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Présidentielle au Venezuela : Maduro réélu selon de premiers résultats, l’opposition revendique la victoire, Washington émet des doutes

La cheffe de l’opposition, qui n’a pas pu se présenter, affirme que son candidat, Edmundo González, a gagné l’élection. Celui-ci a déclaré qu’il n’appelait pas ses partisans à descendre dans la rue ni à commettre des actes de violence, malgré un score revendiqué de 70 % de voix en sa faveur.

Situation confuse au Venezuela. Nicolás Maduro, le dirigeant autoritaire du pays, a été réélu président, a annoncé ce lundi l’autorité électorale du pays, sur fond d’allégations d’irrégularités électorales de la part de l’opposition et de tensions. Mais l’opposition revendique elle aussi la victoire, et ce résultat est contesté par plusieurs pays, dont les États-Unis.

La victoire revendiquée par les deux camps

Les résultats ont été donnés peu après minuit par le Conseil National Électoral (CNE) : Nicolás Maduro a obtenu 51,20 % des suffrages, devançant le candidat de la Plateforme Démocratique Unitaire (PUD) Edmundo González Urrutia. Le remplaçant au pied levé de la cheffe de l’opposition Maria Corina Machado, qui n’a pas pu être candidate parce que déclarée inéligible, aurait recueilli, lui, 44,20 % des voix. De multiples sondages de sortie des urnes laissaient pourtant présager sa victoire avec 65 % de suffrages attendus. « Les résultats sont indéniables. Le pays a choisi un changement pacifique », se félicitait González dans la soirée. Le résultat est « irréversible », a au contraire affirmé le président du CNE, Elvis Amoroso, après le dépouillement de 80 % des bulletins et une participation record de 59 %.

Successeur d’Hugo Chávez, mort en 2013, Nicolás Maduro occupera le pouvoir pour un troisième mandat consécutif de six ans, organisant la continuité du « chavisme » depuis 1999 et jusqu’en 2030. « Il y aura la paix, la stabilité et la justice. La paix et le respect de la loi. Je suis un homme de paix et de dialogue », a-t-il affirmé à ses supporteurs fêtant l’annonce de sa victoire devant le Palais présidentiel à Caracas. Il signera lundi un décret pour organiser un « grand dialogue national », a-t-il annoncé. L’opposition lui reproche l’effondrement économique  du pays – le PIB s’est contracté de 80 % en 10 ans -, conduisant un tiers de la population à l’exil, et la répression constante  pour empêcher toute voix critique.

Des irrégularités avant et le jour du vote ?

Selon l’organisation de défense des droits humains Laboratorio de Paz, la campagne électorale a vu au moins 71 personnes arrêtées arbitrairement – la majorité d’entre elles fournissant un service à l’opposition – et une douzaine de médias en ligne ont été bloqués dans le pays. Par ailleurs, la diaspora a peu voté, mais les Vénézuéliens installés dans le monde ont été nombres à signaler des difficultés pour s’inscrire au vote.

Dimanche soir, les dirigeants de l’opposition ont affirmé qu’il y avait eu des irrégularités électorales. Ils ont notamment affirmé que des observateurs de l’opposition s’étaient vus refuser l’accès au siège du CNE pendant que l’autorité comptait les votes, et que le CNE aurait interrompu l’envoi des données des bureaux de vote locaux à leur emplacement central pour empêcher le traitement de davantage de votes. Amoroso a affirmé que les résultats avaient été retardés en raison d’une « agression » contre le système de transmission des données électorales. Le gouvernement de Maduro contrôle toutes les institutions publiques au Venezuela et a été accusé d’avoir truqué les votes précédents, ce qu’il a nié.

Le procureur général Tarek Saab affirmait dimanche à l’agence Reuters qu’en dehors de quelques incidents isolés, le vote s’était déroulé dans le calme. Pourtant l’Observatoire vénézuélien des conflits sociaux a déclaré sur X que des groupes armés de partisans du parti au pouvoir se déplaçant à moto, connus sous le nom de « collectifs », ont été signalés dans six États et à Caracas. Dans le centre de Caracas, des dizaines de partisans du parti au pouvoir sont arrivés ensemble sur des motos devant le lycée Andrés Bello, le plus grand bureau de vote du pays, se bagarrant avec les partisans de l’opposition rassemblés à l’extérieur. La foule s’est dispersée après environ 20 minutes, mais des vidéos sur les réseaux sociaux ont montré des incidents similaires dans d’autres endroits du pays. Un homme est mort d’une blessure par balle dans l’État frontalier de Tachira après qu’un collectif a attaqué des personnes devant un bureau de vote, selon l’Observatoire.

Maria Corina Machado, a réitéré son appel à l’armée du pays – qui s’est toujours rangée derrière Maduro – pour qu’elle maintienne les résultats du vote. « Un message pour les militaires. Le peuple vénézuélien a parlé : il ne veut pas de Maduro », a-t-elle déclaré plus tôt sur X. « Il est temps de vous mettre du bon côté de l’histoire. Vous avez une chance et c’est maintenant ». « Nous avons gagné » avec 70 % des voix, a-t-elle déclaré dans la nuit dans une « déclaration aux médias nationaux et internationaux », aux côtés de Gonzalez. « Nous avons gagné et tout le monde le sait. Toute la communauté internationale sait ce qui s’est passé au Venezuela et comment les gens ont voté pour le changement », a-t-elle déclaré. À ses côtés, Gonzalez a déclaré qu’il n’appelait pas ses partisans à descendre dans la rue ni à commettre des actes de violence.

Les doutes des pays voisins et de Washington

Seules la Chine et Cuba, pays communistes, ont félicité Maduro pour son « triomphe électoral ». Pékin entretient de bons rapports avec le président vénézuélien, isolé sur la scène internationale, et est l’un des principaux créanciers du pays.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a appelé le CNE à publier ses décomptes de votes, affirmant qu’il était « d’une importance vitale » que chaque vote soit compté « de manière équitable et transparente ». « Nous craignons sérieusement que le résultat annoncé ne reflète pas la volonté ou le vote du peuple vénézuélien », a ajouté le chef de la diplomatie américaine lors d’une conférence de presse au Japon. Le président du Chili a aussi fait part de son scepticisme, tout comme Rome et Madrid, mais aussi l’Union européenne qui a demandé, par la voix de Josep Borrell, a demandé une « transparence totale dans le processus électoral ».

Dans un message très véhément sur X, le président de l’Argentine, Javier Milei, a qualifié Maduro de « dictateur ». « Dictateur Maduro, dehors ! Les Vénézuéliens ont choisi de mettre fin à la dictature communiste de Nicolás Maduro. Les données annoncent une victoire écrasante de l’opposition et le monde attend qu’elle reconnaisse sa défaite après des années de socialisme, de misère, de décadence et de mort », écrit-il, affirmant que son pays « ne reconnaîtra pas une nouvelle fraude ».

Le Costa Rica a annoncé « rejeter » le résultat de l’élection présidentielle vénézuélienne. « Le gouvernement du Costa Rica rejette catégoriquement la proclamation de Nicolas Maduro comme président de la République bolivarienne du Venezuela, que nous considérons comme frauduleuse », a affirmé le président costa ricien Rodrigo Chaves.