Sénégal (2012-2024), rejoint désormais la liste des anciens présidents de la République. Fidèle à ses engagements, il a quitté la présidence le 2 avril 2024, comme annoncé lors d’une interview avec la presse locale. Son départ marque un moment historique pour le Sénégal, où le pouvoir a été transféré pacifiquement à son successeur, Bassirou Diomaye Faye, élu lors de l’élection présidentielle du 24 mars 2024. Le président sortant, Macky Sall, n’est pas candidat à sa propre succession, car il a déjà effectué deux mandats à la tête du pays.
Une sortie honorable et respectueuse de la Constitution
Macky Sall a fait preuve d’une grande intégrité en décidant de ne pas briguer un troisième mandat, malgré les débats juridiques qui auraient pu lui permettre de se représenter. Il a toujours mis en avant un « code d’honneur », préférant respecter l’esprit démocratique du Sénégal plutôt que de prolonger son règne. Cette décision, bien que contestée par certains, a montré son engagement envers la démocratie et son respect pour la volonté populaire.
Un bilan économique impressionnant : « Le bâtisseur »
Sous la direction de Macky Sall, surnommé parfois « le bâtisseur », le Sénégal a connu des transformations économiques majeures. Son Plan Sénégal Emergent (PSE), présenté dès son arrivée au pouvoir en 2012, a été une véritable feuille de route pour le développement économique, visant à hisser le pays au rang des économies émergentes d’ici 2035. Dans ce cadre, des universités ont été construites, des axes routiers pour désenclaver des régions reculées, et des lignes ferroviaires ont été réalisées, comme le train express régional de Dakar (TER), le premier TER d’Afrique de l’Ouest, reliant la capitale au nouvel aéroport international Blaise Diagne.
Toutefois, ces réalisations ne sont pas exemptes de critiques. Mamadou Samba Hane, professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) et expert en économie, souligne que, malgré les nombreuses infrastructures créées, la réalisation de certains projets, notamment dans le domaine agricole pour l’autosuffisance alimentaire, n’a pas été à la hauteur des attentes. Khadim Bamba Diagne, un autre économiste de l’UCAD, critique la politique d’endettement, avec une dette atteignant 76% du PIB en 2023, pour financer des infrastructures coûteuses comme le TER, estimé à mille milliards de FCFA pour seulement 28 kilomètres.
L’équité territoriale et le développement des régions
L’un des objectifs clés de Macky Sall a été de réduire les inégalités entre les différentes régions du Sénégal. Avec des programmes tels que le Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC), le Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (PUMA), et Promovilles, son administration a travaillé sans relâche pour améliorer les infrastructures et les services dans les zones rurales et frontalières. Grâce à ces initiatives, de nombreux villages ont pu bénéficier d’un meilleur accès à l’eau potable et à l’électricité, améliorant ainsi la qualité de vie des populations locales.
Gestion exemplaire de la pandémie de Covid-19
La gestion de la pandémie de Covid-19 par Macky Sall a été saluée à l’échelle internationale. Grâce à des mesures strictes et à une mobilisation rapide des ressources, le Sénégal a réussi à contenir la propagation du virus et à minimiser son impact. Le pays a été classé deuxième par le magazine Foreign Policy pour sa gestion efficace de la pandémie, un témoignage de l’efficacité et de la réactivité de son leadership en temps de crise.
Une politique budgétaire inclusive et responsable
Répondant aux différentes interpellations, le ministre des Finances, Mamadou Moustapha Bâ, a rappelé l’historique de l’utilisation du budget sous Macky Sall. Il a souligné que l’État a non seulement recruté et rémunéré des agents, mais a également contribué à stimuler l’économie par le biais des salaires. Selon lui, « les agents de l’État, en étant mieux payés, épargnent plus et investissent davantage dans des projets », ce qui bénéficie à l’ensemble de l’économie, des artisans aux banques.
