L’universitaire à la retraite Mbaye Thiam juge incompréhensible que le Sénégal ne dispose pas d’une bibliothèque nationale, malgré le rôle pionnier joué par le pays dans la formation des premiers archivistes d’Afrique subsaharienne à partir de 1967.
”Nous avons la chance d’avoir la première école d’Afrique subsaharienne depuis 1967″, a déclaré, mercredi, à Saint-Louis (nord), l’enseignant à la retraite, en parlant de l’École des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (EBAD) de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. Il introduisait une conférence du centre de documentation et des archives de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) et de l’université Gaston-Berger (UGB) de Saint-Louis, sur le thème : “La place des archives dans les politiques publiques des États africains : le cas du Sénégal”.
Outre son statut de pionner dans le domaine des archives en Afrique subsaharienne, le Sénégal peut se prévaloir aussi d’une “tradition extrêmement forte de formation”, a souligné Mbaye Thiam, archiviste et historien de formation. Malgré ces atouts, “nous sommes l’un des deux pays en Afrique à n’avoir pas de bibliothèque nationale”, a regretté l’ancien directeur de l’EBAD. ”Pour montrer à nos étudiants ce qu’est une bibliothèque nationale, nous les emmenons en Mauritanie ou en Gambie”, a-t-il ajouté lors de cette conférence organisée à l’occasion de la Semaine des archives (3-9 juin).
Mbaye Thiam recommande par ailleurs au Sénégal de se doter d’un “dépôt des archives nationales”. Il estime que le site des Archives nationales, qui abrite un fonds appartenant à l’ensemble des pays de l’ancienne Afrique occidentale française (AOF), “n’est pas un modèle de sécurité”.
Les archives ”ne sont pas seulement pour l’histoire, mais pour le présent et le futur”
”Ces archives n’appartiennent pas seulement au Sénégal, mais à l’ensemble des pays de l’ancienne AOF [qui] nous font confiance. Il faut les sécuriser”, a-t-il lancé dans un cri du cœur. M. Thiam est revenu sur le rôle des archives qui, ”contrairement à ce que l’on pense, ne sont pas seulement pour l’histoire, mais pour le présent et le futur”. La bibliothèque nationale dont il milite pour la construction doit être “un bâtiment isolé”, à côté d’un centre de documentation scientifique et technique et d’un dépôt des Archives nationales, selon lui. De telles infrastructures pourraient aider à la création de “milliers d’emplois”, d’autant plus que les décideurs sénégalais sont “de plus en plus ouverts à ces questions de rationalisation”. Les documents “servent à garantir la performance, la transparence, la pertinence et tous les éléments de qualité de la bonne gouvernance”, a expliqué Mbaye Thiam.
”On a toujours pensé que les archives servent à écrire le passé, mais les archives servent d’abord à conduire la réalité quotidienne”, a insisté M. Thiam, estimant que les pays qui se distinguent le mieux dans la gestion des archives sont souvent les premiers en matière de gouvernance.
Le directeur du centre de documentation et des archives de l’OMVS, Babacar Diongue, et celui de la bibliothèque de l’UGB, Abdoulaye Dièye, d’anciens étudiants du conférencier, ont fait un plaidoyer pour la préservation des archives “souvent saccagées” pendant des manifestations politiques. Plusieurs questions ont été abordées au cours de cette conférence, lors de laquelle Mbaye Thiam a pu donner son avis sur certains sujets, dont la numérisation des archives en vue de leur adaptation aux technologies de l’information et de la communication.
source:sudQuotidien