Appelé à la surprise générale par Didier Deschamps pour l’Euro, N’Golo Kanté donne à voir de lui la meilleure version de sa carrière, pour le plus grand bonheur de l’équipe de France.
Ce qu’il faut retenir:
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Meilleur joueur de l’équipe de France depuis le début de l’Euro, N’Golo Kanté a fait un retour fracassant en Bleu, deux ans après sa dernière sélection.
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Mais le milieu de terrain n’éblouit pas seulement par ses performances défensives. En attaque aussi, désormais, NG bluffe tout le monde.
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A vingt-quatre heures d’affronter la Pologne, on a donné la parole à ceux qui le connaissent le mieux (et ils sont évidemment de notre avis).
A Paderborn,
On peut reprocher bien des choses à Didier Deschamps, mais il faut aussi savoir saluer le coup de génie quand il se présente sous nos yeux. Celui du sélectionneur, cette année, c’est d’avoir tiré N’Golo Kanté de son désert saoudien et de ce que nous pensions être une pré-retraite dorée au frais de la princesse.
« J’ai été très surpris de le voir sélectionné, nous confie Patrice Garande, son ancien coach à Caen. Que ce soit les supporters ou les spécialistes du foot, pas une seule personne ne pensait encore à lui, il faut avoir l’honnêteté de le dire. »
En l’espace de deux matchs, le petit bonhomme, devenu la coqueluche de tout un pays il y a six ans en Russie, a redonné du bonheur et des frissons à un peuple français qui en manque cruellement ces derniers temps. Comme si de rien n’était, du haut de ses trente-trois ans et de sa quarantaine de matchs dans une Saudi League un cran (ou deux) en dessous du niveau des grands championnats Européens, Kanté a repris sa place d’intouchable au milieu du terrain.
Kanté rend Deschamps heureux
Le sélectionneur l’avait dit au moment de l’annonce de sa liste, « l’équipe de France sera meilleure avec NG ». Il ne s’y est pas trompé. Nommé deux fois de rang homme du match, contre l’Autriche et les Pays-Bas, l’homme au sourire figé dans le marbre est certainement la meilleure chose qui pouvait nous arriver cet été. Il fallait voir les étoiles dans les yeux de Deschamps en conférence de presse après le match contre les Pays-Bas pour comprendre ce que c’est que l’amour, le vrai.
Et si le résultat nul ne prêtait pas forcément à l’humeur badine, le sélectionneur s’est quand même laissé aller à la plaisanterie. C’est dire l’impact positif du joueur sur le groupe. « N’Golo ? Oh, il court encore, là ! », s’est-il marré. On a beaucoup entendu dire ces dernières semaines que le garçon était de retour à son niveau de 2018, quand il avait mis le monde à ses pieds et les adversaires dans sa poche arrière.
Patrice Garande n’est pas d’accord : « Je le trouve encore plus fort qu’avant ! Dans la mesure où, en plus de la faculté qu’il a toujours eue de courir partout, tout le temps, et de récupérer des ballons, je trouve que dans l’utilisation qu’il en fait et la projection vers l’avant, il est encore un cran au-dessus. Ce n’est pas compliqué, il n’a aucun point faible. C’est un joueur complet, probablement le meilleur au monde dans son registre, qui est multiple en plus. Il est phénoménal. »
« Il est stupéfiant », souffle Clauss
C’est ce qui saute aux yeux depuis le début de la compétition. Non content de nettoyer tout ce qui traîne au milieu du terrain, Kanté est devenu un véritable créateur dans le cœur du jeu. Libéré par la présence d’Aurélien Tchouameni à ses côtés face aux Néerlandais, « NG » a pris des libertés offensives que son rôle de leader expérimenté lui confère aujourd’hui.
On l’a vu, tel un chef d’orchestre, donner de la baguette pour guider ses coéquipiers, dicter le tempo et impulser les attaques des Bleus par des accélérations et des dribbles dont on ne le savait pas forcément capable. Déjà dithyrambique à son sujet lors de son arrivée à Clairefontaine, fin mai, on est allé reposer la question à Jonathan Clauss, dimanche, en conférence de presse.