Ces agents, en travaillant, contribuent activement à la croissance économique du pays. Le ministre a précisé que « la masse salariale est bien gérée et représente un point de vigilance dans notre politique budgétaire ». Chaque mois, plus de 104 milliards de FCFA sont versés, et avec les collectivités locales, ce montant dépasse 120 milliards de FCFA.
Le ministre a également mis en avant les investissements massifs réalisés depuis 2012. Entre 2012 et 2022, les lois de finances cumulées ont totalisé plus de 39 000 milliards de FCFA, servant à payer les salaires de 177 237 agents, à investir plus de 10 000 milliards dans la santé, et à subventionner le monde rural pour plus de 567 milliards, ainsi que les denrées alimentaires pour 164,1 milliards de FCFA.
En termes d’infrastructures, le Sénégal a atteint des résultats impressionnants : 2918 km de routes réalisées, 189 km d’autoroutes dont l’autoroute Ila Touba, et 23 ponts construits.
Les défis et critiques économiques : la carte de l’endettement et la pauvreté persistante
Malgré les réalisations, le bilan de Macky Sall est également marqué par des défis. Le taux d’endettement a atteint 76% du PIB en 2023, suscitant des critiques quant à la rentabilité des investissements réalisés sous le PSE. Khadim Bamba Diagne note que des secteurs tels que l’agriculture et la pêche ont été négligés, tandis que les investissements coûteux dans les infrastructures n’ont pas généré les retombées économiques escomptées.
Ismaïla Diack, chargé de projet à la Fondation Friedrich Ebert à Dakar, rappelle que Macky Sall avait promis l’autosuffisance alimentaire pour 2017, un objectif qui reste inachevé. Par ailleurs, le Sénégal a reculé dans l’indice de développement humain, passant de la 157e à la 169e place mondiale, illustrant une persistance de la pauvreté et des défis sociaux.
Faire valoir le point de vue sénégalais et l’industrialisation
Pour relever ces défis, des experts comme Mamadou Samba Hane et Khadim Bamba Diagne appellent à un changement de paradigme économique, encourageant une plus grande autosuffisance et une industrialisation accrue. Ils suggèrent de renégocier les contrats avec les multinationales pour que les Sénégalais tirent davantage de bénéfices des projets économiques locaux. L’accent est mis sur la nécessité de développer le tissu des PMI et PME, en s’inspirant des modèles allemands ou sud-coréens.
Une politique étrangère proactive et influente
Macky Sall a également brillé sur la scène internationale. Son rôle de médiateur lors de la crise postélectorale en Gambie en 2017, où il a aidé à assurer une transition pacifique du pouvoir, a été largement applaudi. En tant que président de l’Union Africaine, il a défendu les intérêts du continent sur plusieurs fronts, notamment en plaidant pour une plus grande représentation de l’Afrique au sein des institutions internationales comme le G20.
Son leadership a également été déterminant dans la lutte contre le terrorisme et dans la promotion de l’intégration économique régionale, renforçant ainsi la position du Sénégal en tant que leader en Afrique de l’Ouest.
Un engagement pour l’avenir
En renonçant à un troisième mandat, Macky Sall a montré un profond respect pour la démocratie sénégalaise. Son projet de créer une Fondation dédiée à la paix, au dialogue et au développement montre qu’il souhaite continuer à jouer un rôle positif après sa présidence. De plus, son éventuelle installation au Maroc après la passation de pouvoir reflète sa volonté de laisser la place à la nouvelle génération de dirigeants, tout en restant actif sur la scène internationale.
Macky Sall quitte la présidence avec un bilan riche et varié. S’il laisse derrière lui des réalisations économiques et sociales importantes, son engagement pour la paix, la stabilité et le développement de l’Afrique demeurera dans les mémoires comme l’un des points forts de sa présidence. Son départ marque la fin d’une ère, mais son héritage continue d’inspirer et de guider le Sénégal vers un avenir prometteur. En légitimant un budget de 7003,6 milliards de FCFA pour 2024, Macky Sall montre que le Sénégal est sur la voie de la souveraineté budgétaire, une avancée significative pour le pays.
source:leral