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États-Unis. Présidentielle 2024 : le vote du budget de nouveau menacé, risque de « shutdown » avant le scrutin

La menace d’une paralysie de l’État fédéral américain dans trois semaines, cinq semaines avant l’élection, pèse sur Washington. Un vote prévu mercredi au Congrès a été repoussé du fait des divisions autour d’un cavalier électoral ajouté sous la pression de Donald Trump.

« Pas de vote aujourd’hui, car nous sommes dans une situation de recherche de consensus ici au Congrès, avec de petites majorités. » Le président de la Chambre des représentants américaine Mike Johnson a annulé un vote prévu mercredi sur son projet de loi de financement provisoire de l’État fédéral, un dossier qui empoisonne la fin de mandat du président Joe Biden. Depuis janvier, c’est la troisième fois que le vote du budget échoue au Congrès, avant que des mesures provisoires ne soient prises. Alors qu’il ne reste que trois petites semaines avant la date limite, ce blocage fait courir le risque d’un « shutdown » de l’État fédéral.

Et qui dit shutdown dit la suspension du financement de certains services, des millions de fonctionnaires au chômage technique, d’autres obligés de travailler sans salaire, les aides alimentaires suspendues, des centaines de milliers d’entreprises bloquées, le trafic aérien perturbé, etc.

Mike Johnson a promis de travailler tout le week-end avec la majorité républicaine pour obtenir le nombre de voix pour passer. Or si certains républicains, les plus ultras, refusent de voter le budget, le jugeant peu rigoureux, un nombre conséquent d’élus, dont les démocrates, sont vent debout contre ce qu’en France on appellerait un « cavalier » législatif. Le chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, a prévenu, lui, que son groupe « ne céderait jamais à l’extrémisme MAGA », l’acronyme des soutiens de Trump.

Car sous la pression de Donald Trump, très influent à la Chambre des représentants, les républicains ont introduit une mesure exigeant que les électeurs apportent une preuve de citoyenneté lors de leur inscription sur les listes électorales pour les votes fédéraux. Trump, qui affirme toujours, sans preuve, que sa défaite de 2020 résulte d’une fraude électorale généralisée, martèle que l’élection de novembre pourrait être influencée par le vote des migrants qui ont traversé illégalement la frontière entre les États-Unis et le Mexique, sa bête noire.

Les démocrates et l’administration Biden s’y opposent, soulignant que le vote des non-citoyens aux élections fédérales est un crime, et que des études indépendantes ont montré que cela n’arrive que rarement. Une dizaine de représentants républicains sont également contre ce texte, qui pourrait semer le doute sur l’élection de novembre, au cours de laquelle les représentants remettent aussi leur mandat en jeu.

Mercredi avant que Johnson n’ajourne le vote, les responsables électoraux de six États sont venus témoigner lors d’une audience dédiée au sujet. Trois étaient démocrates, trois conservateurs. Adrian Fontes (démocrate), chargé du système électoral en Arizona, Etat clé du pays, a averti le Congrès que la campagne menée par les républicains pour faire passer cette mesure électorale avant le vote du 5 novembre visait à résoudre un « faux problème » et pourrait imposer de lourdes sanctions aux citoyens américains. Selon lui, 47 000 électeurs parfaitement autorisés à voter n’ont pu le faire en Arizona à cause d’une disposition de l’État exigeant une preuve de citoyenneté, tandis que les exclusions légitimes avaient été « rarissimes ».

Avec ses collègues, il a témoigné que la vague de désinformation sur l’intégrité du système électoral avait engendré non seulement la méfiance de nombreux Américains, mais aussi conduit à des menaces « incessantes » contre les responsables électoraux. « Des gens sont venus chez moi. Ils m’ont menacée, moi, mon personnel et des centaines de greffiers et de responsables électoraux locaux de notre État », a ainsi affirmé la secrétaire d’État du Michigan, Jocelyn Benson (démocrate). « Les allégations non fondées et la rhétorique sans preuve rendent nos élections moins sûres, car elles érodent la confiance du public », a-t-elle mis en garde. Le secrétaire d’État de l’Ohio, Frank LaRose, républicain favorable à la mesure, a reconnu que son bureau avait radié 600 non-citoyens des listes électorales de l’État, sur 8 millions d’inscrits.

L’année fiscale du gouvernement fédéral se termine le 30 septembre. Même si Johnson a subi un revers dans sa volonté d’adopter rapidement un projet de loi de dépenses provisoires, le Congrès a encore largement le temps d’élaborer une législation qui puisse être adoptée dans les deux chambres et obtenir la signature de Biden. À condition de trouver des voix chez les démocrates, donc de faire des compromis. « Il est grand temps… d’entamer des négociations de bonne foi sur une résolution permanente qui permettra de maintenir les programmes et services gouvernementaux dont dépendent les Américains », a déclaré dans un communiqué la représentante Rosa DeLauro, la principale démocrate de la commission des finances de la Chambre.