonné (UTC) est basé sur des horloges atomiques ultra stables.
Autrement dit, c’est en zoomant au niveau de l’atome que l’on trouve une régularité de mouvement assez fine pour mettre toutes nos montres précisément à la même heure et faire fonctionner nos infrastructures numériques et nos systèmes de communication, comme la navigation GPS. Sauf que cette régularité n’est pas valable à l’échelle du globe, et que la Terre ne tourne pas sur elle-même exactement en 24 heures.
28 records battus en un an
Bien sûr, ça se joue chaque jour à la milliseconde, en plus ou en moins. Depuis plusieurs décennies, la tendance était à un ralentissement de la vitesse de rotation, c’est-à-dire que la Terre tournait légèrement plus lentement que nos montres. En 1972, les métrologistes, les scientifiques qui calculent le temps, ont donc mis en place une seconde « intercalaire » qui vient se rajouter sur les horloges de nos ordinateurs chaque fois que le décalage devient trop important. Le dernier ajout remonte à 2016, indique Duncan Agnew, auteur d’une étude publiée mercredi dans la revue Nature, à l’AFP.
Sauf que précisément, depuis 2016, la tendance s’est inversée pour basculer vers une accélération de la vitesse de rotation de la Terre. En 2020, le record du jour le plus court jamais observé a été battu à 28 reprises selon le magazinz Geo. Un record encore battu le 29 juin 2022, relaie Futura, avec une journée « astronomique » qui a duré 1,59 milliseconde de moins que la journée « atomique ». C’est peut-être un détail pour vous, mais pour les métrologues, ça veut dire beaucoup.
Les programmes informatiques complètement perdus
Considérant cette tendance, ils ont acté la suppression de la seconde intercalaire en 2035. Pire, ils se questionnent sur l’instauration d’une seconde intercalaire « négative ». Or, les programmes « supposent qu’elles sont toutes positives », explique Duncan Agnew, de l’Institut de géophysique de l’Université de Californie à San Diego. La seconde négative risquerait ainsi de désynchroniser ordinateurs et satellites. « Je ne recommanderais pas d’être à bord d’un avion à ce moment-là », grimace auprès de l’AFP Demetrios Matsakis, ex-scientifique en chef de l’Observatoire naval des Etats-Unis, qui n’a pas pris part aux travaux.
Pour mieux comprendre ce changement de régime du moteur terrestre, il faut revenir sur les raisons de l’irrégularité quotidienne de la rotation de la Terre. Plusieurs facteurs se combinent, rappelle Futura : marées, masses d’air, mouvement des satellites et fonte des glaces, ainsi que la mystérieuse « oscillation de Chandler », qui change très légèrement l’axe de rotation de la Terre. Or, cette oscillation a disparu entre 2017 et 2020, note le site spécialisé Time and Date.
Tant qu’il y a de la glace, il y a de l’espoir
Le réchauffement climatique entre aussi largement en jeu, et pourrait paradoxalement donner du temps aux scientifiques. En effet, la fonte des glaces permet de ralentir la vitesse de rotation de la Terre, un effet documenté depuis les années 1950. « Mais la nouveauté de mes travaux est de montrer l’ampleur de l’impact de la fonte des glaces sur la rotation de la Terre. Un changement encore jamais vu », révèle Duncan Agnew, alors que la fonte des glaces s’est accélérée depuis quelques années.
Selon ses calculs, l’accélération de vitesse de rotation de la Terre aurait rendu nécessaire la seconde négative dès 2026, sans les effets du réchauffement climatique. Mais avec la fonte des glaces, cette échéance serait reportée à 2029. Ce délai est plutôt bienvenu pour les métrologistes, en leur laissant « plus de temps pour décider si 2035 est la meilleure date pour supprimer la seconde intercalaire, ou s’il faut l’abandonner avant », a réagi Patrizia Tavella, du Bureau international des poids et mesures. Mais ce répit n’est que provisoire : au rythme où va le réchauffement climatique, il n’y aura bientôt plus de glace à faire fondre pour ralentir la Terre.