« « Il est stupéfiant ! Au-delà de sa capacité physique exceptionnelle et de son jeu de récupération hors norme, j’ai découvert une troisième facette de lui, ce jeu vers l’avant. Il a une intelligence de jeu, il sait où aller, il ne court pas dans le vide, il se projette et il est capable d’impulser des attaques, de créer du jeu et du désordre dans les défenses adverses. Il est complet mais comme j’ai rarement vu de toute ma carrière. » »
A en croire Cesc Fabregas, son ancien coéquipier de Chelsea, Kanté a toujours eu cette autre facette dans sa besace à skills, comme il l’écrivait dans un édito pour le Telegraph lors de l’Euro 2021. « Il est vu comme un milieu défensif qui fait tous ces tacles et récupère beaucoup de ballons et c’est fantastique mais, parfois, on en oublierait qu’il ne perd jamais le ballon. Il peut courir avec le ballon, casser des lignes et dribbler et, comme c’est lui, on n’apprécie pas cela à sa juste valeur », regrettait celui qui, avec Eden Hazard, avait surnommé Kanté « N’Golinho ».
Un constat validé par Patrice Garande : « Il a une technique très, très au-dessus de la moyenne. Il ne perd jamais le ballon. Et si jamais ça arrive, qu’il fait un contrôle un peu trop long, il le récupère tout de suite. Jeu court, jeu long, il casse les lignes, c’est énorme. Il est monstrueux. » Son ancien coach tient aussi à saluer les progrès du phénomène sur le plan offensif.
« Avec nous, à l’époque, il pouvait avoir peur dans les trente derniers mètres, il était paniqué et ne savait pas trop quoi faire avec le ballon. Mais ça, c’était le N’Golo Kanté qui venait de National et qui arrivait en Ligue 2. Maintenant, dans les seize mètres, il lève la tête, il passe, il frappe, il fait presque toujours le bon choix. Contre la Hollande, la passe qu’il fait à Griezmann, wahou ! »
Un leader de peu de mots, par l’exemple
De l’aveu de tous ceux qui ont un jour eu la chance de jouer avec lui, le numéro 13 de l’équipe de France a cette capacité à rendre les autres meilleurs. « Il a une force mentale impressionnante. Avec lui, tout va toujours bien. Je me rappelle qu’à Caen, on s’inquiétait un petit peu pour lui, pour son adaptation au niveau Ligue 2, mais pff… Il était presque surpris qu’on s’inquiète, rigole Garande. Il est toujours ok. Pour lui, tout va-tout le temps bien. Et forcément, cette confiance, cette imperméabilité face à la pression, ça rayonne sur ses coéquipiers. Quand vous le voyez courir, récupérer, jouer, tout faire, ça vous incite à vous lâcher vous aussi. »
C’est aussi pour ça que Deschamps a choisi de le rappeler pour l’Euro. Dans un groupe parfois un peu jeune qui, du haut de ses résultats récents et de son image d’équipe injouable, peut avoir tendance à se reposer – même inconsciemment – sur ses lauriers, un mec comme Kanté est le meilleur remède au melon. C’est ce fameux « confort non-générateur d’effort » dont nous avait parlé Guy Stéphan en début de rassemblement que DD veut chasser.
« « Ce n’est pas quelqu’un qui parle tellement mais c’est un leader par l’exemple, que ce soit en match ou tous les jours à l’entraînement, confirme Rabiot. Et ça vaut plus que des mots. Quand les jeunes voient ça, ils comprennent ce que ça veut dire d’être un joueur de très haut niveau en équipe de France. Selon moi, c’est la meilleure manière de transmettre, il n’a pas besoin de prendre la parole, ce qu’il fait sur le terrain ça parle pour lui. » »
Il faut juste croiser les doigts pour qu’il ne se blesse pas d’ici au 14 juillet (soyons gourmands). Car s’il y a une équipe avec et une équipe sans Kylian Mbappé, c’est tout autant le cas (si ce n’est plus) avec Kanté. Véritable repoussoir à défaite – en compétition internationale, les Bleus n’ont jamais perdu quand il était sur le terrain – le Parisien de naissance est le talisman de cette équipe de France.