La boxeuse algérienne Imane Khelif, au cœur d’une controverse autour de son identité de genre, s’est qualifiée ce mardi soir pour la finale des moins de 66 kg dans un stade Roland-Garros tout acquis à sa cause. « La meilleure réponse » qu’elle peut donner à ses détracteurs.
Elle a levé le poing gauche avant même l’arbitre, certaine d’avoir gagné. Puis elle a sautillé sur le ring au même rythme endiablé que ses bras, dans une danse joyeuse, acclamée par un stade Roland-Garros tout acquis à sa cause. Comme si elle évacuait toute la pression qui a perturbé sa préparation en raison d’une polémique visant son identité de genre depuis cinq jours.
La boxeuse algérienne Imane Khelif, 25 ans, a triomphé de la Thaïlandaise Janjaem Suwannapheng ce mardi soir vers 23 heures, se qualifiant ainsi pour la finale dans la catégorie des moins de 66 kg programmée vendredi à 22 h 51. Elle l’a emporté facilement aux points à l’unanimité des cinq juges, dans une arène qui ne s’était pas autant enflammée pour le Serbe Novak Djokovic, vainqueur dimanche du tournoi olympique de tennis.
La combattante au casque bleu accordé à la couleur de son débardeur s’est imposée dans la moiteur du court Philippe-Chatrier, transformé en ring pour les phases finales des épreuves de ces JO jusqu’à samedi et, ce mardi soir, en étuve recouverte du toit rétractable.
Elle a mené tout au long des trois rounds, sous les yeux des reporters de toute la planète, dans une tribune de presse pleine à craquer, et de plusieurs milliers de compatriotes. De Paris ou d’Alger, ils ont déployé des drapeaux algériens à tous les étages, des loges qui coûtent une fortune jusqu’au sommet de la tribune Henri-Cochet. « Imane ! Imane ! », hurlent-ils pour accompagner la montée de leur protégée sur le ring, avant de huer son adversaire thaïlandaise. La fille d’un soudeur au chômage, originaire d’un village pauvre à environ 300 km au sud-ouest d’Alger, est soutenue par un concert de youyous s’échappant des gradins.
Si autant de projecteurs sont braqués sur elle, c’est parce qu’elle s’est retrouvée, malgré elle, au cœur d’une controverse ces derniers jours sur son identité de genre, qui a pris une dimension politique et planétaire. Elle a ainsi subi les foudres et les insinuations malsaines de l’ancien président américain Donald Trump, de la Première ministre italienne d’extrême droite Giorgia Meloni, du milliardaire Elon Musk ou de l’autrice de la saga « Harry Potter » JK Rowling.
Depuis sa victoire en 8e de finale, par abandon, contre l’Italienne Angela Carini qui a déclaré à l’issue d’un combat de 46 secondes et d’un coup « trop fort » que ce n’était « pas juste », la puncheuse se voit reprocher par ses détracteurs de ne pas être une femme. Elle est la cible de messages de haine et de cyberharcèlement sur les réseaux sociaux, qui l’accusent d’être biologiquement un homme ou une personne transgenre, ce qui lui conférerait un avantage sur le ring en lui permettant de triompher grâce à un taux de testostérone élevé.
Des allégations vivement contestées par l’athlète elle-même comme son papa. Depuis son village en Algérie, celui-ci a été contraint de montrer à des journalistes une photo de sa fille enfant, des documents d’identité ainsi qu’un acte de naissance prouvant qu’elle est de sexe féminin.
Cette querelle mondiale se nourrit également du conflit ouvert entre l’IBA, la sulfureuse association internationale de boxe amateur proche de la Russie, qui l’a disqualifiée des mondiaux de New Delhi en 2023 après avoir échoué, selon elle, à des tests d’éligibilité de genre, et le CIO, qui lui a ouvert les portes des JO. Ce dernier estime que son cas est conforme aux réglementations de l’instance olympique.
Lors de son passage en zone mixte, elle a balayé cette polémique d’un revers de poing. « Les critiques ne m’intéressent pas. J’espère être à la hauteur et montrer tout mon talent pour la finale qui va être un match de haut niveau », commente-t-elle en s’exprimant en arabe. Sous les yeux de son entraîneur et ange-gardien Mohamed Chaoua, elle a aussi remercié tous ses fans présents dans les gradins. « Le drapeau algérien était partout, la salle pleine », jubile-t-elle. « J’offre cette victoire au peuple algérien, au monde arabe et à tous ceux qui me soutiennent », poursuit-elle. Lundi, elle s’était aventurée dans un pronostic. « Si Dieu le veut, cette crise se terminera par une médaille d’or. Ce serait la meilleure réponse », imaginait-elle. Elle est désormais à une victoire de son vœu le plus cher, partagé par toute une nation.