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Ce qu’il faut savoir sur le protocole de l’accord de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne (UE)

Alors que le protocole de l’accord de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne (UE) arrive à échéance en novembre 2024, l’association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale maritime (APRAPAM) du Sénégal invite les autorités de tutelle à évaluer le protocole actuel du point de vue de la pêche artisanale, afin que les préoccupations de ce secteur soient mieux prises en compte dans les futures négociations.

Accès aux ressources thonières :

A l’exception de deux chalutiers pêchant le merlu, tous les navires qui pêchent dans le cadre de cet APPD sont des thoniers : 28 thoniers senneurs, 10 thoniers canneurs et 5 palangriers (espagnols, français et portugais). Le thon est une espèce de poisson hautement migratoire qui voyage dans l’Atlantique, en haute mer, mais aussi dans les zones économiques exclusives (ZEE) des pays africains qui bordent l’Atlantique, dont le Sénégal. Ces espèces de thon sont gérées par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA), qui est une organisation régionale de gestion des pêches (ORGP). Le rôle de la CICTA est de fixer des limites de capture pour une série d’espèces de thon, de répartir ces ressources par le biais de quotas entre ses membres qui ont un intérêt dans ces pêcheries, et de faire des recommandations pour la gestion durable d’autres espèces de thon sans émettre de quotas. Pour toutes les espèces, les pays membres qui souhaitent développer leurs pêcheries doivent soumettre un plan de développement durable à la CICTA. Les thonidés qui migrent dans les eaux sénégalaises à tout moment de l’année n’appartiennent pas au Sénégal. Pour les espèces qui sont gérées par des quotas, ils « appartiennent » aux pays qui ont reçu des quotas de la CICTA. Pour les autres, elles appartiennent aux pays qui les pêchent.

Dans le cadre de l’APPD entre l’UE et le Sénégal, les thonidés pêchés par les navires de l’UE sont le thon albacore, le listao, le thon obèse, l’espadon et le requin à peau bleue. Pour l’albacore et le listao, il n’existe pas de système de quotas à la CICTA. Comme le thon n’appartient pas au Sénégal, l’UE, dans le cadre de l’APPD, verse simplement une redevance au Sénégal pour accéder à ses eaux.

Pas de place pour le merlu :

Le merlu noir est une espèce démersale que le Sénégal partage avec le Maroc, la Mauritanie et la Gambie. Les données scientifiques disponibles indiquent une surexploitation de la ressource. Étant donné que ces ressources sont surexploitées et que les chalutiers merlutiers font concurrence à la pêche artisanale locale surtout sur les espèces constituant les captures accessoires, APRAPAM estime qu’il n’y a pas lieu de conserver l’accès au merlu dans un futur protocole.

Appui sectoriel :

Certains projets financés par l’UE ne sont pas adaptés ou ne bénéficient pas à la pêche artisanale. De plus, il y a un manque de transparence dans les choix pour l’affectation et dans l’utilisation des fonds de l’appui sectoriel.

APRAPAM a demandé que des mécanismes transparents et participatifs soient mis en place pour assurer la transparence, la bonne utilisation et la reddition de comptes sur la façon dont l’appui sectoriel sera utilisé. Les impacts de cet appui sectoriel devraient également faire l’objet d’une évaluation.

L’étude récente sur les accords de pêche publiée par l’Union européenne souligne que la plupart des Accords de pêche contiennent aujourd’hui une clause enjoignant les parties à plus de transparence. Seule exception : l’accord avec le Sénégal, où une telle clause de transparence est totalement absente.

APRAPAM suggère que toute nouvelle proposition de protocole d’accord de pêche soit largement débattue au niveau du Parlement sénégalais, avec la participation des parties prenantes de la pêche artisanale sénégalaise, avant sa signature.

Priorités :

APRAPAM estime que l’UE devrait soutenir la collecte de données scientifiques par le Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT) surtout pour les espèces partagées de petits pélagiques, qui sont un filet de sécurité alimentaire pour la population. L’UE devrait continuer à encourager une gestion régionale de ces petits pélagiques, qui sont une source importante d’emplois, de revenus et de nutriments pour les populations de la côte ouest-africaine.

Comparaison avec d’autres accords Mauritanie

L’accord UE-Sénégal n’est pas comparable avec UE – Mauritanie l’Accord. La Mauritanie a décrété avoir un surplus de ressources qui ne peuvent pas être pêchées par la pêche locale pour une série de stocks, comme les crevettes, les petits pélagiques, le merlu, le thon, etc. Seul le poulpe, grâce à la mobilisation de nos collègues de la pêche artisanale mauritanienne pour qui c’est le gagne-pain, a été retiré de l’accord.

Cet accès important à une variété de ressources appartenant à la Mauritanie explique la taille de la compensation financière payée par l’UE. L’accord avec le Sénégal permet essentiellement aux flottes européennes de pêcher les espèces hautement migratrices de thon lorsqu’elles passent dans les eaux sénégalaises. Ces flotets ne pêchent pas de ressources appartenant au Sénégal.

Du cadre de l’accord de pêche Maroc-UE

Le Protocole mettant en œuvre l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD) entre l’Union européenne (UE) et le Royaume du Maroc prévoit des possibilités de pêche pour un maximum de 128 navires pour 6 pêcheries différentes de l’UE à la zone de pêche couverte par le présent Accord y compris les eaux adjacentes du territoire du Sahara occidental.

La contrepartie financière du Protocole 2019 -2023, financée par le budget de l’UE, est fixée à 37 millions (Mio) d’euros par an la première année d’application et atteint 38 Mio d’euros en seconde année puis 42,4 Mio d’euros en 3ᵉ et 4ᵉ années.

Les négociations pour le renouvellement de l’accord de pêche Sénégal-UE sont une occasion importante d’aborder les préoccupations des professionnels de la pêche artisanale sénégalaise et de faire avancer des solutions durables et équitables. APRAPAM propose que ces négociations soient très bien préparées, avec la participation de tous les acteurs concernés. Elle espère qu’elles seront menées dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant et de respect mutuel, et que l’accord qui en résultera sera bénéfique pour toutes les parties prenantes.

source:sudQuotidien