Si l’armée israélienne assure avoir visé « un complexe du Hamas » sans enfreindre le droit international, le Croissant-Rouge palestinien et la présidence palestinienne assurent que c’est un camp de réfugiés qui a été ciblé.
Une frappe israélienne a fait de nombreuses victimes au moins 35 personnes tuées et des dizaines d’autres blessées, selon un bilan des autorités du Hamas que nous ne pouvons vérifier – dans un bombardement, dimanche soir, à Rafah.
Des centaines de milliers de civils fuyant les combats depuis l’incursion israélienne dans la bande de Gaza, fin octobre, s’étaient réfugiés dans cette zone. Si l’armée israélienne clame avoir visé « un complexe du Hamas » sans enfreindre le droit international, y éliminant même deux cadres du Hamas, le Croissant-Rouge palestinien et la présidence palestinienne assurent que c’est un camp de réfugiés qui a été ciblé par Tsahal.
Que s’est-il passé ?
Israël a admis qu’un de ses avions avait « frappé un complexe du Hamas à Rafah dans lequel opéraient d’importants terroristes », dont deux responsables du mouvement en Cisjordanie, Yacine Rabia et Khaled Nagar. Tsahal a indiqué avoir « éliminé le chef d’état-major du Hamas en Judée-Samarie ainsi qu’un autre haut responsable du Hamas ».
« La frappe a été menée contre des cibles légitimes au regard du droit international, grâce à l’utilisation de munitions précises et sur la base de renseignements précis indiquant l’utilisation de la zone par le Hamas », a-t-elle dit dans un communiqué.
De son côté, la présidence palestinienne et le Hamas ont accusé Israël d’avoir commis un « massacre » en visant un centre pour personnes déplacées près de Rafah. « Cet atroce massacre perpétré par les forces d’occupation israéliennes est un défi à toutes les résolutions internationales », a écrit la présidence palestinienne dans un communiqué, accusant Israël d’avoir « délibérément visé » le camp de personnes déplacées de Barkasat, géré par l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) au nord-ouest de Rafah.
« À la lumière de l’horrible massacre sioniste commis ce soir par l’armée d’occupation criminelle contre les tentes des personnes déplacées, nous appelons les masses de notre peuple en Cisjordanie, à Jérusalem, dans les territoires occupés et à l’étranger à se lever et à marcher avec colère », a de son côté écrit le mouvement islamiste du Hamas dans un communiqué.
Quel est le bilan ?
Le Croissant-Rouge palestinien a déclaré que ses ambulances avaient transporté « un grand nombre » de personnes tuées ou blessées lors de l’attaque. Selon l’ONG, cette frappe « a ciblé les tentes des personnes déplacées près du siège des Nations unies », où se trouvaient donc de nombreux civils.
L’ONG a précisé que « ce lieu avait été désigné par l’occupation israélienne comme une zone humanitaire ». La frappe a été dévastatrice. Les images diffusées montraient des tentes en feu. La frappe et les incendies qui ont suivi auraient pu faire plusieurs dizaines de morts. Des photos et vidéos montraient des corps au sol, certains brûlés par les flammes.
Selon les autorités du Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, au moins 35 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées dans ce bombardement.
L’organisation Médecins sans frontière a indiqué, dans un communiqué publié sur X , autour de 23h30 dimanche soir, que « des dizaines de blessés et plus de 15 morts » avaient été présentés dans leurs services.
Des frappes dans d’autres zones de Rafah ont également été signalées dimanche en fin de journée. L’Hôpital Koweïtien a dit avoir reçu les corps de trois personnes, dont celui d’une femme enceinte.
Un contexte particulier
Cette frappe est intervenue quelques heures après que l’armée israélienne a fait état de huit roquettes tirées depuis Rafah, qui ont déclenché des sirènes d’alerte à Tel-Aviv et dans le centre d’Israël pour la première fois depuis des mois.
La plus haute juridiction de l’ONU, Cour internationale de Justice (CIJ), avait par ailleurs ordonné vendredi à Israël de suspendre ses opérations militaires à Rafah, où étaient réunis plus de 1,5 million de réfugiés au début de ces opérations. Si cette décision est censée être contraignante, Israël a poursuivi ces frappes samedi et dimanche.
Avant cette frappe dévastatrice, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’était dit dimanche « fermement opposé » à la fin de la guerre dans la bande de Gaza.
L’attaque sur le sol israélien de commandos du Hamas le 07 octobre a entraîné la mort de plus de 1 170 personnes, majoritairement des civils. En réponse, l’armée israélienne a lancé une offensive dans la bande de Gaza, qui a fait plus de 35 000 morts, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas, des chiffres qu’il est impossible de vérifier.
L’armée israélienne a annoncé dimanche la mort de deux soldats, portant à 289 le bilan de ses militaires tués depuis l’entrée dans Gaza des troupes israéliennes le 27 octobre.
Par ailleurs, en fin de journée dimanche, des milliers d’Israéliens ont participé aux funérailles d’un otage, Chanan Yablonka, tué le 7 octobre et dont le corps a été retrouvé vendredi à Gaza. « Il faut ramener tout le monde à la maison », a dit sa soeur Avivit Yablonka, avant le début des funérailles.
Une situation humanitaire dramatique à Rafah
Le point de passage de Rafah, à la frontière avec l’Égypte, qui permettait l’acheminement de l’aide humanitaire, a été fermé après le lancement de l’opération terrestre israélienne. « Nous souffrons de la faim, de la soif et d’un manque cruel d’aide », a expliqué à l’AFP Moaz Abou Taha, un Palestinien de 29 ans.
Actuellement, l’Égypte qui refuse de rouvrir le terminal de Rafah tant que les troupes israéliennes contrôlent le côté palestinien, a annoncé, dimanche, que des camions d’aide en provenance du territoire égyptien ont toutefois commencé à entrer dans la bande de Gaza par le point de passage israélien de Kerem Shalom, selon Al-Qahera News. D’après ce média, un total de « 200 camions » se sont dirigés vers Kerem Shalom, sans préciser combien de véhicules avaient passé les contrôles.
Une réunion à Bruxelles
Le week-end dernier, des médias israéliens ont rapporté que David Barnea, le chef du Mossad (les services de renseignement israéliens), avait trouvé un accord avec le directeur de la CIA, William Burns, et le Premier ministre qatari, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, sur un nouveau cadre pour les négociations, lors d’une réunion à Paris.
Mardi, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège vont reconnaître officiellement l’État de Palestine. Dans ce contexte, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne se réuniront lundi à Bruxelles avec leurs homologues d’Arabie saoudite, du Qatar, de l’Égypte, des Émirats arabes unis et de la Jordanie, ainsi qu’avec le secrétaire général de la Ligue arabe.