Alors qu’au moins 11 civils ont été tués dans la rue depuis sa «réélection» contestée par la communauté internationale, le dirigeant vénézuélien a montré mercredi qu’il n’entendait pas céder.
De plus en plus sous pression internationale, le président vénézuélien Nicolas Maduro s’est dit prêt mercredi 31 juillet à fournir toutes «les preuves» de sa réélection contestée, face aux protestations de l’opposition qui de son côté a dénoncé «l’escalade cruelle et répressive du régime». «J’ai dit, en tant que dirigeant politique, fils du commandant (Hugo) Chávez, que le Grand pôle patriotique, le Parti socialiste unifié du Venezuzla , est prêt à présenter 100% des résultats», a déclaré Nicolas Maduro lors d’une visite au siège de la Cour suprême de justice.«Très bientôt, ils vont voir que Dieu est avec nous et que les preuves sont déjà apparues. (…) Je suis prêt à être convoqué, interrogé, de toutes parts, à faire l’objet d’une enquête par la chambre électorale (…)», a-t-il assuré, au côté de son épouse.
Héritier du leader socialiste et bolivarien Hugo Chavez, Nicolas Maduro, 61 ans, au pouvoir depuis 2013, a été proclamé réélu pour un troisième mandat jusqu’en 2031, à l’issue du scrutin de dimanche remporté avec 51,2% des voix contre 44,2% à son adversaire Edmundo Gonzalez Urrutia, selon les résultats officiels. L’opposition conteste dans la rue ses résultats et dénonce une «fraude massive». Elle affirme détenir les preuves de la victoire de son candidat et a demandé au Conseil national électoral (CNE) de publier le détail du vote, tout en exigeant un recomptage transparent des bulletins.
Depuis lundi, au moins 11 civils ont été tués au cours des manifestations, selon quatre ONG de défense des droits humains. Les autorités ont fait état d’un 12e mort, un soldat tué par balle. Selon le parquet, «749 délinquants» ont été arrêtés, certains pour «terrorisme». La cheffe de l’opposition, Maria Corina Machado, déclarée inéligible et qui avait été remplacée au pied levé par Edmundo Gonzalez Urrutia, a de son côté fait état mercredi d’un nouveau bilan de 16 morts. «J’alerte le monde sur l’escalade cruelle et répressive du régime, qui compte à ce jour plus de 177 détentions arbitraires, 11 disparitions forcées et au moins 16 meurtres au cours des dernières 48 heures», a-t-elle dénoncé sur X, fustigeant les «crimes» et la «réponse criminelle de Maduro au peuple vénézuélien descendu dans la rue…». Une manifestation pro pouvoir, rassemblant plusieurs milliers de personnes, a débuté dans l’après-midi sur l’une des principales avenues de Caracas, selon des images retransmises par les médias publics. Mardi, des milliers de partisans de l’opposition avaient manifesté dans la capitale aux cris de «Liberté, liberté!» pour revendiquer la victoire de leur candidat Gonzalez Urrutia, 74 ans. Loin de reculer, Maduro a affirmé que les chefs de l’opposition ont «du sang sur les mains» et qu’ils doivent être mis «derrière les barreaux». «Ils n’arriveront jamais au pouvoir», a-t-il martelé.
Sur le plan diplomatique, la pression internationale est nettement montée d’un cran ces dernières 24 heures. «Notre patience, et celle de la communauté internationale, arrive à bout», a prévenu la Maison-Blanche. À l’unisson de la plupart des pays occidentaux, les États-Unis ont réclamé que les «autorités électorales vénézuéliennes» publient «les résultats entiers et détaillés de cette élection, pour que tout le monde puisse voir les résultats». Dans la matinée, le G7 (Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni et États-Unis) a appelé Caracas à «publier en pleine transparence les résultats électoraux détaillés», exprimant ses «graves inquiétudes sur les résultats (…) et sur la manière dont s’est déroulé le processus électoral». «Les autorités du Venezuela d……ivent mettre fin aux détentions, à la répression et à la rhétorique violente contre les membres de l’opposition», a par ailleurs tonné le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Dans la région, le président colombien Gustavo Petro, qui a pourtant renoué les liens ces deux dernières années avec le Venezuela chaviste, a lui aussi exprimé de «sérieux doutes» sur les résultats et demandé un «décompte transparent» des voix et des procès-verbaux.
Un pays exsangue
Neuf pays d’Amérique latine (Argentine, Costa Rica, Équateur, Guatemala, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay) ont déjà appelé ensemble à un «réexamen complet (des résultats) avec la présence d’observateurs électoraux indépendants». En représailles, le Venezuela a retiré son personnel diplomatique de sept de ces États et rompu ses relations avec le Pérou qui a reconnu le candidat d’opposition en tant que président «légitime».
Le duel à distance sur la toile entre le président Maduro et le milliardaire Elon Musk donne par ailleurs une saveur inédite ainsi qu’une dimension planétaire à cette crise présidentielle vénézuélienne. Particulièrement critique ces dernières semaines sur son réseau social X du «dictateur» Maduro, Elon Musk a réaffirmé mercredi que «les citoyens ont voté à une écrasante majorité pour le candidat Gonzalez», citant les chiffres de 67% des voix pour l’opposant contre 30% au président sortant. De son côté, Maduro accuse Musk, son «archi-ennemi» allié à «l’extrême droite mondiale (…) fasciste» ainsi qu’au gouvernement impérialiste des États-Unis, «d’être à l’origine de multiples» attaques contre le Venezuela.
Le Venezuela, longtemps une des nations les plus riches d’Amérique latine, est exsangue, empêtré dans une crise sans précédent: effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté et systèmes de santé et éducatif délabrés. Plus de sept millions de Vénézuéliens ont fui leur pays.