Ce chirurgien, qui a élevé seul trois enfants après la mort de son épouse et d’un autre enfant dans un accident de voiture en 1993, se qualifie de «voix des sans-voix».
Les Iraniens l’appellent «Docteur». Le réformateur Massoud Pezeshkian, 69 ans, qui a été élu président de l’Iran, plaide pour un Iran plus tolérant sur le plan social et davantage ouvert à l’Occident. Arrivé en tête du premier tour le 28 juin, Massoud Pezeshkian a recueilli plus de 16 millions de voix vendredi contre plus de 13 millions à son adversaire, l’ultraconservateur Saïd Jalili, selon les premiers résultats officiels samedi. «Nous tendrons la main de l’amitié à tout le monde», a déclaré Massoud Pezeshkian, lors de sa première prise de parole depuis sa victoire, en remerciant ses sympathisants.
Nul n’aurait parié sur ce député de Tabriz, la grande ville du nord-ouest de l’Iran, lorsque sa candidature a été acceptée par le Conseil des gardiens avec cinq autres candidats, tous conservateurs, pour cette présidentielle avancée en raison du décès accidentel du président Ebrahim Raïssi. Massoud Pezeshkian n’est, en effet, pas l’une des figures de proue des camps réformateur et modéré, qui ont nettement perdu en influence face aux conservateurs ces dernières années.
Défenseur des minorités
Mais cet homme très pieux a réussi à obtenir leur soutien et notamment celui des anciens présidents Mohammad Khatami et Hassan Rohani, ainsi que de l’ex-ministre des Affaires étrangères Javad Zarif, l’architecte de l’accord nucléaire conclu avec les grandes puissances en 2015. Depuis le début de la campagne, Massoud Pezeshkian a cultivé une certaine humilité, tant sur son apparence, étant vêtu d’une simple veste, que dans ses discours, dénués d’envolées et de fortes promesses. Ce père de famille, qui a élevé seul trois enfants après la mort de son épouse et d’un autre enfant dans un accident de voiture en 1993, se qualifie de «voix des sans-voix». Il a promis de travailler à améliorer les conditions de vie des plus défavorisés.
Ce chirurgien de profession a une expérience gouvernementale limitée qui se résume à un poste de ministre de la Santé de 2001 à 2005 dans le gouvernement réformateur de Mohammad Khatami. Depuis 2008, il représente la ville de Tabriz au Parlement et s’est fait connaître pour ses critiques envers le pouvoir, notamment lors du vaste mouvement de protestation provoqué par la mort en détention de Mahsa Amini, une jeune Kurde, en septembre 2022.
Ses origines le poussent à défendre les minorités, notamment celles du nord-ouest. Né le 29 septembre 1954 à Mahabad, une ville de la province de l’Azerbaïdjan occidental, il parle azéri et kurde. Depuis le début de la campagne, il prône un réchauffement des relations entre l’Iran et les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, afin d’obtenir la levée des sanctions qui affectent durement l’économie.
Sortir de «l’isolement»
«Nous ne serons ni anti-Occident ni anti-Est», a-t-il déclaré, en souhaitant que l’Iran sorte de son «isolement». Il a promis de négocier directement avec Washington pour la relance des pourparlers sur le nucléaire iranien, au point mort depuis le retrait américain en 2018. «Si nous parvenons à faire lever les sanctions américaines, les gens auront une vie plus confortable», a-t-il estimé. Sur le plan intérieur, il dénonce par ailleurs le recours à la force par la police pour appliquer l’obligation du port du voile par les femmes.
«Nous nous opposons à tout comportement violent et inhumain (…) notamment envers nos soeurs et nos filles, et nous ne permettrons pas que de tels actes se produisent», a-t-il déclaré. Déjà, en 2022, il s’était élevé contre le manque de transparence des autorités sur l’affaire de Mahsa Amini, morte en détention après son arrestation par la police des moeurs, qui lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire strict pour les femmes.