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L’Alliance des États du Sahel entre ambitions sécuritaires, défis démocratiques et réalités économiques

Un an après la création de l’Alliance des États du Sahel (AES), le bilan reste contrasté. Les initiatives prises, bien que prometteuses, peinent à masquer les défis structurels et les conséquences potentielles d’une rupture avec la CEDEAO.

Des progrès

L’un des principaux succès de l’AES est la mise en place d’une architecture de défense commune. Seidik Aba, journaliste et spécialiste du Sahel, souligne que l’AES a réussi à organiser des manœuvres militaires conjointes impliquant les armées des trois pays membres ainsi que celles du Togo et du Tchad. « Ces manœuvres ont marqué un début concret dans la mutualisation des forces », affirme-t-il.

Ces exercices visent à renforcer la capacité de réponse collective face aux groupes djihadistes qui menacent la région. Aly Tounkara, directeur du Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel, souligne l’importance de cette collaboration pour « réduire la mobilité des groupes radicaux, notamment l’État islamique. L’effectivité de l’Alliance est une réalité sur le plan sécuritaire, » ajoute-t-il.

L'Alliance des États du Sahel, un espoir pour le développement du continent

De plus, l’AES a institué une diplomatie commune, comme en témoigne la saisine du Conseil de sécurité de l’ONU concernant l’aide de Kiev aux rebelles touaregs maliens lors de la bataille de Tinzaouatène, souligne Seidik Aba.

En revanche, Ibrahima Kane de l’ONG OSIWA, dresse un portrait nuancé de cette alliance naissante. Il reconnaît certaines avancées, notamment l’initiative récente de la mise en place d’un passeport biométrique commun, mais souligne que les progrès sont « lents et poussifs ». Il mentionne que « rien n’indique que la sortie sera fracassante » et que « les trois pays ne sont pas prêts à rompre totalement avec la CEDEAO ».

Des faiblesses démocratiques et économiques persistantes

Cependant, l’AES rencontre des faiblesses, selon des analystes. La restriction de l’espace démocratique dans les pays membres et l’absence d’une feuille de route claire pour les transitions politiques sont des points de préoccupation. Seidik Aba note que « les questions de gouvernance et de liberté sont cruciales, car la restriction des libertés peut compromettre les objectifs de développement à long terme »… « Le développement et le respect des libertés doivent aller de pair pour éviter de compromettre les objectifs de l’alliance », précise Aba.

Ibrahima Kane partage le même constat. Il estime que la société civile doit « se faire entendre » et exiger une sortie ordonnée si la séparation doit se faire, soulignant que « les dirigeants doivent rendre des comptes ».

En termes de relations économiques, les liens sont encore étroits avec les États membres de la CEDEAO. « L’essentiel du commerce du Mali se fait avec le Sénégal, et celui du Burkina Faso avec la Côte d’Ivoire », souligne l’analyste. Le Niger, quant à lui, dépend fortement du Nigeria pour son approvisionnement en électricité. Quitter la CEDEAO pourrait donc s’avérer coûteux pour ces États, tant sur le plan commercial qu’en termes d’infrastructures.

Aly Tounkara, Directeur du Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel, met également en avant les défis économiques et sociaux. Il remarque que les efforts conjoints ont permis de réduire la mobilité des groupes radicaux, mais que des problèmes persistent dans les domaines de l’éducation, de la santé et des infrastructures. « La mutualisation des efforts est une réalité, mais l’efficacité de ces actions est encore limitée par des déficits structurels », ajoute-t-il.

Des projets ambitieux mais incertains

La question de l’avenir de l’AES en dehors de la CEDEAO est également source de préoccupation. Selon Kane, une sortie désordonnée serait problématique : « la CEDEAO représente la libre circulation des personnes et un marché commun, ce qui serait difficile à remplacer pour des pays déjà enclavés ». Il ajoute que les liens commerciaux sont encore forts entre ces États et des membres clés de la CEDEAO comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal, ce qui complique la situation.

Sur le plan des infrastructures, Kane est sceptique quant à la capacité des trois pays de l’AES à devenir autosuffisants en électricité ou en technologie dans l’immédiat. « Créer des réseaux électriques et de télécommunications prendrait au moins une dizaine d’années », explique-t-il, « et les populations doivent vivre pendant ce temps ». Il souligne aussi que l’Internet, un besoin crucial, dépend des connexions avec les États côtiers, ce qui rend la déconnexion avec la CEDEAO encore plus complexe.

L’AES a mis en place des projets ambitieux, comme la création d’un fonds d’investissement et d’un média commun. Tounkara se félicite de ces initiatives, mais souligne que leur succès dépendra de la crédibilité des projets et de la mobilisation des financements internationaux. « Les ressources naturelles des pays membres peuvent attirer les investisseurs, mais il est crucial de concevoir des projets crédibles pour obtenir le financement nécessaire », explique-t-il.

Un an après sa création, l’AES présente un bilan contrasté. L’Alliance des États du Sahel doit encore faire ses preuves. Entre ambitions politiques et réalités économiques, l’avenir de cette organisation dépendra de sa capacité à négocier une sortie ordonnée de la CEDEAO et à mettre en place les infrastructures nécessaires pour assurer son autonomie.